Méthanisation - L'humidité des CIVE à la récolte : un critère clé pour une bonne conservation ?
Si le choix des espèces et la conduite des cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) restent essentiels pour optimiser le taux de matière sèche à la récolte, d’autres résultats permettent de mieux organiser le chantier de récolte et de stockage.
Bien choisir sa CIVE et son mode de récolte
Les cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) sont récoltées de l’épiaison au stade grain laiteux suivant les stratégies. Leur taux de matière sèche est très faible et varie de 15 à 30 % selon la CIVE et la date de récolte (figure 1). Cette humidité importante doit être prise en compte car elle conditionne le chantier de récolte. Faut-il le retarder au risque d’impacter la culture suivante ? Une récolte après fauchage et préfanage est-elle à privilégier ?
La récolte des CIVE est avant tout un compromis entre :
- Le risque d’impacter la culture suivante, par une récolte tardive, du fait de l’attente d’un taux de matière sèche suffisant pour assurer la conservation en ensilage.
- Le rapport coût/opportunité d’un préfanage après la fauche contre un ensilage en coupe direct.
Figure 1 : Taux de matière sèche des CIVE (en % MS) en fonction de leur rendement (en t MS/ha)
Les essais menés par ARVALIS, en 2020, ont mis en évidence des différences atteignant 10 points de matière sèche entre espèces. L’évolution du taux de matière sèche entre une récolte fin avril ou 15 jours plus tard (début mai) était, quant à elle, variable, majoritairement à la hausse, mais aussi à la baisse selon les conditions météorologiques.
La qualité de conservation des CIVE dépend de nombreux paramètres
Les travaux en cours de Clément Van Vlierberghe, sur l’optimisation du stockage et du prétraitement des CIVE (thèse INRAE/GRDF)1, précisent les conditions d’ensilage. Les problématiques ne sont pas les mêmes que pour l’alimentation animale, notamment concernant la fermentation, et les acides butyriques et acétiques qui ne sont pas des contraintes pour la méthanisation. Ils pourraient même assurer une stabilité au désilage en inhibant l’action des moisissures.
Afin d’assurer une bonne fermentation ainsi qu’une bonne acidification et la stabilisation de l’ensilage, des teneurs en sucres solubles supérieures à 2,5 % de la matière brute sont nécessaires… Ces valeurs sont souvent atteintes dans les fourrages récoltés immatures comme les CIVE.
Le taux de matière sèche idéal reste à 30 %. Au-dessus de 45 % MS, il n’est pas toujours possible de tasser correctement l’ensilage et le risque d’échauffement est important. En dessous de 30 % MS, d’importantes productions d’effluents peuvent avoir lieu.
Toutefois, finesse de hachage, tassement, herméticité et gestion du front d’attaque demeurent des recommandations essentielles pour une bonne conservation. De très importantes pertes de pouvoir méthanogène (BMP) peuvent avoir lieu au moment du désilage, et l’exposition à l’air doit être réduite au minimum (figure 2).
Figure 2 : Cinétique de dégradation de l'ensilage après exposition à l'air
Source : adapté de H. Zhang et al. (2018)2
Si la production d’effluents est maîtrisée et que l’exposition à l’air est réduite, les pertes de pouvoir méthanogène liées à la fermentation (à l’abri de l’oxygène) sont minimales.
L’écoulement des jus, l’autre enjeu de l’humidité des CIVE
Avec des taux de matières sèches de 20 % en moyenne, le risque d’écoulement des jus au stockage n’est pas à prendre à la légère : de 70 à 220 litres d’effluents par tonne d’ensilage peuvent être produits. Ces effluents sont très concentrés en matière organique (de 16 à plus de 80 g DCO/l)3 et en azote (de 3 à 5 g TN/l)4, avec des valeurs similaires voire supérieures à celles rencontrées dans les lisiers. S’ils ne sont pas récupérés, ils engendrent non seulement des pertes de pouvoir méthanogène (- 3 à - 9 % pour une CIVE à 20 % MS) mais également un risque de graves pollutions des eaux de surfaces et des nappes phréatiques, ainsi que la dégradation des silos de stockage à cause de leur forte acidité.
Il est donc essentiel de surveiller le taux de matière sèche des CIVE à la récolte, de limiter la production de ces jus et de prévoir leur récupération efficace. Si la production d’effluent est très variable et difficilement prévisible pour les récoltes les plus humides, le volume est considérablement réduit au-delà de 25 % MS, et quasi-nul à l’approche des 30 % MS (figure 3).
Figure 3 : Perte de jus d'ensilage (en l/t MS) selon la teneur en matière sèche (en % MS)
Coensilage et prétraitement à l’étude
Face à cette problématique d’humidité des CIVE à la récolte, de nouvelles techniques sont à l’étude. L’une d’elles est le coensilage avec des substrats plus secs, nécessitant un prétraitement, comme la paille. Cette technique est étudiée par Clément Van Vlierberghe en France. Des travaux sont également menés au Danemark.
Les premiers essais en laboratoire confirment des performances équivalentes à de la biomasse préfanée, sans perturbation du processus d’ensilage. Des techniques de culture devront être éprouvées au champ pour confirmer la faisabilité de cette opportunité. D’autres substrats absorbants et prétraitements sont aussi à l’étude pour préserver, voire augmenter, le pouvoir méthanogène de ces ressources lors du stockage. Les résultats sont escomptés pour 2022.
1 Clément Van Vlierberghe, Stockage et prétraitement des CIVEs avant leur méthanisation, thèse de doctorat en génie des procédés, thèse en préparation à Montpellier Supagro depuis octobre 2018.
2 Zhang, H., Wu, J., Gao, L., Yu, J., Yuan, X., Zhu, W., Wang, X., Cui, Z., 2018. Aerobic deterioration of corn stalk silage and its effect on methane production and microbial community dynamics in anaerobic digestion. Bioresour. Technol. 250, 828–837. https://doi.org/10.1016/j.biortech.2017.09.149
3 La demande chimique en oxygène (DCO) est l'un des paramètres de mesure de la qualité de l’eau. Elle représente la quantité d'oxygène nécessaire pour oxyder toute la matière organique contenue dans une eau ou un effluent.
4 TN : azote total
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