Céréales : les préconisations pour optimiser la fertilisation azotée 2024
Cette campagne 2023/2024 est marquée par une forte pluviométrie depuis mi-octobre dans certains secteurs, entraînant des conditions difficiles pour semer et donc des retards de chantiers. Il est nécessaire, dans ce contexte, d’adapter la fertilisation azotée, après avoir positionné ses interventions herbicides si nécessaire.
Dans la majorité des cas, il sera nécessaire d’alimenter les cultures par un premier apport d’azote au tallage, au vu des faibles reliquats azotés attendus dans les premiers horizons du sol. Cet apport doit toutefois être bien raisonné pour être correctement valorisé : pas trop précocement (attendre pour les semis tardifs que le stade tallage soit atteint), effectué avant une pluie (15 mm sous 15 jours), et pas trop important (50 unités maximum). Par ailleurs, le désherbage des parcelles doit être la priorité et les conditions annoncées pour la semaine à venir (sans gelées ni grandes amplitudes thermiques) y sont favorables, pour les parcelles ressuyées.
Une forte lixiviation de l’azote et du soufre est à attendre dans les parcelles concernées par les excès d’eau
Les reliquats d’azote minéral en sortie d’hiver seront probablement faibles cette année sur les secteurs très arrosés et dans les sols filtrants. Il est fortement recommandé de réaliser une mesure de reliquat dans ces parcelles pour ajuster le calcul de la dose totale d’azote à apporter sur la culture.
Tableau 1 : Cumul de pluies (mm) du 1er octobre 23 au 27 janvier 2024 par station météo
Le soufre est également sensible à la lixiviation. Dans les situations les plus à risque (sols superficiels, filtrants, pauvres en matière organique et sans apports réguliers de produits organiques), un apport de 30 à 50 kg de SO3/ha est recommandé selon le potentiel de rendement.
Tableau 2 : Grille pour évaluer la dose de soufre nécessaire sur blé tendre (en kg de SO3/ha) – ARVALIS
Les chiffres en orange correspondent au conseil pour un objectif de rendement de 70 q/ha, ceux en vert pour un objectif de 100 q/ha.
Valeurs sans parenthèses : sans apports réguliers de PRO
Valeurs entre parenthèses : avec apports réguliers de fumiers et composts (> 1 an sur 3)
Les apports de phosphore en sortie d’hiver pour rattraper un mauvais enracinement ne sont en revanche pas recommandés. Le phosphore n’est pas sensible à la lixiviation et nos essais historiques montrent une réponse des céréales à ces apports uniquement dans les situations où les teneurs du sol sont faibles ; dans ces situations, la réponse est moindre que pour des apports réalisés au semis.
Un peuplement et un potentiel de rendement qui peuvent être affectés
Le peuplement en sortie d’hiver (nombre de pieds par m²) et l’enracinement des cultures risquent d’être pénalisés par les excès d’eau, mais les conséquences sur le rendement sont très difficiles à chiffrer et dépendront fortement de la météo à venir, des compensations comme des dégradations étant possibles.
On considère généralement que le seuil de 60 à 100 pieds/m² relativement bien répartis en sortie d’hiver permet de conserver la culture et de couvrir les frais engagés, sans pour autant espérer un rendement élevé.
Dans les situations les plus impactées, il est toutefois nécessaire de diminuer le potentiel de rendement dans le calcul de la dose X du bilan d’azote prévisionnel : semis très tardifs, manque de pieds important en sortie d’hiver, semis en conditions très difficiles ayant fortement impacté la structure du sol.
Quand et combien apporter au premier apport ?
Une des conséquences des excès d’eau et de l’anoxie, est une croissance des céréales ralentie qui devrait se traduire par des enracinements superficiels. L’azote des horizons profonds (au-delà de 60 cm) leur sera peu accessible en sortie d’hiver. Cet azote ne devrait être disponible qu’en fin de cycle (si les racines atteignent cette profondeur et qu’entre temps il n’a pas été lixivié). La minéralisation de l’azote des matières organiques du sol risque également d’être retardée. En parallèle, les cultures devraient redémarrer lentement dans les sols humides, refermés, manquant d’oxygène, avec une absorption d’azote limitée.
Il est ainsi recommandé d’éviter toute impasse sur le premier apport en sortie d’hiver. Pour autant, il faudra se limiter à de petits apports (40-50 kg N/ha maximum et non 70-80) tout en respectant la directive nitrates dans les zones vulnérables (apports d’engrais minéral sur céréales autorisé à partir du 1er février en Rhône-Alpes, 50 kg N/ha maximum en Zone d’Action Renforcée). L’apport d’azote au stade tallage contribue à assurer un nombre d’épis par m² en augmentant la capacité des talles à monter à épis. En revanche, il ne permet pas de compenser un défaut de plantes ou un déficit du nombre de talles. Un apport trop important sera mal valorisé, risque d’être lixivié en cas de retour des pluies et amputera la dose d’azote à apporter en début de montaison ou en fin de cycle. Il n’y a également pas d’urgence à déclencher ce premier apport dans la majorité des situations : attendre le stade tallage pour les semis tardifs, actuellement à 2-3 feuilles, et positionner l’apport avant une pluie annoncée (15 mm dans les 15 jours suivant l’apport).
Le désherbage représente aujourd’hui l’intervention prioritaire dans les parcelles qui n’ont pas pu être correctement désherbées, dans lesquelles des graminées sont présentes et qui sont suffisamment ressuyées. Les conditions météo annoncées pour les derniers jours de janvier/début février (sans gelées, amplitudes thermiques faibles) y sont favorables, en dehors des périodes venteuses. Le désherbage sera d’autant plus efficace que réalisé sur adventices jeunes (tandis que les températures douces vont favoriser leur pousse rapide) et non encore alimentées par un apport d’engrais azoté.
Et la suite ?
Les semis tardifs et l’impact de l’excès d’eau décalent le cycle des cultures, avec un retard observé sur les dates calendaires habituelles, au moins sur le début de cycle. Il est particulièrement important cette année de piloter les apports d’azote en fonction du stade des cultures et de la météo annoncée, et non sur des dates d’apport calendaires habituelles. Le fractionnement en trois voire quatre apports est à privilégier pour s’adapter à l’évolution des besoins de la culture et à l’enracinement parfois limitant.
L’utilisation d’outils de pilotage pour ajuster la fertilisation azotée au potentiel de rendement, très certainement impacté par les conditions de l’année, est recommandée tout en restant vigilant à l’interprétation dans ce contexte particulier. En effet, ces outils peuvent diagnostiquer un état de nutrition azoté insuffisant en raison d’une faible disponibilité en azote dans le sol mais également lorsque l’azote est présent mais non valorisé par la culture du fait de mauvaises conditions d’absorption (épisode sec, excès d’eau…).
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