Céréales à paille : quels paramètres pourraient être affectés suite à la pluviométrie record de mai ?
Après un mois de mai extrêmement pluvieux, peuvent se poser des questions quant aux conséquences sur les rendements des céréales à paille, ainsi que la qualité technologique et sanitaire. Passage en revue des impacts à envisager.
Risques et conséquences liés aux fusarioses
Pour rappel, il est important de différentier les deux types de champignons responsables de la fusariose de l’épi : Fusarium graminearum, et les champignons du genre Microdochium, (M. nivale et M. majus).
- Fusarium graminearum est surtout problématique de par sa production de mycotoxines (DON),
- Microdochium spp. peut provoquer quant à lui de l’échaudage et entrainer des pertes de rendement parfois importantes. Il favorise également la moucheture sur blé dur.
D’une manière générale, l’intensité des attaques de fusarioses sur épis dépend de la sensibilité variétale, de la pluviométrie, des précédents culturaux et de la protection fongicide appliquée à la floraison.
Les contaminations par les fusarioses sont possibles à la floraison grâce à une forte humidité ou un épisode pluvieux persistant. On considère que le risque de contamination augmente considérablement lorsque la pluviométrie atteint 40 mm à ± 7 jours de la floraison. Cette année, avec les fortes et constantes pluies durant avril et mai, les risques de fusarioses sont avérés.
Figure 1 : Pluviométrie en mai, en comparaison à la médiane sur 20 ans (données météo France)
Moucheture à prévoir sur blé dur
Les fortes pluviométries inquiètent également sur le critère moucheture en blé dur, notamment à cause des pluies régulières et du maintien d’un environnement humide au niveau des épis, du stade épiaison jusqu’à aujourd’hui.
Plus la pluviométrie observée entre le stade épiaison et le stade grain laiteux est importante, plus le risque d’observer de la moucheture sur blé dur est important. On considère qu’au-delà de 60 mm cumulé sur cette période, le risque de dépasser 5 % de moucheture est important (avec un effet variétal important néanmoins).
Cette année, sur des semis autour du 20 novembre, l’épiaison était autour du 1er mai et le stade grain laiteux autour du 31 mai. On note un cumul de pluie est très régulièrement supérieur à 60 mm dans le Sud-Ouest.
Carte 1 : Pluviométrie (en mm) entre le 1er et le 31 mai
Qu’en est-il du potentiel rendement ?
Nombre épis
Les fortes pluies de décembre et janvier n’ont pas permis un tallage optimal des céréales et le nombre d’épis mis en place est correct à déficitaire dans de nombreuses situations (y compris en sols filtrants qui ont subi des anoxies racinaires, les sols étant saturés en eau durant tout l’hiver, et même en ce début de printemps).
Dans nos essais du Sud-ouest, on observe des densités d’épis plutôt en retrait des normales.
Fertilité des épis
Les conditions de remplissage sont en revanche, cette année, optimales. Malgré nos inquiétudes sur des accidents de froid méiose, nos premiers comptages montrent une fertilité importante.
Cette fertilité peut être en revanche affectée par la fusariose, qui installée précocement, va détruire des grains en formation (ce que l’on observe cette année dans des essais avec de nombreux symptômes). Il n’y a pas de relation simple entre nombre d’épillets fusariés et la perte de potentiel de rendement). Les pertes peuvent être cependant importantes car le rattrapage est quasi-inexistant à ce stade de la culture. On peut ainsi calculer que la perte de 2 grains par épi va impacter le rendement de 2 à 5 q/ha selon la capacité de la variété à avoir un bon poids de mille grains (PMG) et un nombre d’épis satisfaisant.
PMG
Les fusarioses des épis vont impacter les grains en cours de remplissage en rendant les enveloppes plus petites ou en détruisant une partie de celle-ci.
Même si elle reste peu observée en général cette année dans nos secteurs, la verse peut aussi perturber le remplissage. La plus tardive elle sera, le moins d’impact elle causera sur le remplissage des grains.
En revanche, les maladies des pieds s’expriment, parfois de manière spectaculaire, et impactent également le remplissage. Les épis échaudés précocement par du piétin verse, du piétin échaudage ou du rhizoctone, auront des PMG très faibles.
Figure 2 : Abaque mettant en relation la réduction de PMG avec l’intensité et la date d’apparition de la verse (cas d’une variété à petit grain)
Quels impacts des conditions climatiques en fin de cycle ?
D’autres paramètres peuvent encore évoluer en fonction des conditions climatiques récentes et à venir :
- le poids spécifique (PS),
- la germination sur pied,
- le temps de chute de Hagberg (TCH),
- le mitadinage sur blé dur.
La pluie entre la floraison et la récolte peut dégrader chacun de ces éléments.
Impacts possibles sur le PS
Le poids spécifique s’élabore en deux temps : d’abord un PS potentiel se met en place au début du remplissage (notamment en relation avec le rayonnement disponible). Il est donc probable que le PS potentiel cette année soit en léger retrait. Ce qui ne présage pas forcément de PS Faible à la récolte.
Ce PS potentiel se dégrade ensuite progressivement suivant les cumuls de pluie entre la maturité physiologique et la récolte. On estime que le PS perd environ 0,5 point pour 10 mm de pluie et ce, peu importe la variété considérée.
Actuellement, les orges d’hiver sont arrivées à maturité dans la plupart des situations. Les premières récoltes ont débuté cette semaine.
Germination sur pied
La sensibilité à la germination sur pied se détermine également en deux temps. Tout d’abord au cours du remplissage, le niveau de dormance des grains est déterminé. Des cumuls de températures supérieurs à 12,5°C à cette période réduisent la durée de dormance. Pour cette campagne, cet indicateur est plutôt neutre ou légèrement favorable (malgré les quelques pics de chaleur, le remplissage dans son ensemble a plutôt été frais). Ensuite, entre la maturité physiologique et la récolte, les températures fraîches et l’humidité conduisent à la levée de la dormance et à la germination. La sensibilité variétale influe également sur le risque de germination.
Figure 3 : Facteurs agissant sur la dormance et la germination en fonction du stade
Temps de chute de Hagberg
L’indice de chute de Hagberg mesure l’activité enzymatique du grain (les amylases, enzymes dégradant l’amidon). Ces enzymes sont synthétisées dans le grain dès le début du processus de germination. Une dégradation du TCH résulte ainsi d’un déclenchement de l’activité alpha-amylasique dans les grains. Une activité excessive des amylases conduit alors à l’obtention de pâtes très molles et collantes, ne permettant pas d’être travaillées convenablement. De plus, les produits cuits présentent des colorations brunes très prononcées. Cette activité excessive est donc rédhibitoire pour une utilisation d’un blé dans les industries de cuisson (boulangerie, viennoiserie, biscotterie, biscuiterie…).
Le TCH ne semble pas affecté par les conditions climatiques avant la maturité physiologique. En revanche, la pluie (intensité et fréquence de précipitations) dégrade ce paramètre d’autant plus vite que les variétés sont sensibles.
Figure 4 : Evolution des Temps de Chute de Hagberg pour différentes classes variétales en fonction d’indices de pluie
Blés durs : une augmentation possible du taux de mitadinage ?
Plusieurs facteurs influent sur le taux de mitadinage : la sensibilité variétale, la teneur en protéine du grain (un taux de protéines élevé limite le niveau de mitadin) et surtout, la pluie entre la maturité et la récolte.
Les pluies à venir seront donc déterminantes. La teneur en protéines est aujourd’hui difficilement prévisible entre effet rendement et effet remplissage en condition humide.
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