Aflatoxines sur maïs : « Les projections climatiques laissent présager une hausse du risque de contaminations »
ARVALIS a travaillé avec l’École Nationale Vétérinaire de Toulouse (ENVT), INRAE Toxalim et l’École d’ingénieurs de Purpan sur les contaminations en aflatoxines dans les récoltes de maïs, une molécule jugée à risque pour la santé humaine et animale. Voici les principaux enseignements de ce projet baptisé Aflafrance.
Historiquement, les aflatoxines étaient quasi inexistantes en France. Mais depuis une dizaine d’années, en lien avec le changement climatique, leur présence dans l’Hexagone est avérée. Or, certaines d’entre elles, notamment l’aflatoxine B1, présentent un risque élevé pour la santé. Ingérée en grande quantité, cette mycotoxine endommage le foie de façon irréversible. Une exposition réduite mais plus régulière a un effet carcinogène, teratogène et altère durablement le système immunitaire.
Le projet Aflafrance, conduit entre 2019 et 2023, vise à identifier les pathogènes responsables de ces contaminations, à caractériser finement leur présence sur l’ensemble du territoire français, et à identifier les pratiques agricoles qui leur sont favorables.
Les champignons responsables identifiés
Un réseau de surveillance composé de 555 parcelles de maïs grain cultivées par des agriculteurs a ainsi été mis en place, et des échantillons y ont été prélevés pendant trois ans. « Grâce à des analyses microbiologiques, nous avons identifié les responsables de ces contaminations. Il s’agit des champignons Aspergillus flavus et Aspergillus parasiticus, qui peuvent être présents en même temps dans les échantillons ou indépendamment l’un de l’autre. En parallèle, nous avons collecté les pratiques agronomiques et les données climatiques de chaque parcelle, en vue d’établir des corrélations entre ces éléments et la présence des pathogènes », explique Béatrice Orlando, ingénieure R&D qualité des céréales, et responsable du projet Aflafrance pour ARVALIS.
Les contaminations significatives restent, pour le moment, ponctuelles
D’après les suivis, les deux espèces de champignons sont présentes partout en France, en fréquence et en intensité variables selon le climat de l’année. « Nos travaux permettent d’objectiver l’impact du changement climatique : plus les années sont chaudes et sèches, notamment au printemps et en été, plus leur présence est avérée », poursuit Béatrice Orlando. Une température élevée et un déficit hydrique à la floraison du maïs favorisent nettement l’apparition des champignons.
En 2022, 80 % des parcelles du réseau contenaient au moins une des deux espèces pathogènes. Pour autant, à la récolte, seules 0,5 à 7 % d’entre elles présentaient des teneurs en aflatoxines significatives. Et les dépassements des seuils réglementaires, fixés à 1 µg/kg pour la B1, restaient ponctuels.
« Les projections climatiques, avec des températures à la hausse, laissent présager une augmentation du risque de contaminations. Nous devons nous préparer et identifier des moyens de lutte préventifs et curatifs », analyse la spécialiste.
Le stress hydrique comme facteur aggravant
Aujourd’hui, il n’existe pas de traitements fongicides pour contrôler les populations de champignons responsables des contaminations aux aflatoxines. En revanche, parmi les pratiques limitant leur présence, l’irrigation se démarque. « D’une part car les plantes non stressées sont moins sensibles aux contaminations, et d’autre part car le champignon est moins compétitif en milieu non contraint en eau », explique l’ingénieure. Les résultats du projet révèlent également qu’en cas de contaminations par les champignons, récolter au plus vite après maturité physiologique est crucial. « La toxinogenèse des aflatoxines n’intervient qu’en fin de cycle, en dessous de 32 % de teneur en eau », précise Béatrice Orlando. À l’avenir, la précocité des variétés pourrait donc s’imposer comme un critère de choix central pour les cultivateurs.
En zones tropicale et subtropicale, où les champignons responsables des contaminations aux aflatoxines sont historiquement présents, une lutte biologique consistant à implanter sur les cultures des souches atoxinogènes se met en place. « Nous manquons de recul pour savoir si ces souches ne finissent pas, à un moment ou à un autre, par récupérer leur pouvoir toxinogène. En France, le niveau de risque est encore trop faible pour justifier que l’on opte pour cette stratégie », souligne Béatrice Orlando.