Des clés pour optimiser la rentabilité du blé dur bio en région PACA
La rentabilité de la culture de blé dur en bio est un frein important au développement de la filière, et ce malgré des opportunités de marché avérées. Le projet BIODUR-PACA apporte des références économiques pour consolider la production régionale dans un contexte délicat pour le bio.
Depuis plusieurs années, la filière blé dur, emblématique de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) connaît une baisse importante de surfaces. Entre stagnation des rendements et incertitudes sur la qualité, les agriculteurs se tournent vers des cultures plus rémunératrices comme la lavande ou le riz, ou jugées moins risquées, comme le blé tendre ou l’orge.
Dans le cadre du projet BIODUR-PACA, financé par l’Union Européenne et la région Sud-PACA, ARVALIS s’est intéressé aux conditions de rentabilité du blé dur cultivé dans le sud-est de la France en agriculture biologique.
Lorsque le projet a débuté en 2019, le marché du bio affichait une croissance à deux chiffres et ce mode de conduite était identifié comme une opportunité économique pour la filière.
Des simulations à partir de quatre fermes-types
Pour évaluer la rentabilité de la culture de blé dur bio, ARVALIS a calculé, à l’aide de l’outil Systerre, Les les coûts de production de quatre fermes-types de la région (tableau 1 et figure 1).
Tableau 1 : Principales caractéristiques des quatre fermes types de l’étude
Figure 1 : Assolement (en hectare) des quatre fermes types pour lesquelles le calcul des coûts de production ont été réalisés
Les produits (prix de vente et Aides PAC) et charges de ces exploitations ont été définis à partir de moyennes sur la période 2019-2022. Les principales charges sont les intrants, la mécanisation et les salaires hors main-d’œuvre familiale et cotisations (figure 2). Les prix de référence des différentes cultures utilisées pour les calculs des marges est spécifié dans le tableau 2.
Grâce au riz, l’exploitation de Camargue présente la marge nette la plus élevée, à 912 €/ha. À l’inverse, celle de Forcalquier, qui ne produit pas de blé dur et possède une part de légumineuses pluriannuelles importantes dans l’assolement, a la plus faible marge nette, soit 162 € /ha. À noter que ces exploitations sont souvent diversifiées sur des productions hors céréales non comptabilisées dans l’étude.
Figure 2 : Ventilation du coût de production complet du blé dur bio à la tonne (moyenne des quatre fermes-types
Tableau 2 : Prix de référence des cultures en région PACA, établis à partir des moyennes des prix de vente sur la période 2019-2022
Rotation Légumineuses pluriannuelles- blé dur bio : un combo gagnant-gagnant
Comme l’explique Mathieu Marguerie, ingénieur régional PACA chez ARVALIS et chef de projet de BIODUR-PACA, « les légumineuses pluriannuelles sont valorisées en fourrage, des cultures qui ne sont pas nécessairement les plus rémunératrices de la rotation. Elles ont donc tendance à peser négativement sur la marge ». En revanche, par leur capacité à fixer l’azote atmosphérique et à le restituer au sol lors de la destruction, elles permettent de réduire les apports d’engrais organiques dans le blé dur et donc les charges liées aux intrants, à la mécanisation et à la main-d’œuvre. Ainsi, dans la ferme-type de Valensole, un blé dur de sainfoin a un coût de production inférieur de 20 % à la tonne par rapport à un blé dur de lavande ou de blé tendre (figure 3) du fait d’une diminution des charges de production et d’une augmentation des rendements.
Figure 3 : Evolution des charges et de la marge du blé dur bio en fonction du précédent cultural
Dans la ferme-type de la vallée de Durance, le coût de production d’un blé dur de luzerne est inférieur de 5 à 15 % à la tonne par rapport à un blé dur de soja ou de tournesol semence.
Sur le plan agronomique, les essais menés dans le cadre du projet BIODUR-PACA montrent que les légumineuses pluriannuelles améliorent très clairement le rendement et la qualité protéique du blé dur bio, et donc sa rentabilité. Conclusion, le blé dur est la meilleure façon de valoriser les légumineuses pluriannuelles, et inversement les légumineuses pluriannuelles sont un levier d’optimisation économique de la culture de blé dur bio.
« La clé pour évaluer la faisabilité économique de ce système est donc de calculer les coûts de production à l’échelle de la rotation, et non par culture de manière indépendante », insiste Mathieu Marguerie.
Un différentiel de prix minimum de 50 €/t à maintenir avec le blé tendre
Le blé tendre bio, qui ne requiert un taux de protéines que de 10,5 % versus 12,5 % pour le blé dur, tend à gagner des surfaces en PACA, où les conditions azotées sont plutôt limitantes. Ainsi, il est préconisé de maintenir un écart de prix de 50 à 70 €/tonne au profit du blé dur pour avoir un effet incitatif et ainsi préserver la pérennité de la filière blé dur locale.
La crise du covid-19 et le conflit en Ukraine ont provoqué une forte vague inflationniste qui n’est pas sans conséquence sur les exploitations agricoles. Un impact que les acteurs du projet BIODUR-PACA ont évalué afin d’aider la filière à encaisser l’onde de choc. D’après leurs calculs, les coûts de production du blé dur bio en 2023 seront supérieurs de 34 % à ceux de 2021. Soit 96 à 121 € supplémentaires par tonne produite. Les engrais (+87 %) et l’irrigation (+80 %) sont les deux postes de charges les plus fortement impactés.