Interculture d'hiver - Quelles espèces de Cive se démarquent sur les argilo-calcaires superficiels de Bourgogne ?
ARVALIS étudie depuis deux ans l’intérêt des différentes espèces de cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive) dans les argilo-calcaires superficiels du nord de la Côte d’Or. Dans ces milieux, la production de cultures alimentaires devient de plus en plus difficile et la méthanisation peut être une solution de diversification. Il est donc important d’acquérir des références liées à ce contexte et, en particulier, d’évaluer les espèces de Cive adaptées. Bilan détaillé de l'essai récolté en 2021.
Composées de céréales à paille, en pure ou en association avec des légumineuses, plusieurs Cive d’hiver ont été évaluées. Pour rappel, ces couverts s’insèrent dans la rotation entre une culture d’hiver récoltée en juillet et une culture de printemps semée en mai. Leur cycle se déroule entre la mi-septembre et début mai. Dans l’essai, les Cive ont été implantées après un blé tendre puis récoltées à deux dates (fin avril et mi-mai) pour évaluer l’impact d’une récolte tardive sur la culture suivante (de la caméline semée en juin en l’occurrence).
L'essai a été conduit avec peu de charges de production, notamment en Zéro Phyto (sans herbicide ni insecticide). Cette décision peut être difficile en zone intermédiaire où les semis précoces peuvent s’étaler de la mi-septembre à début octobre, exposant les Cive au risque JNO et à une levée précoce des adventices (vulpins, géraniums et pensées sur notre secteur). Seule la fertilisation azotée fut assurée avec 110 kg N/ha en 2 apports (50 au 20 février et 60 au 15 mars en engrais minéral).
L'essai est conduit sur un sol argilo-calcaire superficiel (30 cm de terre avec la dalle non fissurée et avec une forte présence de cailloux).
Un scénario climatique 2020/21 moyennement favorable
L’été 2020 a connu un climat sec avec pas ou très peu de pluies, conduisant à peu de repousses de cultures et de levées de mauvaises herbes en interculture. Ces conditions ont limité l’intérêt des faux-semis pour réduire le stock semencier en mauvaises herbes.
L’hiver a été plutôt froid, avec des températures parfois inférieures à -9° sous abri et beaucoup de vent (-12 à -15°C en végétation) du 12 au 14 février. L’avoine, en fin tallage début montaison, a complètement gelé. Elle est repartie fin mars mais n’a quasiment pas donné de tiges, seulement des feuilles (en gazon tout le mois d’avril). A noter que des notations de gel sur les maîtres-brins sur VITALLO (variété de seigle), BIKINI (triticale) et OCEANE (avoine) ont été réalisées : seule OCEANE présente un pourcentage de 85 % de maîtres-brins gelés.
En sortie d’hiver, l’absence de pluie de la mi-mars à la fin avril et des températures très fraîches ont ralenti la croissance des Cive.
Une dynamique de développement plutôt lente
Le tableau 1 retrace le développement des différentes espèces de Cive d’hiver évaluées, avec entre autres l’apparition des stades clés comme épi 1 cm et épiaison. De plus, les stades lors des récoltes ont été notés.
L’essai a été semé le 22 septembre juste avant le retour d’importantes pluies d’octobre, permettant une levée homogène des différentes espèces.
Les mélanges avec de la vesce ou de la féverole se sont très bien développées. Lors de la récolte de fin avril, ces deux légumineuses étaient en tout début de floraison alors qu’à mi-mai, elles étaient en pleine floraison.
Pour les graminées, malgré des semis précoces, les stades épi 1 cm et épiaison ne sont pas si précoces. Les deux seigles VITALLO et TURBOGREEN sont plus précoces que SU NASRI et WASTAURO, ce qui leur permet d’être plus productifs en biomasse. De plus, ils semblent bien adaptés à ce type de sol.
A noter que les deux triticales BIKINI et NEOMASS sont plus précoces que BREHAT.
Tableau 1 : Dynamique de développement (date d’apparition des stades) de différentes Cive d’hiver (essai en Côte d’or 2020/21)
En sortie d’hiver, du fait d’un climat défavorable, les cultures ne sont pas hautes. Seuls les deux seigles VITALLO et TURBOGREEN sont un peu plus poussant (figure 1). Au moment de la première récolte, fin avril, le retour des pluies va être salutaire (environ 70 mm entre les deux récoltes) pour toutes les espèces. Les seigles ont presque doublé de hauteur entre le 20 avril et le 7 mai. Les triticales, eux, ont pris 20-25 cm entre les deux mesures.
Figure 1 : dynamique de croissance (en cm) de différentes Cive d’hiver (essai en Côte d’or 2020/21)
Un fort enherbement, notamment en géranium et pensée
Un suivi sur l’enherbement a été fait de l’automne à la récolte. La pression était telle, que toutes les espèces avaient un niveau de salissement identique en début de montaison. A noter que la biomasse d’adventices était moins importante dans les seigles et les triticales, mais bien présente au moment de la récolte.
Globalement, par rapport à la parcelle de l’agriculteur (semée en TURBOGREEN et désherbée en automne), le développement des Cive a été impacté par ce salissement, alors qu’autour, avec un niveau de désherbage satisfaisant, le seigle a toujours été plus développé, plus « touffu » que dans l’essai.
Sans désherbage, comme demandé au protocole, cela fut très compliqué pour certaines espèces comme le blé, la caméline et l’avoine après avoir gelé.
Production de biomasse : légumineuses et seigles fourragers sortent du lot !
Initialement, les dates de récolte demandées au protocole étaient autour du 15 avril pour la première et du 5 mai pour la seconde. Cependant, vu le contexte non poussant du mois d’avril et le choix de la culture suivante (caméline ou moutarde de printemps pouvant être semées encore début juin), nous avons pris la décision de réaliser les récoltes le 29 avril et le 15 mai. Malgré tout, ces dates de récolte pourraient réduire le potentiel de la culture suivante si du tournesol ou du maïs sont à implanter après la Cive.
Les résultats ci-dessous sont issus d’un seul essai dans un contexte donné. Ils ne sont pas la réalité de toutes les situations de production de Cive.
Le niveau de biomasse obtenu pour la première récolte traduit les conditions difficiles de croissance rencontrées par les Cive (un mois sans pluie et des températures très fraîches pour un mois d’avril. Malgré tout, quelques modalités sortent du lot et montrent une certaine robustesse face à ces aléas. C’est le cas des seigles fourragers TURBOGREEN et VITALLO, ainsi que des mélanges (céréales + 20 % de légumineuse), avec 3.5 à 4.2 t/ha de biomasse sèche (tableau 2). L’ajout d’une légumineuse (féverole ou vesce) à un seigle ou un triticale apporte une production supplémentaire par rapport à la graminée pure.
Dans cette situation, les triticales seuls sont moins productifs que les seigles fourragers ainsi que les seigles forestier et hybride.
Les orges, blé, avoine et caméline ne sont pas du tout adaptés à la production de biomasse. Rappelons que l’implantation du blé et des orges dans cet essai a pour but de mettre en relation les modèles de culture connus sur ces 2 espèces et de voir s’ils sont extrapolables aux seigles et triticales.
Tableau 2 : Rendements en biomasse des Cive en argilo-calcaires superficiels de bourgogne pour une récolte du 29 avril 2021 (hauteur de coupe de 10 cm)
Pour une récolte à la mi-mai, les mêmes modalités sortent du lot (tableau 3) : les mélanges et les seigles fourragers affichent un rendement de biomasse sèche entre 5 et 6.2 t/ha. Les triticales sont en retrait.
Tableau 3 : Rendements en biomasse des Cive implantées dans les argilo-calcaires superficiels de Bourgogne, pour une récolte du 15 mai 2021 (hauteur de coupe de 10 cm)
Entre les deux dates de récolte, les pluies ont permis aux cultures de croître et donc de produire plus de biomasse, avec toutes espèces confondues, une augmentation significative de 1.7 t/ha de matière sèche. Cela paraît logique car toutes les espèces ont épié par rapport à la première date de récolte, voire sont en floraison pour les plus précoces. Et comme nous le savons, c’est à floraison que la biomasse est la plus élevée. Cela montre bien que le stade optimum de récolte d’une Cive est entre l’épiaison et la floraison. Mais comme souvent, c’est un compromis à prendre en fonction de la culture suivante choisie.
Figure 2 : Evolution des niveaux de biomasse entre les deux récoltes (en t MS/ha)
L’essai se poursuit pour évaluer l’impact des différentes Cive sur l’implantation et le développement de la culture suivante comparé à un sol nu (CIPAN détruit fin novembre). La caméline a ainsi été semée le 2 juin à 9 kg/ha. Le climat fut extrêmement favorable pour une levée très homogène en une semaine. Affaire à suivre…
Réagissez !
Merci de vous connecter pour commenter cet article.