Méthanisation : les résultats d’analyses de laboratoire peuvent-ils changer d’échelle ?
Peut-on extrapoler les résultats sur la production, la qualité du biogaz et la valeur agronomique du digestat issus de pilotes de laboratoire ou d’une unité de méthanisation expérimentale à ceux d’un méthaniseur industriel de plusieurs milliers de mètres-cubes ? C’est ce qu’explorent actuellement l’Apesa, ARVALIS, l’Inrae et TotalEnergies à travers le projet METHASCALE.
Nul besoin d’être un expert pour remarquer que tous les scénarios prospectifs de transition énergétique ont un dénominateur commun : la méthanisation. L’État a d’ailleurs fixé d’ambitieux objectifs dans le cadre de sa stratégie de transition et de souveraineté énergétique : il faudrait injecter 44 TWh de gaz vert dans le réseau en 2030, soit quatre fois plus qu’aujourd’hui.
Des paramètres difficiles à évaluer à grande échelle
« Non seulement les besoins en matières premières pour augmenter la production de biogaz sont importants, de l’ordre de 6 millions de tonnes de matière sèche de Cive supplémentaires d’ici 2030, sans réduire pour autant les surfaces destinées à l’alimentation. Mais il y a également les aspects liés à la saisonnalité à prendre en compte », introduit Sylvain Marsac, ingénieur spécialiste de la valorisation non alimentaire chez ARVALIS. Pour l’heure, les installations de méthanisation utilisent des rations dont la composition varie peu ou prou. « Évaluer le potentiel méthanogène des matières alimentant le méthaniseur, la qualité du biogaz produit ou déterminer la valeur agronomique du digestat est très complexe à grande échelle », complète Manuel Heredia, ingénieur régional et responsable de la station d’expérimentation et de recherche de Montardon, dans les Pyrénées-Atlantiques.
Un laboratoire et une unité pilote de 150 m3
Et si la solution était de faire ces suivis en laboratoire ou sur un méthaniseur expérimental, comme celui dont est équipée depuis peu la station de Montardon ? C’est l’ambition que portent le laboratoire Apesa, ARVALIS, l’Inrae et TotalEnergies à travers le projet METHASCALE. L’objectif est de reproduire en conditions de laboratoire et dans l’unité pilote de 150 m3 la ration utilisée sur l’unité BioBéarn de TotalEnergies (95 000 tonnes) située à proximité, à savoir un assemblage composé de lisier, de Cive et de déchets de maïs doux.
Les partenaires devront vérifier que les paramètres obtenus sur chaque type d’unité (laboratoire ou l’unité pilote) sont conformes à ceux relevés en sortie d’unité industrielle, en termes de stabilité biologique et de performance de production de gaz. Mais ce n’est pas tout. Ils s’intéressent également à la valeur agronomique des digestats, via des essais dans les parcelles expérimentales de Montardon. « Nous allons épandre notre digestat et celui de TotalEnergies sur les maïs 2024 et les Cive 2024-2025, et comparer leurs impacts sur le comportement des cultures », développe Manuel Heredia.
Une garantie pour les producteurs et les fournisseurs d’énergie
L’enjeu autour de la reproductibilité et de la transférabilité des résultats du laboratoire vers l’unité de méthanisation est fort. Des recommandations pourront être établies sur les méthodes d’analyse : classique, pilote laboratoire ou unité expérimentale. Il s’agit d’ouvrir de nouvelles perspectives quant à la diversification des approvisionnements sans diminuer les performances des méthaniseurs d’ores et déjà opérationnels.
« Le biogaz doit respecter un certain nombre de critères pour être conforme au cahier des charges d’injection dans les réseaux de gaz naturel, sous peine d’être détruit. Par ailleurs, un gaz de mauvaise qualité peut abîmer les moteurs utilisés dans les unités de cogénération, et réduire la rentabilité des installations », expose Manuel Heredia. Pour les agriculteurs, c’est aussi la garantie de disposer d’informations fiables et précises sur l’intérêt agronomique des digestats. Un gage alors que ces co-produits sont désormais commercialisés.