Les coulisses de la R&D - Trois manières d’insérer la cameline dans les rotations
La cameline est souvent utilisée comme couvert mais peut être valorisée en culture de rente. Une potentialité étudiée par ARVALIS dans le projet 4CE-MED (2020-2023), via trois manières d’insérer cette oléagineuse dans le système de cultures.
La cameline est une culture oléagineuse de la famille des crucifères. L’huile est valorisable pour plusieurs débouchés, mais c’est en biocarburant pour l’aviation que les perspectives semblent les plus attrayantes. Grâce à son cycle court, la cameline peut s’insérer dans un système de double-culture, c’est-à-dire avec deux cultures récoltées successivement la même année.
Cette particularité offre des opportunités car la réglementation distingue les biocarburants selon la matière première utilisée et son mode de production, en favorisant celles qui limitent les problématiques de concurrence d’usage des sols afin de sécuriser les débouchés alimentaires. Les biocarburants conventionnels sont élaborés à partir d’une matière première qui peut être en concurrence avec l’alimentaire tandis que les biocarburants « avancés » (dont ceux « de deuxième génération ») sont élaborés à partir d’autres matières premières et procédés (source : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires).
Être opportuniste avec la cameline en interculture d’été
Depuis quelques années, de nombreuses coopératives et négoces testent la cameline en implantation d’été et récolte de début d’automne, avant le semis des céréales d’hiver. Cependant, « semer la cameline en dérobé d’été derrière une orge d’hiver (ou autre culture récoltée tôt ) est plutôt une action d’opportunité lorsque les sols sont encore humides à la récolte ou que des pluies sont annoncées. Ne fonctionnant pas tous les ans, il est difficile de construire une filière avec ce mode d’implantation. En revanche, il peut être un bon complément d’approvisionnement » explique Sylvain Marsac, Responsable du pôle Bioressources-Agroéquipements-Services environnementaux chez ARVALIS.
L’institut travaille donc sur deux autres manières d’insérer la cameline dans le système de culture, imaginées avec des industriels, des organismes stockeurs et des agriculteurs :
- semer la cameline comme culture intermédiaire d’hiver, avant un sorgho ou un soja très précoce par exemple,
- semer la cameline comme culture principale derrière une Cive.
Ces idées s’accompagnent de questions et il est nécessaire les éprouver. C’est ce que fait ARVALIS au travers du projet européen 4CE-MED. Ce projet de recherche vise à développer des systèmes agricoles diversifiés et durables, intégrant la cameline.
De bons atouts en culture intermédiaire d’hiver
Par rapport à du colza, semer la cameline à l’automne permet d’éviter les contraintes de sécheresse à l’implantation et de ravageurs. Afin de maintenir la cameline en culture intermédiaire, il est nécessaire de la récolter fin mai à début juin au plus tard. Les premiers résultats de 4CE-MED semblent montrer qu’une telle date de récolte serait possible sur une grande partie du territoire métropolitain. En outre, la préfauche présente beaucoup d’intérêts pour cette séquence de culture afin d’accélérer la dessiccation de la plante.
Le projet va déterminer quelles cultures principales peuvent se réussir derrière la cameline. Ce système présente l’avantage pour les utilisateurs de remplir les critères de durabilité pour estampiller le biocarburant « avancé ». Pour les OS, cette date de récolte fin mai ne nécessite pas de séchage, ce qui est un atout important.
Une place toute trouvée derrière une Cive
L’important développement de la méthanisation en France a conduit les acteurs à suggérer l’implantation de cameline en culture principale derrière une Cive avec un semis mi-mai et une récolte fin août. La cameline est plutôt tolérante au sec et le risque économique est bien moindre par rapport à un maïs ou un tournesol : les semences ne coûteraient que 50-60 €/ha, contre 180 et 150 €/ha respectivement pour le maïs et le tournesol. En outre, la cameline nécessite peu d’engrais (seulement 60 kg N/ha d’après les premiers résultats de 4CE-MED).
Récoltée fin août, la cameline ne nécessite pas de séchage. Cependant, elle serait moins bien payée que lorsqu’elle se positionne en interculture, puisqu’elle ne permet pas d’entrer dans les critères des biocarburants avancés.
Des bénéfices sur le système de culture encore à quantifier
Si ARVALIS s’intéresse à cette oléagineuse, c’est en raison de ses intérêts agronomiques et environnementaux pour la rotation. La cameline aurait des effets allélopathiques, facilitant la gestion des adventices dans le système de culture. Réduction de l’enherbement et des intrants, stockage de carbone dans le sol selon la séquence de culture et amélioration de la résilience des exploitations sont quelques-uns des atouts potentiels liés à l’introduction de cette espèce dans les systèmes de cultures méditerranéens, qui sont particulièrement ciblés par 4CE-MED.
Le projet permet d’acquérir des références sur la conduite de la cameline en interculture d’hiver ou culture principale. « Il faut semer très proche de la surface et faire très attention à la rémanence des programmes de désherbage du précédent. Selon les herbicides utilisés sur le précédent, il faut savoir s’abstenir » révèle Sylvain Marsac.
Sylvain MARSAC (ARVALIS) nous explique en vidéo comment les échanges entre acteurs de l’amont et de l’aval de cette filière contribuent à développer des systèmes de culture innovants et intéressants pour le système agroalimentaire français.