Les Essentiels - Maladies des céréales à paille / Piétin-verse : quels sont les moyens de lutte les plus efficaces ?
Le piétin-verse peut provoquer des pertes de rendement de 3-4 q/ha à 20 q/ha en cas de parcelles versées. Le développement de cette maladie est fortement lié aux conditions agronomiques et climatiques. Pour le blé tendre, la lutte contre le piétin doit d’abord s’envisager avec des variétés tolérantes. Les variétés avec des notes de sensibilité supérieures ou égales à 5 ne justifient pas de traitement. Pour les autres variétés, des grilles régionales du risque agronomique ainsi que des seuils d’interventions et un modèle agro-climatique sont à utiliser pour ajuster la protection fongicide en fonction du risque.
Le piétin-verse est une des principales maladies du pied des céréales, généralement présente sur la moitié nord de la France et les bordures océaniques. Le piétin-verse est causé par deux champignons Oculimacula yallundae et O. acuformis. Son développement est largement déterminé par le climat et les conditions agronomiques de la parcelle. Quels sont les moyens de luttes efficaces ?
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► Les préconisations d'ARVALIS
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A partir de l’automne, l’inoculum se maintient sur les chaumes infestés à la surface du sol et se développe par sporulation en conditions favorables (les spores sont disséminées par les pluies). Le piétin-verse est une maladie du sol et endémique (inféodée à la parcelle) : les spores du piétin-verse sont lourdes et ne contaminent que quelques m² autour de leur point de sortie. Ensuite, le champignon se propage de gaine en gaine sur la céréale, durant l’hiver jusqu’au début du printemps. Dans le cas le plus fréquent, sous conditions favorables, le parasite poursuit régulièrement sa progression de gaine en gaine, au même emplacement de l’extérieur vers l’intérieur du brin des gaines. Il affaiblit les tissus ligneux à la base de la tige, une nécrose se forme lentement, se dessèche et devient cassante ce qui peut provoquer un risque de verse et une rupture de l’alimentation hydrique de la plante si l’évolution a lieu jusqu’à la maturation. Les symptômes de piétin-verse sont décrits dans les fiches accidents.
Photo 1 : Les symptômes classiques présentent une tache elliptique ocellée avec points noirs au centre dits stromas.
Un automne doux et humide est favorable au développement du champignon. Les rotations chargées en blé, les semis précoces favorisent le développement du piétin-verse. Les densités de semis fortes entraînent une augmentation du contact plante champignon. Le travail du sol est également impactant.
Un grand nombre d’essais ont été menés dans les années 1990 et 2000 par l'ITCF et des partenaires pour déterminer la nuisibilité, les seuils d’intervention sur piétin-verse, les facteurs de risque et les moyens de lutte.
Une nuisibilité moyenne de 3,7 q/ha
Une synthèse réalisée sur 243 situations de 1994 à 2001 (essais ITCF, CA 10, 51, 60, 62, 80, SPV 62, 39, 77, CC, Soufflet, AX’ion) permet de chiffrer les enjeux. La nuisibilité moyenne liée au piétin-verse est de 3,7 q/ha avec comme répartition :
• 6,6 % des cas où nuisibilité > 10 q/ha,
• 50 % des cas où nuisibilité > 3,0 q/ha,
• ou encore 75 % des cas où nuisibilité > 1,3 q/ha.
Par ailleurs, les travaux de la Protection des Végétaux ont démontré que la nuisibilité de la maladie est liée à la section nécrosée en fin de saison. 10 % de section nécrosée en plus ou en moins peuvent être associées à une perte de rendement ou à un gain de 1 q/ha. Les sections nécrosées ne dépassant pas 35 % en fin de cycle sont généralement associées à une faible nuisibilité de la maladie ne justifiant pas un traitement.
La résistance variétale est un levier de choix
La détection de la résistance variétale au piétin-verse par l’ADN : Les gènes de résistance PCH1 et PCH2 confèrent un bon niveau de résistance au piétin-verse et surtout lorsque les 2 gènes sont cumulés. PCH1 a été initialement mis en évidence sur le chromosome 7D d'Aegilops ventricosa. Dans l’objectif de mettre au point des variétés tolérantes au piétin verse, les sélectionneurs ont introduit un segment du chromosome portant le gène de résistance dans les variétés de blé cultivées.
Pour vérifier le niveau de résistance au piétin-verse de ces variétés portant ces gènes, des expérimentations réalisées entre 2010 et 2012, volontairement placées dans des situations à fort risque piétin-verse ont été mises en place en vue de comparer des variétés de sensibilité très différentes. Ces essais indiquent que seules les variétés sensibles (note de sensibilité GEVES < 5) subissent des pertes de rendement supérieures au seuil d’intérêt économique de traitement (35 % de sections nécrosées en fin de cycle). Si la variété choisie a une note GEVES supérieure ou égale à 5, alors cette variété est tolérante et une impasse de traitement est possible. On notera que presque toutes les variétés résistantes (note >=5) possèdent le gène de résistance « PCH1 ».
Figure 1 : Sections nécrosées moyennes par variété dues au piétin-verse observées sur 5 essais (2010-2012) en conditions naturelles ou contaminées artificiellement exprimées en fonction de la note de sensibilité attribuée par le GEVES.
Des facteurs agronomiques et climatiques favorables
Les principaux facteurs agronomiques qui interviennent sur le piétin-verse sont : le précédent et l’ante-précédent, la variété, le type de sol, la date de semis, la densité de semis, le travail du sol.
La hiérarchisation de ces facteurs a conduit à proposer une grille d’évaluation du risque à partir du début des années 2000 proposée initialement par les Services Régionaux de la Protection des Végétaux. Sur cette base, ARVALIS a intégré le risque variétal dans une grille validé conjointement. L’étude de l’influence des facteurs culturaux par les SRPV repose sur des enquêtes parcellaires menées sur des parcelles faisant l’objet d’un suivi du piétin et d’une quantification de l’attaque sur tige. L’analyse des données fait ressortir le plus souvent des critères tels que la nature du sol, les successions culturales et dans une moindre mesure les dates de semis, le travail du sol (Delos, 1991, Hauprich, 2001).
Tableau 1 : Incidence des techniques culturales sur le développement du piétin-verse (synthèse bibliographique).
Enseignements de l’essai Travail du sol de longue durée de Boigneville (91) concernant les impacts du précédent et du travail du sol sur le piétin-verse :
Le piétin-verse a fait l’objet de nombreuses mesures sur cet essai. A l’exception de l’année 1977, le piétin-verse est présent sur maximum 30 % des tiges y compris dans les situations les plus risquées (monoculture, labour, non traité). La fréquence de piétin-verse aux stades épi 1 cm à 2 nœuds atteint rarement des valeurs très élevées. Le précédent du blé a un réel impact sur la présence de ce champignon. La monoculture de blé est significativement plus touchée que les précédents maïs grain et betteraves sucrières, que ce soit aux stades 2 nœuds ou grain laiteux. Le labour favorise le piétin-verse sur les 3 précédents (blé, betteraves et maïs). Le labour en enfouissant les résidus puis en les ressortant semble favoriser la survie de l’inoculum ou défavorise une flore antagoniste.
La grille d’évaluation du risque piétin-verse est déclinée régionalement, le raisonnement et les critères de risque agronomique restant les mêmes. Les grilles de chaque région sont publiées dans les documents régionaux « Choisir et Décider 2 ».
Un seuil d’intervention basé sur un grand nombre d'essais
Le seuil de rentabilité économique d’un traitement anti-piétin-verse est de 35 % de tiges touchées à 1 nœud, il a été mis à jour en 2002 en prenant en compte les données les plus récentes à partir de la synthèse de 183 situations analysées de 1994 à 2001.
Figure 2 : Gains de rendement dus à l’utilisation du cyprodinil en fonction du % de tiges touché au stade 1 nœud (de 1994 à 2001- 183 situations).
Règles de décision : L’observation des symptômes dus au piétin-verse est réalisée à partir du stade « épi 1cm » sur 50 tiges minimum. La décision de traiter se prend sur la base de seuils de fréquence de maladie sur la base des tiges.
• Moins de 10 % des tiges atteintes : ne pas traiter.
• Plus de 35 % de tiges atteintes : une intervention est conseillée entre les stades « épi 1 cm » et « 2 nœuds ». Après le stade deux nœuds, il est trop tard pour intervenir.
• Entre 10 et 35 % de tiges atteintes : la rentabilité d’un traitement est variable. Dans ce cas, il faut s’appuyer sur les outils disponibles (grille de risque, modélisation, Bulletin de Santé du Végétal, test de diagnostic) mais également considérer l’historique cultural de la parcelle pour décider ou non d’une intervention.
Les essais matières actives
Des essais « comparaisons de matières actives » permettent d’identifier les matières actives efficaces pour lutter contre le piétin-verse. Les meilleures efficacités des fongicides sur piétin-verse n’excèdent pas 40-70 %.
Les interventions sur le piétin-verse font appel à des fongicides spécifiques. Les matières actives utilisables pour lutter contre le piétin-verse sont : d’abord la métrafénone et le cyprodinil et dans une moindre mesure le boscalid, le prothioconazole et le prochloraze. Le cyprodinil et la métrafénone n'ont pas d'efficacité contre la septoriose contrairement aux autres molécules citées. Inversement, elles présentent une certaine efficacité contre l'oïdium. L’association de 2 matières actives tend à donner de meilleurs résultats techniques sur piétin verse.
A quel stade traiter ?
Des essais « positionnement » des traitements vis-à-vis du piétin-verse ont permis d’ajuster les conseils de traitements. Le prochloraze est utilisé dans des conditions optimales lorsque le produit est appliqué entre le stade épi 1 cm et 1 nœud. Pour le cyprodinil, les stades d’intervention recommandés sont compris entre 1 et 2 nœuds. Au-delà, quel que soit le produit, l’efficacité décline tout simplement parce que le feuillage fait obstacle à la pénétration de la bouillie dans le couvert végétal.
Des outils d’aide à la décision
Un outil d’évaluation du risque à la parcelle existe pour chaque région : la grille de risque agronomique piétin-verse couplée à un modèle agro-climatique (TOP par exemple) qui prévoit le risque de progression de la maladie en fonction du climat. Chaque année, le Bulletin de Santé du Végétal fait état des prévisions obtenues avec ce modèle.
• Compte tenu que les meilleures efficacités des fongicides sur piétin-verse n’excèdent pas 40-70 % et que le surcoût de ces interventions par rapport à un programme « classique septoriose » est de l’ordre environ de 20 €/ha, il est préférable d’opter pour une variété tolérante dans les situations à risque (précédent blé, type de sol, date de semis précoce…).
• La lutte contre le piétin doit d’abord s’envisager avec des variétés résistantes. Les variétés avec des notes de sensibilité GEVES, notées 5 et au-delà, ne justifient pas de traitement.
• Pour les variétés sensibles, il est recommandé de ne traiter que les parcelles à risque en s’appuyant sur les outils disponibles : grille de risque, modélisation, Bulletin de Santé du Végétal, tests de diagnostic, ... mais aussi sur la connaissance de la parcelle (historique des attaques) ou en observant en début de saison la présence de symptômes.
Sources documentaires
- Brochures ITCF « Maladies des blés et orges ».
- Brochure ARVALIS « Diagnostic des accidents du blé tendre ».
- Philippe Cagnieul, Phytoma N°425, pages 28-30.
- Guy Le Hénaff (SRPV de Lorraine), Gilles Couleaud (ARVALIS) : « Raisonnement du risque piétin-verse, un partenariat pour une même approche » - Perspectives Agricoles N°287 - Février 2003.
- Claude Maumené, Gilles Couleaud : « Piétin-verse : prise en compte des risques spécifiques » - Perspectives Agricoles - N°276 - Février 2002.
- Dossier spécial Piétin-verse - Perspectives Agricoles - n°265 - février 2001.
- Dépliant « Céréales à paille : lutte contre les maladies - 2019 ».
- Editions régionales annuelles « Choisir et décider 1 – Variétés et traitements d’automne des céréales ».
- Editions régionales annuelles « Choisir et décider 2 – Traitements et Interventions de Printemps ».
- Publication commentée du modèle TOP dans les BSV chaque semaine.
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