Semis tardif des céréales : faire le bon choix espèce et variété puis adapter l’itinéraire technique
Pour les parcelles de céréales qui n'ont pas pu encore être semées, le choix de l'espèce voire de la variété est aujourd'hui stratégique pour garder un potentiel de production intéressant. Cela s'accompagnera de quelques adaptations en termes de conduite de culture.
Depuis le 17 octobre, la région subit un régime de pluie intense et quasiment ininterrompu, perturbant fortement les chantiers de semis.
Les parcelles semées avant le 17 octobre ont atteint le stade tallage, celles semées entre les 20 et 26 novembre sont aujourd’hui au stade 1 à 2 feuilles. Quant aux semis de début décembre, ils ont profité de la douceur des températures pour atteindre le stade pointant.
Mi-décembre, certains secteurs ont reçu jusqu’à 70 mm, ce qui a définitivement mis à mal les parcelles les plus hydromorphes. Pour ces parcelles, la question se pose de la culture à mettre en place pour cette campagne.
La décision doit être un compromis entre potentiel de l’espèce à la date de semis envisagée, marge économique accessible et maintien d’un équilibre dans l’assolement incluant également la réflexion quant à la couverture des besoins en paille.
Quel potentiel de rendement peut-on espérer d’un semis très tardif de céréales à paille ?
Dès lors que l’on sort de la plage de semis optimale régionale, il faut s’attendre à ce que le potentiel de rendement soit entamé. Aussi, pour des semis de décembre, la perte de potentiel sera de 30 à 40 % (références essais ARVALIS) en comparaison à une date « classique ». Plus le semis sera réalisé tardivement, plus ce potentiel sera pénalisé.
Concernant les éleveurs dont les besoins en pailles nécessitent un choix spécifique pour maximiser le rendement paille, le triticale et l’orge de printemps sont les espèces à privilégier. En effet, dans nos essais (Bretagne et Occitanie) en semis classique, le triticale atteint un rendement paille de 30 % supérieur au blé tendre et à l’orge d’hiver.
Semis tardifs de céréales : les critères indispensables à regarder
Les semis d’orge d’hiver sont désormais fortement déconseillés, l’espèce étant beaucoup plus sensible au froid et à l’excès d’eau. Il est préférable de passer sur de l’orge de printemps.
Concernant les blés durs, toutes les variétés sont alternatives : elles ont toutes un faible besoin de vernalisation et un frein photopériodique1 réduit. Les semis sont encore possibles jusqu’à fin janvier et même plus tard lorsque l’accès à l’irrigation est possible ou le réservoir utile du sol est important (> 120 mm).
Il reste envisageable de semer du blé tendre d’hiver et du triticale jusqu’à la mi-février. Néanmoins, pour ces semis très tardifs, il faut désormais se tourner vers une variété adaptée et respecter certaines recommandations de conduite. Côté variétal, il faut s’assurer que la variété aura la capacité de monter à épi en optant pour une variété notée a minima ½ hiver (3) en termes d’alternativité pour des semis de janvier (tableau 1). Il faut également choisir une variété précoce à maturité afin qu’elle termine son cycle rapidement et soit le moins possible impactée par les accidents de fin de cycle (échaudage et déficit hydrique), régulièrement observés dans notre région.
Pour un semis postérieur au 15 février, il sera judicieux de se tourner vers des variétés de céréales de printemps (l’orge de printemps étant l’espèce qui offrira le meilleur potentiel).
Dans les contextes plus délicats (sols très sensibles à l’excès d’eau et/ou à ressuyage lent, il est peu probable de trouver une fenêtre propice au semis en sortie d’hiver. Il sera alors plus judicieux de se rabattre vers une culture de printemps.
Tableau 1 : Préconisation de semis de variétés de blé et de triticale en fonction de leur précocité, de leur alternativité et de la date de semis visée (les pertes de potentiel en q/ha à dire d’expert sont notées en bleu et rouge)
Quelques recommandations de conduite pour les semis tardifs
Majorer la densité de semis
Les capacités de tallage étant réduites en semis tardifs, il est préconisé de semer à une densité de 350 grains/m² en sols de limon si les conditions de semis sont optimales. En conditions plus difficiles et en sols argileux, il faudra encore attendre et densifier à 400 grains/m².
Adapter la protection à la pression attendue ainsi que le niveau de fertilisation au potentiel :
- Une dose d’engrais azoté ajustée au potentiel de rendement plus réduit mais aussi aux fournitures du sol plus faible (lessivage hivernal intense, minéralisation réduite). Le faible tallage causé par le semis tardif devra être soutenu en sortie d’hiver par un apport dès le tallage (à prévoir probablement courant février pour les semis de décembre).
- Une stratégie de désherbage à adapter : attention notamment aux limites réglementaires d’utilisation des spécialités d’automne. Nous y reviendrons plus en détail dans un prochain article.
- Un seul traitement fongicide à dernière feuille étalée sauf en cas d’apparition précoce de rouille jaune.
- Concernant le soufre, son cycle dans le sol est très proche de celui de l’azote : le stock à un moment donné dépend du reliquat de soufre minéral issu du précédent, de la minéralisation et du lessivage éventuel de ce stock. De ce fait, les risques de carences sont particulièrement élevés dans les sols filtrants, minéralisant peu les années très pluvieuses. Cette année les lames d’eau drainantes dépassent déjà souvent les seuils maximaux sur la grande majorité du territoire alors que la saison de drainage n’est pas encore terminée. Il est donc indispensable de ne pas intervenir maintenant et d’attendre fin février début mars pour apporter du soufre au plus près des besoins.
Tableau 2 : Besoins en soufre d’une céréale selon le type de sol et la lame drainante
Carte 1 : Somme de pluie entre le 1er octobre et le 13 décembre 2023
Une synthèse d’essais sur des limons hydromorphes de Pays de la Loire donne une indication quant aux potentiels atteignables par différentes espèces pour des semis extrêmement tardifs (mars). L’orge de printemps offre des niveaux de productivité supérieurs aux autres céréales, avec une perte de seulement 40 % par rapport à un semis de céréales à l’automne. De plus, la plus forte progression génétique du blé tendre d’hiver permet de préserver son potentiel comparativement à un blé tendre de printemps.
Figure 1 : Potentiel d’une céréale semée tard au printemps (mars) en limon hydromorphe en pourcentage d’un semis d’automne de la même année
Message rédigé par ARVALIS avec l’appui des partenaires des Chambres d’Agriculture de Charente, Charente-Maritime, Vienne et Deux-Sèvres, Centre Ouest Céréales, NACA, Soufflet Agriculture, groupe Piveteau, groupe Isidore, coopérative de Loulay, Mansle, et Sèvre et Belle.
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