Orges d’hiver : bilan sur les composantes physiologiques de la campagne 2022/2023
La récolte des orges d’hiver s’achève sur un sentiment global de satisfaction : rendement et teneur en protéines sont au rendez-vous. Tandis que la campagne automnale et hivernale débutait « sur les chapeaux de roue », que ce soit en termes de biomasse que d’avancée des stades, la pluie et les températures fraîches du printemps ont ralenti le rythme tout en maintenant le potentiel (épis et nombre de grains/m²). Après une première phase de remplissage « idéale », le nombre de jours à plus de 25°C, les fortes évapotranspirations, et pour finir le stress hydrique, ont limité les poids de mille grains autour d’une valeur moyenne.
De la douceur durant l’automne-hiver
Après un mois de septembre pluvieux, les créneaux de semis se sont correctement libérés pour les orges d’hiver début octobre. Les conditions d’implantation ont été bonnes - levées rapides et homogènes, émission rapide de talles - avec un redoux significatif durant octobre. Cette douceur a logiquement été favorable à l’activité des pucerons et des cicadelles : leur présence a été prolongée et a nécessité une voire plusieurs interventions. Peu de dégâts ont été signalés en reprise de végétation.
Les coups de froid hivernaux ont été très ponctuels, et l’automne-hiver 2022/2023 se démarque par un cumul de températures proche du record : on enregistre +200°C sur la période du 1er octobre au 1er mars par rapport à la moyenne sur vingt ans (Figure n°1). Ces cumuls de températures ont pour conséquence un stade épi 1 cm précoce, au 19 mars (cinq jours d’avance par rapport à la moyenne sur dix ans sur l’observatoire ARVALIS).
Figure n°1 : Cumuls de températures base 0 pour l’automne-hiver 2022/2023 par rapport à la moyenne sur vingt ans (du 1er octobre au 1er mars)
Sur le plan hydrique, l’automne-hiver a permis de recharger les nappes que partiellement (cumuls de pluie inférieurs à la moyenne sur dix ans), et le mois de février, plutôt sec, a pu limiter la valorisation des apports d’azote précoces sur orges.
En sortie hiver, la biomasse des orges est excellente avec plus de 5 talles à plus de 3 feuilles par m² (Figure n°2). Cela a par ailleurs amené à un risque de verse plus élevé que les campagnes précédentes.
Figure n°2 : Tallage des orges d’hiver sur le réseau régional ARVALIS
Montaison pluvieuse, montaison heureuse ?
La pluie fait son retour en mars, sans discontinuer (ou presque) jusque mai, et permet de recharger les réserves utiles. Les températures fraîches associées à ces épisodes pluvieux font perdre l’avance phénologique que les orges avaient acquises, et allongent leur durée de montaison. Une montaison longue est plutôt favorable à la montée à épis : ainsi, les densités épis sont en tendance supérieures à la moyenne sur dix ans, de l’ordre de + 5 à 10 % (Figure n°3).
Figure n°3 : Densité épis sur le réseau régional ARVALIS
Par ailleurs, la montaison des orges s’est aussi opérée sous des conditions de rayonnement en retrait de 15 % par rapport à la moyenne sur dix ans. Cela peut avoir un impact sur la fertilité des épis.
Finalement, le nombre de grains/m² est correct, voire bon selon les secteurs (Figure n°4), en lien avec des densités épis plus élevées que la moyenne pluriannuelle.
Figure n°4 : Nombre de grains/m² sur le réseau régional ARVALIS
On notera également que les orges d’hiver ont correctement été alimentées en azote, en témoignent les indices de nutrition azotée (INN) proches voire supérieurs à 1 jusque floraison (Figure n°5).
Figure n°5 : Biomasse et teneur en azote des orges d’hiver sur le réseau régional ARVALIS
Une esquive partielle des températures élevées et du stress hydrique durant le remplissage
Le début de remplissage des orges intervient à partir du 15 mai. A partir de cette date, les conditions tempérées et ensoleillées sont de retour, et sont favorables à la première phase de remplissage : absence de stress hydrique et de risque sanitaire (floraison en conditions sèches). Ces conditions sont donc favorables à l’établissement d’une taille correcte des enveloppes des grains.
A partir de fin mai, peu avant le stade grain laiteux, les températures maximales journalières sont systématiquement au-delà de 25°C et accompagnées d’un vent significatif, associées à des évapotranspirations (ETP) supérieures à 5 voire 6 mm (Figure n°6) [les ETP sont en moyenne autour de 4 mm par jour sur la phase de remplissage]. Des ETP supérieures ou égales à 5 peuvent avoir un impact sur le bon fonctionnement des plantes : la plante peine à satisfaire la demande évaporative, d’autant plus dans les situations de réserves hydriques réduites. Et c’est le cas, puisque la plupart des parcelles, en sols profonds et d’autant plus en sols superficiels, passent sous la réserve de survie à partir de fin mai (Figure n°7). Logiquement, ces conditions climatiques ont cantonné la trajectoire de remplissage des grains des orges d’hiver autour de la moyenne.
Figure n°6 : Cartographie des évapotranspirations (ETP) durant les deux phases de remplissage des orges d’hiver
Figures n°7 : Etat de la réserve utile - sol de craie – Station météo INRAE Fagnières (51) à gauche, secteur Barrois – Station météo Chaumont (52) à droite
Dans les essais ARVALIS craie et barrois, les rendements oscillent entre 80 et 100 q/ha. Au sein du territoire, on enregistre de bonnes et de moins bonnes surprises, mais dans l’ensemble, les rendements sont supérieurs à la moyenne sur dix ans.
Côté qualité, les teneurs en protéines sont comprises entre 10 et 11,5 % et répondent au cahier des charges brassicoles (pour rappel, les conditions pluvieuses du printemps et les conditions poussantes ont permis de bien valoriser les apports d’azote). Les calibrages sont corrects, sauf dans les sols superficiels, qui ont pâti plus rapidement du manque d’eau durant le remplissage (Figures n°8 et n°9).
Le printemps pluvieux a aussi pour conséquence une pression en maladies foliaires supérieure aux années précédentes. Dans les situations où la pression a été élevée, il est possible de voir un impact sur le PMG et donc le calibrage.
Enfin, n’oublions pas les orages de fin juin, qui ont causé de la verse sur des parcelles à biomasse importante.
Figure n°8 : Rendement et teneur en protéines sur les essais orges d’hiver du réseau régional ARVALIS
Figure n°9 : Calibrage sur les essais orges d’hiver du réseau régional ARVALIS
Figure 10 : Bilan des composantes et qualité des orges d’hiver en Champagne-Ardenne, récolte 2023
Et les orges de printemps semées à l’automne (OPsa) ?
On craint souvent le risque de gel dans notre territoire pour les OPsa, mais ce n’est pas le seul risque : l’année 2023 nous confirme leur très grande sensibilité aux maladies foliaires.
D’un point de vue physiologique, les OPsa ont fabriqué un nombre important d’épis (proche voire supérieur à 1000 épis/m²). Cela a amené à un nombre de grains/m² très élevé, que les conditions de fin de cycle n’ont pu remplir correctement.
En parallèle, la pression rhynchosporiose a été telle (précocité et intensité d’attaque), que son impact sur le PMG et le calibrage est significatif. A titre d’information, nous enregistrons une nuisibilité comprise entre 35 et 46 q/ha sur notre essai « Comparaison de variétés » dans l’Aube. Sur notre secteur, les rendements en OPsa sont donc inférieurs aux orges d’hiver, avec des qualités non satisfaisantes (teneurs en protéines faibles, calibrages bas).
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