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Champagne-Ardenne

Orges d’hiver : le bilan de la campagne 2023/2024

Climat pluvieux, peu lumineux et maladies en pagaille ont fortement marqué cette campagne des orges d'hiver. Quelles sont les conséquences sur les composantes de rendement ?

Récolte d'orges d'hiver en 2024 en Champagne-Ardenne

Un début de campagne sur les chapeaux de roue

Sur le territoire, plus de 90 % des orges d’hiver ont été implantées avant l’arrivée de l’épisode pluvieux de mi-octobre. Aussi, les surfaces sont maintenues, avec près de 140 000 ha sur le territoire (incluant les orges de printemps semées à l’automne, en nette baisse cette année à cause des pluies).

L’humidité s’est maintenue durant tout l’automne-hiver, associée à des températures douces. Pour autant, les pucerons se sont faits discrets : présence contenue dans les parcelles à l’automne, peu de symptômes de jaunisse nanisante de l’orge (JNO) en sortie hiver.

Les orges d’hiver passent l’hiver sans gros épisodes de gel, sous des températures douces : il en résulte une date moyenne de début montaison à mi-mars, et place la campagne 2023-2024 parmi les années les plus précoces. Le nombre de talles à plus de 3 feuilles est sur une valeur moyenne (Figure n°1). Dans des situations où les semis ont été plus difficiles (semis tardifs, semis en sols limoneux), le nombre de talles peut être davantage limitant.

Figure n°1 : Nombre de talles en fonction du nombre de plantes/m². Observatoire ARVALIS

Figure n°1 : Nombre de talles en fonction du nombre de plantes/m². Observatoire ARVALIS.
Losanges jaunes : données historiques / Carrés rouges : données de l’année (le nombre correspond au département d’essai)

Des conditions printanières préjudiciables à la mise en place des composantes de rendement majeures

La montaison des orges d’hiver se déroule sous des conditions toujours aussi pluvieuses et peu lumineuses. Cela a plusieurs conséquences :

  • Une densité épis en retrait de 15 % par rapport à la moyenne sur dix ans  (Figure n°2) : la montée à épis est, au sein de la plante, source de concurrence pour l’azote, l’eau et la lumière. En situations de manque de rayonnement comme nous l’avons connu durant la montaison (Figure n°3), la photosynthèse est limitée, et seules les talles les plus développées montent à épis. Il n’est donc pas rare de voir des taux de régressions de talles supérieurs à 50 %. Les excès d’eau ont pu aussi amplifier ce phénomène. Le faible rayonnement engendre un allongement des entrenœuds, et donc, une fragilité des tiges. Le risque de verse est accru.

Figure n°2 : Densité épis en fonction du nombre de tiges à plus de 3 feuilles. Observatoire ARVALIS.

Figure n°2 : Densité épis en fonction du nombre de tiges à plus de 3 feuilles. Observatoire ARVALIS.

Figure n°3 : Rayonnement journalier et stades des orges d’hiver. Station météo Inrae / Météo France de Fagnières [51]

Figure n°3 : Rayonnement journalier et stades des orges d’hiver. Station météo Inrae / Météo France de Fagnières [51]
  • La biomasse produite et la fertilité des grains s’en trouvent également affectées. D’un point de vue physiologique, les céréales d’hiver ont des capacités de compensation des composantes de rendement : un manque d’épi peut être compensé par un bon nombre de grains par épi, et aboutir à un nombre total de grains à remplir tout à fait correct. En 2024, les conditions n’ont pas été propices à une compensation : le nombre de grains par épi est globalement dans la moyenne, et cela aboutit à un nombre de grains à remplir en retrait de 10 à 15 % par rapport à la moyenne sur dix ans (Figure n°4).

Figure n°4 : Nombre de grains/m² en fonction du nombre d’épis. Observatoire ARVALIS.

Figure n°4 : Nombre de grains/m² en fonction du nombre d’épis. Observatoire ARVALIS.
  • La fraîcheur fait perdre toute l’avance acquise par les orges : la montaison est allongée, mais ne profite pas à la densité épis. Notons que l’épisode de froid des 22 et 23 avril semble avoir eu un impact très limité.
     
  • La pluie et l’humidité persistantes apportent également leur lot de maladies foliaires : la rouille naine est précoce, la rhynchosporiose et l’helminthosporiose sont présentes mais relativement contenues, tandis que la ramulariose apparaît fortement en fin de cycle et flambe le feuillage en quelques jours après floraison. En parallèle, les conditions météo n’ont pas toujours permis de trouver des créneaux favorables aux positionnements des produits de lutte contre ces maladies. Ainsi, sur une variété sensible à la rouille naine et à la ramulariose comme KWS Faro (75 % des surfaces d’orges brassicoles au niveau national), la nuisibilité maladies a été très forte (30 q/ha quand la moyenne 2010-2023 est à 14 q/ha) et n’a malheureusement été levée que très rarement (Figure n°5).

Figure n°5 : Nuisibilité annuelle et pluriannuelle sur orges d’hiver, Essais ARVALIS Champagne-Ardenne

Figure n°5 : Nuisibilité annuelle et pluriannuelle sur orges d’hiver, Essais ARVALIS Champagne-Ardenne

Pas ou peu de rattrapage en fin de cycle

La météo qui suit la floraison des orges reste maussade : les orges débutent leur remplissage sous un rayonnement très limitant, avec des minimums en dessous du seuil critique de 200 cal/m² pendant plusieurs jours consécutifs (Figure n°3).  Cela a pour conséquence de limiter la taille des enveloppes des grains d’orge et de plaquer la cinétique de remplissage sur des valeurs basses (Figure n°6). Contrairement à ce qu’on aurait pu penser, les températures « trop » fraîches pour la saison n’ont pas profité au remplissage. Historiquement dans notre région, l’excès d’eau et le faible rayonnement sur plusieurs semaines ont beaucoup plus d’impacts que quelques jours d’échaudage thermique.

Figure n°6 : Cinétique de remplissage des orges d’hiver. Observatoire ARVALIS

Figure n°6 : Cinétique de remplissage des orges d’hiver. Observatoire ARVALIS

En parallèle, la présence de ramulariose en fin de cycle a pour conséquence d’accélérer la sénescence du feuillage : les orges « tournent » en l’espace d’une semaine, elles grillent.

Les PMG sont donc affectés, tout comme les PS et les rendements (Figure n°7).

Figure n°7 : Rendement des orges d’hiver. Observatoire ARVALIS

Figure n°7 : Rendement des orges d’hiver. Observatoire ARVALIS

Des interrogations sur le fonctionnement azoté des orges [hypothèses à valider]

Normalement, une baisse significative de rendement se traduit mécaniquement par une hausse des teneurs en protéines. Cette hausse est effective sur notre territoire, mais pas autant qu’on l’imagine, et surtout avec une disparité qui pose question.

La dose d’azote a-t-elle été limitante ? Non, au regard des doses et des cumuls de pluies après apport, les quantités d’azote n’ont pas limité le rendement.

L’azote apporté a-t-il été correctement absorbé ? Nous faisons l’hypothèse que oui, jusque dernière feuille : les plantes ont absorbé l’azote apporté, mais nous imaginons que les plantes ont « priorisé » des organes en croissance pour capter la lumière qui faisait défaut, au détriment des racines, des épis en formation, et en piochant dans les stocks des talles herbacés et des étages foliaires inférieurs. Quand les conditions ne sont pas optimales, le métabolisme du carbone est affecté moins rapidement que celui de l’azote. C’est pourquoi nous jugions l’aspect visuel de nos orges acceptable, avec un niveau de création de biomasse correct (Figure n°8), mais avec un effondrement des états de nutrition azotée entre dernière feuille et floraison !

Par ailleurs, des références montrent que l’efficacité de l’azote peut être affectée par l’excès d’eau (fonctionnement racinaire perturbé).

L’azote a-t-il été correctement remobilisé vers les grains ? Probablement que non, et ce, en raison de la pression maladies : il y a de fortes chances pour que l’azote ait été bloqué dans les feuilles des étages supérieurs, là où il avait été stocké pour tenter de préserver le potentiel.

Figure n°8 : Teneur en azote des orges d’hiver : correcte durant la montaison (1, 2), baisse significative à partir de DF (3)

Figure n°8 : Teneur en azote des orges d’hiver : correcte durant la montaison (1, 2), baisse significative à partir de DF (3)

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