Stockage du carbone : restituer de la matière organique
Le carbone constitue l’essentiel de la matière organique qui améliore la fertilité des sols, et dont le stockage additionnel atténue le changement climatique : deux raisons de s’y intéresser. ARVALIS étudie les leviers de stockage du carbone grâce à des essais de longue durée et à la modélisation.
La matière organique (MO) du sol comporte tout ce qui est ou a été vivant : bactéries, champignons, vers de terre, autres micro et macroorganismes, racines, résidus de culture… Elle joue de nombreux rôles dans la fertilité des sols. Par exemple, elle permet l’agrégation et la résistance du sol à l’érosion, elle fournit des éléments nutritifs aux plantes via la minéralisation, etc. Par convention, on considère que la matière organique est composée à 58 % de carbone, mais elle contient également d’autres éléments. Par simplification, les laboratoires mesurent la teneur en carbone du sol puis la convertissent en MO en multipliant par le coefficient de 1,72 (2 pour certains laboratoires). À l’échelle d’une parcelle, les quantités sont importantes. Par exemple, 2 % de MO sur 25 cm d’épaisseur (horizon superficiel arable) représentent 72 tonnes de MO par hectare pour un sol avec une densité apparente de 1,4 et l’absence de cailloux, soit 42 tonnes de carbone par hectare.
Lorsque la teneur en MO du sol s’accroît, cela correspond à un stockage additionnel de carbone dans le sol qui compense en partie des émissions de gaz à effet de serre (GES). Ainsi, augmenter la teneur en matière organique des sols contribue à atténuer le changement climatique. L’évolution de la teneur en carbone des sols est lente et correspond toujours à un changement d’équilibre. Cet équilibre dépend notamment des pratiques.
En lui-même, l’arrêt du labour n’est pas un levier de stockage du carbone
Sur des terres dédiées aux grandes cultures, différents leviers permettent de stocker davantage de carbone dans le sol :
- l’introduction de couverts végétaux : plus il y a de matière sèche produite et restituée au sol, plus il y a de stockage de carbone. Plus que le choix de l’espèce ou autres critères, c’est la biomasse restituée au sol qui est directement corrélée à la quantité de carbone stocké,
- l’intégration ou l’allongement de prairies ou luzernières dans la rotation,
- la restitution de résidus de culture : là encore, plus il y a de matière sèche produite et restituée au sol, plus il y a de stockage de carbone,
- l’apport de produits résiduaires organiques (PRO) tels que les effluents d’élevage, digestats de méthanisation, boues et autres produits épandables : le stockage à long terme de carbone est généralement inversement proportionnel à la valeur fertilisante azotée directe à court terme de ces produits. Par exemple, les fumiers et compost sont plus riches en carbone stable et moins riches en azote que les lisiers. C’est ce que montre l’Indice de Stabilité de la Matière Organique (ISMO) sur une analyse : plus il est élevé, plus le PRO permettra de stocker du carbone. Les digestats bruts* ont un comportement particulier, en étant à la fois des produits à valeur fertilisantes à court terme, et à la fois des produits à forte valeur amendante.
Contrairement à ce qui a longtemps été véhiculé, la pratique du non-labour en elle-même n’a pas d’incidence sur la minéralisation de la matière organique et le stockage de carbone sous nos latitudes. C’est ce qui ressort d’une étude sur 50 ans de données à la ferme expérimentale de Boigneville (91). Sans labour, la matière organique se concentre en surface au lieu d’être répartie sur la couche travaillée. Cela présente des avantages pour la fertilité du sol (moins d’érosion, etc.) mais pas d’impact sur le stockage de carbone. En revanche, réduire le travail du sol réduit la consommation de fuel et donc, les émissions directes de GES.
L’évaluation du stockage additionnel de carbone passe par des modèles
Les flux de carbone étant particulièrement lent, il n’est pas possible de mesurer l’effet des pratiques sur le stockage additionnel de carbone sur une période inférieure à dix ans après le changement de pratiques. Pour contourner cette difficulté, de nombreux modèles ont été créés. En particulier, le modèle français AMG (AgroTransfert, ARVALIS, Inrae et LDAR), calibré sur des essais de longue durée (entre 20 et 40 ans), donne des résultats fiables. On peut ainsi évaluer l’effet de combinaisons de pratiques pour différents systèmes de cultures et conditions pédoclimatiques. À noter que le déstockage (par minéralisation) est généralement plus rapide que le stockage.
* Un méthaniseur produit de l’énergie et du digestat. Quand celui-ci ne subit pas de séparation de phases (solide/liquide), on parle de digestat brut.
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