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Le bilan de phosphore aide à appréhender l’évolution de la fertilité phosphatée 

Si des bilans de phosphore déficitaires se traduisent systématiquement par une diminution des teneurs de phosphore dans le sol, l’effet de bilans positifs est en revanche beaucoup plus variable. Ce constat, établit dans le cadre du projet PhosphoBio, donne quelques clés pour raisonner la fertilisation phosphatée.  

Le bilan de phosphore aide à appréhender l’évolution de la fertilité phosphatée

Six dispositifs de longue durée conduits en agriculture biologique (AB), sur lesquels l’évolution de la fertilité du phosphore (P) est étudiée depuis plus d’une dizaine d’années (parfois plus de vingt ans), ont fait l’objet de suivi tout au long du projet PhosphoBio (figure 1 et tableau 1). Il s’agit soit d’essais pluriannuels conduits sur des bandes de plusieurs dizaines de mètres de long, soit de parcelles entières d’exploitations en AB suivies régulièrement. 

Figure 1 : Localisation des 6 dispositifs longue durée conduits en AB étudiés dans le projet PhosphoBio
Figure 1 : Localisation des 6 dispositifs longue durée conduits en AB étudiés dans le projet PhosphoBio
Tableau 1 : Présentation des 6 dispositifs longue durée conduits en AB étudiés.
Tableau 1 : Présentation des 6 dispositifs longue durée conduits en AB étudiés. Site : la lettre entre parenthèses indique le type de dispositif (S : Suivi de parcelles, E : essai) et le chiffre correspond au numéro du département où se trouve le site. Régime de fertilisation : P- : pas d’apports de phosphore (ou apports quasiment nuls) P+ : apports de Phosphore inférieurs aux exportations P++ : apports de Phosphore équivalents à supérieurs aux exportations

Des analyses de terre y sont réalisées tous les 4 à 5 ans et les dernières ont eu lieu durant le projet. En parallèle, le détail des apports de fertilisants et les rendements des cultures ont été enregistrés. Enfin, les teneurs en P (ainsi qu’en azote et potassium) des grains et fourrages récoltés ainsi que des pailles ont été mesurés, au moins durant le projet PhosphoBio. 

Principe du bilan de phosphore 

Des bilans « Entrées – Sorties » de phosphore ont été calculés sur l’ensemble des parcelles à partir de ces données. La gamme de valeurs prise par ces bilans, ramenés à l’année, va de -37 à + 21 kg de P2O5/ha/an. 

Des valeurs de bilan négatives (bilan déficitaire) indiquent que les pratiques de fertilisation conduisent à un déstockage de phosphore du sol. À l’inverse, des valeurs positives (bilan excédentaire), indiquent que les pratiques de fertilisation conduisent à un stockage de phosphore dans le sol. 

Viser un bilan à l’équilibre (proche de 0) n’est pas un objectif en soi. Cet objectif peut être recherché lorsque la disponibilité en phosphore du sol est jugée satisfaisante dans un but de la maintenir à long terme. En situation de faible disponibilité en phosphore, il serait davantage souhaitable de viser un bilan excédentaire jusqu’à l’atteinte d’un niveau de disponibilité en phosphore du sol satisfaisant. À l’inverse, en cas de disponibilité en phosphore du sol très élevée, un bilan déficitaire en phosphore durant quelques années n’est pas forcément alarmant. 

Un lien entre bilan de phosphore et teneurs en phosphore du sol difficile à établir 

Les bilans de P cumulés tout au long de la période de suivi des sites ont été mis en relation avec l’évolution des teneurs en P du sol au cours de la même période (figure 2). 

 

Figure 2 : Relation entre bilan de phosphore calculé à la parcelle et évolution des teneurs en P Olsen du sol sur différents sites longue durée conduits en AB (moyenne de plusieurs parcelles).
Figure 2 : Relation entre bilan de phosphore calculé à la parcelle et évolution des teneurs en P Olsen du sol sur différents sites longue durée conduits en AB (moyenne de plusieurs parcelles).

Sur la gauche de la figure, tous les sites ayant des bilans de P négatifs n’ont pas reçu d’apports de phosphore ou ont reçu des apports occasionnels très inférieurs aux quantités exportées de phosphore par les cultures. Ces bilans négatifs s’accompagnent systématiquement d’une diminution de la teneur en P Olsen du sol. Cependant, la vitesse de cette diminution de la teneur en phosphore varie fortement d’un site à l’autre comme on peut le voir à travers les pentes de la relation « évolution de la teneur en phosphore du sol en fonction du bilan de P », très variables d’un site à l’autre. 

Sur la droite de la figure, les sites ayant reçu des apports de phosphore très supérieurs aux quantités exportées par les cultures présentent des bilans de phosphore positifs. Cependant, ces bilans positifs s’accompagnent, en moyenne, d’une diminution (La Saussaye, P+) ou d’une stabilisation (Dunière, P+) de la teneur en phosphore Olsen du sol et pas systématiquement d’une augmentation de la teneur comme on pourrait s’y attendre. 

Prédire l’évolution des teneurs en phosphore du sol est un exercice périlleux 

Selon la pente de ces relations, un bilan de phosphore négatif de -20kg de P2O5/ha/an, conduirait, en moyenne, à une diminution de la teneur en phosphore du sol de 1.7 ppm de P2O5 Olsen par an. Cependant cette vitesse d’évolution est très variable puisqu’un tel déficit conduirait à une diminution de teneurs comprise entre 0 et 8 ppm de P2O5 Olsen par an selon les parcelles étudiées. 

À l’inverse, un bilan de phosphore excédentaire de + 20kg de P2O5/ha/an, conduirait, en moyenne, à une augmentation de la teneur en phosphore du sol de 0.1 ppm de P2O5 Olsen par an, avec des valeurs pouvant aller d’une diminution de cette teneur de -1.9 ppm à une augmentation de +1.6 ppm de P2O5 Olsen par an. 

Cette variabilité pourrait s’expliquer par le pouvoir fixateur du sol, plus ou moins important selon sa nature. Cependant, ces travaux n’ont pas permis d’établir de corrélation nette entre la vitesse d’évolution des teneurs en phosphore du sol, matérialisée par la pente des relations, et différents critères de l’analyse de terre comme le pH, la teneur en calcaire, en argile ou en matière organique. 

Il reste donc difficile, jusqu’à présent, de prévoir finement l’évolution des teneurs en phosphore du sol à partir d’un bilan entrées – sorties de phosphore. Si des bilans déficitaires se traduisent par une diminution des teneurs, l’effet de bilans positifs est beaucoup plus variable (diminution, maintien ou augmentation des teneurs). 

En savoir plus : consultez la fiche du projet PHOSPHOBIO

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