Céréales : quels sont ces jaunissements sur le haut des feuilles ?
Si les conditions climatiques de ces derniers jours semblent être à l’origine de la majorité des marquages et jaunissements observés sur feuilles du haut des céréales, il pourrait parfois y avoir d’autres causes, comme la jaunisse nanisante de l’orge (JNO) sur les semis précoces. Voici quelques clés pour faire la distinction entre tous les symptômes - taches physiologiques, virose… - et poser le bon diagnostic.
Une météo très favorable à l’accélération de la végétation
Depuis quinze jours, des amplitudes thermiques élevées journalières sont relevées, avec surtout des températures très douces en journée (> 20°C).
Figure 1 : Offre climatique – station de Niort Souche (79) – campagne 2023-2024
Sont observés depuis quelques jours, des jaunissements homogènes des parcelles, avec des symptômes localisés sur les feuilles du haut.
Ces symptômes se caractérisent par des taches de formes diverses, avec un halo jaune. Ils sont bien plus marqués sur les étages foliaires supérieurs. Une sensibilité variétale est souvent constatée. Ces symptômes orientent le diagnostic vers un stress non parasitaire. Ces taches dites « physiologiques » sont dues à une alternance rapide et forte entre temps couvert et froid, et temps chaud avec de forts rayonnements. Ces réactions sont parfois amplifiées par l’application récente d’un traitement phytosanitaire. Les feuilles du haut, davantage exposées, sont généralement plus atteintes. En l’absence de réaction de phytotoxicité suite à l’application d’un traitement, les marquages n’auront pas d’incidence sur le rendement de la culture et aucune intervention n’est nécessaire (pas de cause parasitaire).
Ne pas confondre avec la JNO
Des symptômes de JNO sont observés sur blés et orges dans les situations de semis précoces sans intervention insecticide.
Le climat automnal et hivernal a favorisé ce risque pour les semis précoces : la très grande douceur hivernale a été propice à la présence, certes modérée mais continue, des pucerons, vecteurs de cette maladie virale dans les situations de semis précoces. Même si les pluies continues et très fréquentes ont été défavorables au vol des ailés et ont freiné et gêné les aptères en perturbant leur abri, leur multiplication due aux températures douces s’est poursuivie. D’autre part, les conditions de surveillance des pucerons n’étaient pas très favorables non plus (pluie). Leur présence a bien été observée dans les parcelles de semis précoces.
Enfin, les conditions météo ont été peu propices pour l’application d’une protection insecticide en végétation sur les semis précoces, compte tenu du nombre de jours de pluie et des quantités de précipitations. Même si les populations de pucerons n’ont pas été explosives, le mal était fait depuis l’automne : le virus avait déjà été transmis aux plantes et multipliées par celles-ci au cours de l’hiver exceptionnellement chaud.
Les symptômes de JNO apparaissent dans certaines parcelles de blé et aussi d’orge d’hiver depuis quelques jours, essentiellement pour des semis les plus précoces sans protection insecticide. Quand la plante est infectée, il n’existe aucune technique de lutte contre cette maladie virale. Aucune intervention n’est donc envisageable aujourd’hui pour atténuer ces symptômes.
- Sur orge, l’identification de la maladie est aisée car très caractéristique : les premiers symptômes dès la sortie hiver apparaissent par petits foyers de plantes atteintes (répartition due aux pucerons ailés). Les pointes des feuilles des plantes atteintes jaunissent jusqu’au dessèchement. Les plantes sont nanifiées (réduction de la hauteur de la plante), leur répartition irrégulière dans la parcelle lui donne un aspect moutonné. Pour les cas les plus sévères, on constate une disparition de plantes : c’est le cas cette année des variétés sensibles JNO non protégées en semis précoces.
Quelques situations avec des jaunissements de feuilles ont été identifiées sur semis les plus précoces pour des variétés tolérantes à la JNO. C’est une des raisons pour lesquelles nous recommandons d’éviter tout semis très précoce en orges d’hiver, y compris avec des variétés tolérantes dont la protection, conférée par le gène de tolérance à la JNO, est efficace mais pas totale. De plus, ces variétés restent sensibles aussi à la maladie virale des pieds chétifs transmise par les cicadelles (seule une variété d’orge possède actuellement la double tolérance). Les expérimentations conduites en semis précoces montrent que lors de fortes infestations JNO, les pertes de rendement sont limitées pour les variétés tolérantes (quelques quintaux quand, à situation équivalente, les orges sensibles JNO sont ravagées).
- Sur blé, la JNO est également préjudiciable, les symptômes sont moins marqués et plus tardifs que sur orge, avec toujours une répartition en petits foyers : les plantes ne nanifient pas mais on peut observer de légers tassements. Les feuilles présentent des jaunissements voire rougissements de la pointe (souvent plus tardivement). Le jaunissement se fait le long des nervures. Les symptômes sont présents cette année depuis une dizaine de jours, quelques situations ont été identifiées sur semis les plus précoces sans protection insecticide.
Sur blés, les pertes de rendement sont plus faibles que sur orges, et varient selon la sensibilité des variétés à l’infection virale. RGT Tweeteo est la variété portant un gène de résistance partielle aux virus de la JNO. Les travaux menés afin d’évaluer le comportement de cette variété vis-à-vis de la JNO montrent une bonne efficacité en condition d’infestation moyenne et forte. En situation de forte pression du virus, la perte de rendement de cette variété n’est pas nulle mais elle est très nettement réduite par rapport à celle observée sur le témoin sensible, dépourvu du gène de résistance partielle.
Pour les autres variétés de blé tendre, des expérimentations sont en cours dans le but de renforcer la compréhension de la sensibilité à la JNO des variétés proposées aux agriculteurs. Il existe de forts écarts de sensibilité à la JNO des variétés de blé tendre, avec des pertes de rendement au champ allant du simple au double entre variétés (15 à 30 % de pertes de rendement en moyenne sur blé tendre entre traité et non traité insecticide – moyenne de 7 essais – projet ABCD-B). Si la perte de rendement est globalement liée au pourcentage de surfaces avec des symptômes de JNO, le lien n’est cependant pas parfait. Attention, toutes les variétés affectées par des pertes de rendement ne sont pas nécessairement celles qui présentent les symptômes les plus marqués.
2 variétés d’orge d’hiver sensibles à la JNO
Symptôme en foyers, aspect moutonné, nanisme, faible croissance, mauvais tallage allant jusqu’à la disparition des plantes en cas de forte attaque.
Plantes infectées : les feuilles sont chlorosées (couleur vert pâle à jaune), au départ décoloration inter-nervaire jaune pâle ensuite les vieilles feuilles dessèchent.
2 variétés d’orge d’hiver tolérante à la JNO
Symptôme en foyers, quelques décolorations inter-nervaires peuvent être observées. particulièrement sur les pointes des jeunes feuilles en cas de forte attaque précoce (ici semis très précoce).
Symptômes de JNO sur une variété de blé tendre
Symptôme en foyers, pas de nanisme mais hauteur de plantes pouvant être réduite (= tassement).
Jaunissement à partir de la pointe des jeunes feuilles souvent associé ensuite à un rougissement (symptôme parfois plus tardif), jaunissement +/- fort selon les variétés, allant jusqu’à décoloration inter-nervaire jaune pâle entière de la feuille.
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