Jubil® en détail

Comment gérer la fertilisation azotée du blé ?

Dans les situations où la fourniture du sol en azote est élevée (fort "reliquat" en début de culture, minéralisation importante), la méthode du bilan prévisionnel permet de préconiser des fumures faibles, même pour des objectifs de production élevés. Mais dans la pratique, l'incertitude sur la disponibilité effective de l'azote du sol conduit l'agriculteur à "s'assurer" en majorant la fumure calculée. Pour éviter la surfertilisation, coûteuse à l'agriculteur (engrais, cas de verse) et nuisible à l'environnement, l'INRA a conçu et développé durant ces dernières années avec l'Institut Technique des Céréales et des Fourrages (ITCF) un système de pilotage, JUBIL®, associant l'utilisation de la méthode du bilan prévisionnel avec une mesure de la teneur en nitrate dans le jus de base de tige. Jubil® est applicable à toutes les situations de blé tendre d'hiver.

D'un indicateur précoce, sensible et robuste...

L'élaboration de la méthode Jubil® a été préparée par un important travail de recherche, initié dans les Unités d'agronomie de Laon et Grignon au début des années 1990, visant à comprendre ce que représente précisément du point de vue physiologique la teneur en nitrate du jus de base de tige. Le nitrate n'est en effet qu'une des formes d'azote, au demeurant mineure comparée aux acides aminés et aux protéines, présentes dans la plante, même si c'est la forme principale d'absorption.

Le jus de base de tige est un extrait aqueux des différents tissus constitutifs de celle-ci : cytoplasmes, vacuoles, eau apoplasmique, sève xylémique et pholémique. Ainsi, plutôt qu'un flux instantané d'absorption ou une mesure de "sève", la mesure de la teneur en nitrate représente donc le stock d'ions nitrate présent dans la plante entière.

Cet indicateur nitrate a été systématiquement évalué à partir de 1992 sur le réseau expérimental mis en place par ARVALIS - Institut du végétal par comparaison avec l'indice de nutrition azotée. Ce dernier est un indicateur de référence, approprié pour mesurer un éventuel déficit, car il correspond au rapport entre la teneur en azote total des parties aériennes et la teneur critique en azote, c'est-à-dire la teneur minimale en azote nécessaire pour maximiser la croissance en matière sèche de la plante.

L'indicateur nitrate s'est tout d'abord avéré le plus précoce des outils de diagnostic disponibles en révélant l'installation d'une carence azotée bien avant la diminution de la teneur en azote total des parties aériennes, la chute de la production de matière sèche et l'altération éventuelle du rendement.

C'est également un outil très discriminant, permettant de différencier au cours de la montaison des états de nutrition azotée induits par des écarts de fertilisation de 40 kg d'azote par ha, voire moins.

C'est enfin un indicateur robuste, utilisable dans une large gamme de situations, pour autant que l'on tienne compte du stade, de la densité de la culture, du type de sol et du cultivar de blé.

En France, la fertilisation azotée du blé consiste le plus souvent à réaliser deux apports, au tallage et au stade "épi 1 cm".

Au tallage, la croissance est faible et la plante absorbe généralement plus d'azote qu'elle ne peut en assimiler. Dans la plante, le nitrate est réduit en acides aminés, lesquels sont à leur tour intégrés dans les protéines ; elle constitue donc un stock d'azote nitrique, notamment dans la base de la tige.

Par contre, pendant la montaison, la croissance et les capacités d'assimilation du nitrate sont fortes. La teneur en nitrate du jus de base de tige va donc tendre à diminuer, et cela d'autant plus vite que s'installe un déséquilibre entre l'absorption d'azote, liée à la fourniture d'azote par le sol, et l'assimilation de la plante, liée à la demande en azote. La vitesse de diminution de cette teneur permet par conséquent de faire un pronostic à court et éventuellement à moyen terme de l'évolution du niveau de nutrition azotée de la culture.

Cependant, un ravitaillement en azote courant montaison par un troisième apport ne fait pas remonter systématiquement la teneur en nitrate car c'est la forme physique et chimique de l'engrais en interaction avec le niveau des précipitations qui détermine la dynamique de la teneur en nitrates après 3e apport d'azote. L'indicateur nitrate ne doit donc pas être utilisé postérieurement à ce troisième apport pour vérifier la réalimentation azotée de la culture.

... à un système de pilotage fiable et performant

Pour que, d'outil de diagnostic de l'état de nutrition azotée du blé, l'indicateur nitrate puisse être promu comme outil de pilotage de la fertilisation, deux conditions étaient requises.

Tout d'abord, l'acquisition de l'information devait être possible par un non spécialiste des techniques de laboratoire. Il fallait donc proposer une méthodologie alliant, autant que faire se peut, fiabilité, simplicité et rapidité.

Un kit de diagnostic facilement utilisable, distribué par la société Challenge Agriculture, a donc été développé à l'intention des agriculteurs (mallette Jubil®). Compte tenu de l'évolution de la teneur en nitrate du jus de base de tige au cours de la journée, les plantes doivent être prélevées en début de matinée, les références expérimentales ayant été acquises dans ces conditions. L'échantillonnage doit être réalisé sur une soixantaine de plantes prélevées dans une vingtaine de zones représentatives de la parcelle et donc situées hors recoupement de rampes d'épandage, fourrières et passages de roues. Après avoir isolé et nettoyé les brins-maîtres de chaque pied, puis sectionné les bases de tige et extrait le jus à l'aide d'une presse manuelle, il suffit de diluer celui-ci et d'y tremper une bandelette avec laquelle, au bout d'une minute, on effectue la lecture de la teneur en nitrates à l'aide d'un réflectomètre portatif.

Mais un tel outil de pilotage devait surtout pouvoir parfaitement s'intégrer dans une stratégie de fertilisation cohérente à même d'optimiser le rendement de la culture. Il fallait ainsi que la mise en oeuvre du test permette un éventuel apport d'azote à un stade où cela puisse encore lever une déficience détectée au cours de la montaison.

La stratégie élaborée par l'INRA et l'ITCF consista à associer, dans la méthode Jubil®, la mesure de la teneur en nitrate du JUs de base de tige à la méthode du BILan prévisionnel. Elle se déroule en quatre temps :

  1.  Calcul de la dose d'azote X à apporter à l'aide de la méthode du bilan prévisionnel,
  2.  Apport d'une dose X-40 unités d'azote en deux fois (plein tallage + "épi 1 cm"),
  3.  Mesure de la teneur en nitrate du jus de base de tige au stade "1 noeud", puis, en fonction du résultat, mesure au stade "2 noeuds" et éventuellement au stade "dernière feuille apparue",
  4.  Apport d'azote complémentaire (de 40 à 80 kg par ha selon la mesure effectuée) si et seulement si la teneur en nitrate du jus de base de tige est inférieure ou égale au seuil d'intervention fixé. Après un troisième apport, on arrête les mesures.

Cette stratégie fut validée par une campagne d'essais réalisés entre 1991 et 1993 principalement sur les variétés Soissons et Thésée dans une quarantaine de situations pédoclimatiques variées. Pour cela, il fallut vérifier que quatre hypothèses étaient simultanément satisfaites :

  1. Quand la teneur en nitrate du jus de base de tige franchit le seuil d'intervention, l'apport d'azote est nécessaire pour éviter une carence en azote,
  2. Quand la teneur en nitrate du jus de base de tige franchit le seuil d'intervention, le troisième apport d'azote est suffisant pour optimiser le rendement,
  3. Tant que la teneur en nitrate du jus de base de tige reste supérieure au seuil d'intervention, l'azote n'est pas limitant pour obtenir le rendement visé,
  4. La mise en oeuvre globale de JUBIL® permet un niveau de performance optimal (nombre de grains par m2, rendement et taux de protéines) tout en économisant de l'azote dans les situations où il était possible de le faire.

Optimiser le seuil d'intervention

Jusqu'alors le seuil d'intervention était fixé en fonction du stade et de la densité de la culture ; par exemple à 1 000 mg de nitrate par litre de jus de base de tige pour une mesure au stade "2 noeuds" et la densité normale conseillée par l'ITCF en fonction de la région.
Les essais menés en 1994 et 1995 ont montré qu'il n'était pas nécessaire de moduler ce seuil d'intervention selon la forme d'engrais utilisé (ammonitrate, solution azotée ou urée). Par contre, il s'est avéré que certaines variétés avaient pratiquement toujours des teneurs en nitrate du jus de base de tige (mesurées à un même stade pour une même dose d'azote) plus élevées ou plus faibles que Soissons. Des essais spécifiques ont donc dû être engagés en vue de prendre également en compte, dans l'interprétation de la teneur en nitrate du jus de base de tige, l'effet variétal.

L'analyse a d'ores et déjà montré que l'on pouvait distinguer quatre groupes variétaux. Un dispositif expérimental multi-sites a été mis en place pour la campagne 1996 afin de paramétrer la méthode Jubil® pour les variétés nouvelles. Et une réglette Jubil® permet aujourd'hui au praticien agricole d'intégrer facilement les quatre facteurs de variabilité de la teneur en nitrate du jus de base de tige que sont non seulement le type de sol, la densité et le stade de la culture, mais aussi la variété.

Il convient de souligner que cette évolution de la méthode Jubil® vers toujours davantage de précision ne peut que renforcer son intérêt environnemental. Le système permet de fait par lui-même une diminution significative du reliquat d'azote minéral à la récolte en autorisant une économie de 40 unités d'azote par rapport à la dose bilan quand cela est possible ; et lorsqu'il justifie un troisième apport d'azote, cela n'augmente pas le risque de pollution nitrique, car le fractionnement en trois apports améliore l'efficience d'absorption du blé. La méthode Jubil® permet donc à l'agriculteur de produire régulièrement de bons rendements sans nuire à l'environnement.

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