Système de grandes cultures bio : zoom sur les performances économiques et environnementales de l'essai de Boigneville
Depuis 2009, ARVALIS assure le suivi d'un dispositif expérimental à Boigneville (91) permettant d'analyser les performances d'un système de grandes cultures bio sans apport extérieur d'azote. Après la présentation des résultats techniques, voici le point sur les aspects économiques et environnementaux.
Les résultats obtenus depuis 2009 mettent en évidence de bonnes performances économiques, malgré des échecs techniques rencontrés sur féverole ou lentille. Attention tout de même à mettre ces résultats au regard de la durabilité technique du système vis-à-vis de l’absence de fertilisation, à l’origine d’une baisse constante des teneurs en phosphore.
Des résultats à l’échelle d’une ferme de 300 ha et 2 actifs
Des méthodes mises au point par ARVALIS et éprouvées depuis de nombreuses années permettent d’extrapoler les résultats obtenus sur les 5,2 ha du dispositif expérimental à une exploitation de 300 ha pour 2 actifs avec l’outil SYSTERRE®.
Cette surface d’extrapolation de 300 ha est prise en compte au quotidien dans le choix et la gestion des interventions. Les cultures ne sont binées par exemple dans le dispositif que si les jours disponibles sont suffisants pour le faire sur une ferme de 300 ha.
Le parc matériel de cette ferme extrapolée a été défini de manière optimisée en fonction du contexte pédoclimatique de Boigneville, de la taille de l’exploitation et de la main-d’œuvre disponible.
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Consultez le parc matériel virtuel de la ferme bio autonome de 300 ha
- 3 tracteurs : 110 cv RTK – 180 cv – 220 cv RTK
- 1 moissonneuse-batteuse 6 m avec plateaux tournesol
- 1 déchaumeur à disques indépendants 5 m
- 1 déchaumeur à dents 6 m
- 1 all rounder 6 m
- 1 vibro déchaumeur 6 m
- 1 charrue 6 corps
- 1 vibroculteur 6 m
- 1 rouleau lisse 12 m
- 1 combiné (semoir + rotative) 4 m (écart.15 cm)
- 1 semoir monograine 12 rangs (écart. 45 cm)
- 1 bineuse guidage camera 6 m (écart. 15 cm)
- 1 bineuse 12 rangs (écart. 45 cm)
- 1 écimeuse ramasseuse
- 1 herse étrille 12 m
- 1 houe rotative 6 m
- 2 bennes de 12 t
- 1 épandeur à engrais 28 m
- 1 faucheuse 3,5 m
- 1 broyeur 6 m
Des produits d’exploitation stables depuis 2009…
Depuis le début de l’essai, les produits du compte de résultat (= rendement * prix + aides) sont assez stables : 1493 €/ha sur 2009-2022 et 1560 €/ha sur 2017-2022 (contexte de prix du blé plus élevés).
L’écart de produits entre années s’explique principalement par des variations de rendements plus que de prix. L’année la moins bonne (2016) s’explique par un contexte climatique particulier (inondation) qui a fait chuter l’ensemble des rendements. A l’inverse, les années 2017 et 2019 obtiennent les meilleurs produits grâce à des rendements en blés très supérieurs à la moyenne.
Concernant la récolte 2022, le produit se maintient à un bon niveau grâce à de bons rendements et des prix plutôt à la hausse (céréales fourragères, oléagineux et protéagineux). Seul le prix du blé tendre a diminué, passant de 460 €/t en 2021 à 370 €/t en 2022, compte tenu d’une production nationale supérieure à la demande.
Figure 1 : Evolution du produit brut de l’exploitation bio autonome de Boigneville extrapolé à 300 ha et 2 actifs
… En l’absence de charges d’engrais…
Côté charges, elles sont également assez stables sur la période 2009/2022 : elles s’élèvent à 891 €/ha. Les charges de mécanisation et les cotisations sociales de l’exploitant représentent à elles seules presque deux-tiers des charges. Si les cotisations sociales de l’exploitant sont assez variables, de 122 à 253 €/ha en fonction du revenu dégagé par le système (calcul sur la campagne et non lissée sur 3 ans), les charges de mécanisation sont assez stables depuis la mise en place du dispositif (249 €/ha en moyenne).
Le montant des charges opérationnelles dépend avant tout de l’achat de semences, soit en moyenne 115 €/ha (les rapports semences de ferme/semences certifiées choisis reflètent la situation moyenne des fermes régionales). Pour rappel, une des spécificités de ce dispositif est d’être autonome vis-à-vis d’apports exogènes, d’où l’absence de charges d’engrais organiques.
La récolte 2022 affiche les charges les plus importantes depuis le début du dispositif, avec un total de 992 €/ha. L’augmentation est particulièrement marquée pour le poste fuel (+36 €/ha par rapport à 2021) et le poste semences (+10 €/ha) à cause de l’augmentation conjointe des coûts des semences certifiées et de ferme.
Figure 2 : Evolution des charges pour le système bio autonome de Boigneville extrapolé à 300 ha et 2 actifs
... Et des marges satisfaisantes jusqu’à maintenant
En moyenne, sur 2009/2022, la marge nette avec aides est de 607 €/ha et de 138 €/ha sans les aides.
Même sans les aides, la marge nette de l’exploitation reste positive 12 années sur 14 depuis le début du dispositif.
La marge nette correspond à ce qu’il reste à l’agriculteur pour réinvestir, se rémunérer et payer ses impôts.
Figure 3 : Explication de la construction des principaux indicateurs économiques
Figure 4 : Evolution des marges nettes avec et sans aides de l’exploitation bio autonome de Boigneville
Ces bons résultats économiques sont permis par des cultures à fortes valeurs ajoutées comme le blé à destination de la meunerie. Son seuil moyen de commercialisation sur 2009-2022 est de 205 €/t pour un prix de vente moyen de 404 €/t.
Ces résultats s’expliquent aussi par la présence dans la rotation de cultures moins rémunératrices mais dont la vocation agronomique les rend indispensables. C’est notamment le cas de la luzerne, dont le seuil de commercialisation moyen sur 2009-2022 est de 106 €/t pour un prix de vente moyen de 88 €/t. N’oublions pas de préciser que certaines cultures peuvent, certaines années, avoir des rendements à 0 à cause de différents accidents, comme l’inondation de la féverole en 2016 ou encore une attaque de bruche trop importante sur la lentille en 2022.
Des résultats environnementaux spécifiques au bio
Pour comparer les performances environnementales observées sur le dispositif de Boigneville, nous utilisons une ferme-type du Sud Bassin parisien (FT AB SBP) également biologique et une ferme-type conventionnelle (FT conv) avec le contexte pédoclimatique de Boigneville. Ces fermes-types, construites en partenariat avec la Chambre d’Agriculture de la région Île-de-France, sont représentatives des pratiques couramment rencontrées dans les exploitations céréalières biologiques ou conventionnelles de la région.
Figure 5 : Description des trois systèmes de culture : FT AB Sud Bassin parisien, FT conv et le dispositif bio autonome
La consommation d’énergie du système bio autonome se limite aux interventions mécaniques. La production d’énergie brute en bio reste en retrait par rapport à des systèmes conventionnels du fait des rendements inférieurs obtenus.
Entre les deux systèmes biologiques, la ferme-type produit deux fois plus d’énergie que le dispositif de Boigneville. Cela s’explique notamment par la culture de la luzerne, qui a un coefficient énergétique supérieur au blé (18 000 MJ/t, contre 15 500 MJ/t). elle a un poids 3 fois plus important dans l’assolement de la ferme-type que dans le système bio autonome de Boigneville. De plus, la luzerne est beaucoup plus productive sur la ferme-type (10 t/ha contre 4 t/ha dans le système autonome).
Tableau 1 : Différents indicateurs sur les trois systèmes de production - évaluation pluricritères sur une moyenne 2017-2022 réalisée avec l’outil SYSTERRE®
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