Gestion de l'eau : comprendre les mécanismes physiologiques mis en jeu chez une plante souffrant de la sécheresse
En situation de stress hydrique, la plante met en place des mécanismes d'adaptation pour rééquilibrer son statut hydrique, au dépend d'une fraction de son métabolisme. Suivant l'intensité et la durée du déficit hydrique, la croissance de la plante sera plus ou moins affectée.
L’eau est indispensable aux plantes à tous les niveaux. A l’échelle moléculaire, l’eau agit comme matrice pour toutes les réactions enzymatiques au niveau de la phase photochimique de la photosynthèse, et apporte de l’hydrogène et de l’oxygène. A l’échelle de la cellule, l’eau a un impact direct sur l’architecture des organes et leur élongation. Enfin, à l’échelle de la plante, elle permet l’assimilation des solutés présents dans le sol et leur migration vers les parties aériennes de la plante, tout en assurant en parallèle une régulation thermique des tissus exposés aux rayons du soleil. Par conséquent, un déficit en eau prolongé modifie les composantes du rendement.
La demande climatique, communément appelée évapotranspiration potentielle (ETP), engendre une perte d’eau au niveau des stomates. En l’absence d’une ressource en eau suffisante et accessible aux racines de la plante, la plante perd une partie de son eau interne et le potentiel hydrique des cellules s’abaisse. Les conséquences sont multiples mais la principale d’entre elles est une réduction de la photosynthèse. Elle se traduit par :
- Une réduction de l’expansion cellulaire : une baisse du potentiel hydrique des cellules conduit à une réduction de la pression de turgescence, moteur de la croissance cellulaire. Les cellules sont alors plus petites, ce qui se traduit par une plus faible taille de feuille. La surface foliaire de la plante étant réduite, sa capacité à intercepter de la lumière baisse, de même que son potentiel photosynthétique.
- Une réduction de l’afflux de CO2 : la chute de la pression de turgescence conduit à une fermeture des stomates ce qui réduit la capacité de la plante à absorber du dioxyde de carbone, limite sa transpiration, et ralentit la photosynthèse.
- Un détournement des nutriments destinés aux organes en croissance : pour maintenir son statut hydrique, la culture cherche à accroître la pression osmotique présente dans ses cellules en réduisant sa transpiration et en augmentant son pouvoir de succion vis-à-vis de l’eau du sol. Elle détourne alors une partie des métabolites destinés aux organes en croissance vers les cellules. Ils servent alors d’osmolytes pour accroître la pression osmotique.
- Une élévation de la température des tissus végétaux : l’évaporation de l’eau a un fort pouvoir thermo-régulateur des tissus photosynthétiques. Par conséquent, une réduction de la transpiration conduit à une élévation de température des tissus des feuilles en particulier. Pour les plantes en C3 dont font partie les céréales à paille, la réaction photosynthétique a un optimum thermique aux alentours de 15 à 20°C, valeurs qui peuvent être fortement dépassées dans des tissus exposées au soleil et à faible transpiration. De plus, le développement phénologique d’une culture, qui est conditionné par des cumuls de temps thermiques, sera donc accéléré si les tissus s’échauffent par déficit de transpiration. Ainsi, certains stades sont précipités car la plante « ressent » une température plus élevée, ce qui se traduit par une moindre durée calendaire des phases phénologiques et donc une moindre interception de la ressource lumineuse.
- Une situation hydrique préoccupante du 10/05/2014 : la situation actuelle est préoccupante pour les sols superficiels sur la quasi-totalité du territoire. Les pluies des dernières semaines ont été irrégulières sur le territoire : elles ont touché essentiellement l’Ouest et le Centre, avec des cumuls de précipitations qui atteignent ou dépassent 60 mm sur la Basse-Normandie, la Beauce, le Berry ou le Limousin. A l’inverse, la Picardie, la Champagne, la Lorraine, la Bourgogne et le Sud-Est ont beaucoup moins bénéficié de ces pluies, avec des cumuls inférieurs à 40 voire à 20 mm. Compte-tenu des besoins croissants des cultures (actuellement entre floraison au sud et dernière feuille au nord pour le blé), ces apports d’eau sont vite consommés, et les sols s’assèchent rapidement. La carte 1 estime le niveau de réserve en eau du sol au 10/05 pour un sol superficiel à intermédiaire de 100 mm de réserve utile : la réserve de survie est atteinte dans pratiquement toutes les régions. Les sols à plus forte réserve en eau (180-200 mm) ne sont pas totalement épargnés : même dans ces cas-là, la situation est critique dans le quart Sud-Est de la France, et la réserve utile facilement utilisable est épuisée en Champagne, Bourgogne et Poitou-Charente. Néanmoins, il faut mettre en relation ce niveau d’eau disponible dans le sol avec la demande instantanée du couvert : tant que la demande évaporative reste modérée (températures fraiches, pas trop d’ensoleillement ni de vent), le stress ressenti par les cultures n’engendre pas de gros accidents (seulement une réduction progressive du métabolisme). L’arrivée d’une période chaude, même courte (3-4 jours) pourrait par contre avoir des conséquences beaucoup plus néfastes sur la croissance et le développement des céréales. »
Carte 1 : Etat de réserve en eau estimée au 10/05/2014, pour une culture de blé tendre sur un sol de RU=100 mm
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