Miser sur les applications d'automne pour gérer les vulpins dans les céréales

Depuis l’an dernier, les pratiques de désherbage d’automne sur céréales à pailles évoluent, avec une augmentation marquée des applications de prélevée. Cette hausse est généralisée au niveau national. Elle s’explique notamment par un renouvellement de la gamme commerciale (arrivée du Mateno pour la campagne 2021 sur blé par exemple) et par une sécurisation de la pratique du désherbage.

Des efficacités en prélevée et postlevée globalement équivalentes

Les interventions de prélevée comportent une bonne souplesse, l’avantage d’une réintervention possible en postlevée (programme double automne), tout en bénéficiant de bonnes efficacités lorsque les conditions sont réunies.

La synthèse de nos derniers essais désherbage en craie (2017 à 2022) montrent que lorsque les conditions d’humidité du sol sont réunies pour les herbicides racinaires, la prélevée et la postlevée sont globalement équivalentes, avec des efficacités autour de 90 % en moyenne.

A noter que les applications sont optimisées dans nos essais (petits volumes de bouillie, faible largeur de rampe, conditions climatiques optimales, passage précoce de la postlevée à 1 feuille du blé). L’efficacité en pratique agriculteur peut de ce fait être réduite (autour de 80-85 %).

Dans le cas d’une année en conditions de sol plus sèches, la prélevée reste néanmoins en retrait par rapport à la postlevée 1 feuille. Néanmoins, la postlevé impose d’être réactif en cas de créneau favorable sous peine de pertes d’efficacité en cas d’interventions trop tardives (vulpins trop développés).

Enfin, en cas de semis tardifs, on préfèrera les applications de prélevée car la garantie de disposer de créneaux favorables au stade 1 feuille de la culture n’est pas assurée (en cas d’hiver pluvieux ou de gel).

Figure 1 : Efficacité (en %) des programmes herbicides prélevée ou postlevée sur blé tendre d’hiver, synthèse de 8 essais nationaux Arvalis 2022

Pré-levée (en vert) : 
MATENO 2L permet une bonne efficacité grâce à l’apport d’aclonifène (900g/ha). Attention à la phytotoxicité.
MATENO dose réduite (1.6L) avec apport de 720g/ha de Pendiméthaline tient la route en moyenne, mais a une plus forte variabilité que la pleine dose de MATENO.
Les 240g de flufénacet (SUNFIRE 0.48L) associés à CODIX 2L permettent un haut niveau d’efficacité.
Le large spectre de matière active de DEFI 3L + ENDERIX 0.4L + CODIX 2L permet le meilleur niveau d’efficacité en pré levée.

Post-levée (1F) (en bleu) : 
FOSBURI 0.6L solo est correct mais se classe dernier des modalités testées. Attention au bon enfouissement des graines pour limiter la phytotoxicité. +4 points d’efficacité avec ajout de 1500g de chlortoluron (SHVAT 3L).
Les associations avec du DEFI (Prosulfocarbe) sont solides. Attention, le risque de phytotoxicité est présent.
DEFI 3L + ENDERIX 0.4L + CODIX 2L permet une haute efficacité également en post-levée, sans pour autant dégrader la sélectivité.

Des programmes tout automne pour sécuriser les efficacités

Bien que les niveaux d’efficacité des désherbages d’automne soient souvent corrects, il est rare qu’ils atteignent 100 %. Et les résultats sont variables selon les conditions météo (humidité du sol) et le nombre de vulpins. Les niveaux d’efficacités moyens en pluriannuel pour un passage unique (que ce soit en prélevée ou en postlevée) dans les essais se situent autour de 80-85 %. Les vulpins encore présents, même en faibles quantités, sont problématiques pour une gestion correcte du désherbage sur le long terme.

Quant aux programmes « double automne », ils permettent de régulariser les efficacités et d’atteindre des niveaux bien souvent proches du 97-100 %. Cela permet de limiter la nuisibilité primaire et secondaires des adventices.

Figure 2 : Efficacité (en %) des programmes herbicides "double automne" sur blé tendre d’hiver, synthèse de 8 essais nationaux Arvalis 2022

Programmes « double automne » : Dès lors que les solutions utilisées sont robustes, les différences entre les programmes sont lissées et ils atteignent de hauts niveaux d’efficacité.

Les prix sont donnés à titre indicatif

Bien sûr, les investissements deviennent conséquents en « double automne », avec des coûts allant de 100 à 140 €/ha pour des efficacités similaires. Mais ces investissements sont équivalents à un programme « prélevée + sortie d’hiver », voire légèrement inférieurs.

Il faudra néanmoins rester vigilant à l’alternance des modes d’action dans la construction du programme double automne. La règle est simple : utiliser une seule fois une matière active par campagne, c’est-à-dire, varier les modes d’action utilisés en prélevée et en postlevée.

Désherbage de sortie d’hiver sur vulpin : vigilance vis-à-vis de la résistance

Depuis l’apparition des résistances des vulpins aux herbicides de la famille des FOP et DEN dans les années 2000, les herbicides utilisés en sortie d’hiver contre cette graminée sont principalement composés de sulfonylurées (inhibiteurs de l’ALS). La résistance des vulpins à ces dernières semble également de plus en plus présente, bien que nous manquions d’éléments pour la chiffrer. Mais il est commun de retrouver des parcelles où les applications d’hiver ne semblent plus efficaces. Il faut donc être vigilant et dans bien des cas systématiser l’application d’automne.

Figure 3 : Efficacité (en %) de différents programmes de désherbage, essai Arvalis 2022 à La Cheppe (51)

C’est le cas notamment dans notre essai désherbage 2022, situé à La Cheppe (51), où les efficacités sur vulpins des sulfos seules sont inacceptables.

L’agriculteur n’est pas toujours conscient de cela car le désherbage d’automne a permis d’atteindre de hauts niveaux d’efficacité. Si quelques vulpins dépassent ici ou là du blé en mai-juin après un programme automne + sortie d’hiver, c’est un signal vis-à-vis des performances du passage en sortie d’hiver.

Il est à noter qu’une moindre performance de la sortie d’hiver n’est pas obligatoirement à affecter à de la résistance car d’autres facteurs peuvent dégrader l’efficacité des sulfos : intervention trop tardive en mars-avril sur vulpins très développés, mauvaises conditions d’applications… Le recours aux adjuvants (huile + sulfate d’ammonium en particulier) est un bon moyen de régulariser l’efficacité des sulfos.

Par ailleurs, les compléments de sortie d’hiver restent intéressants pour les flores dicotylédones et dans certaines parcelles en absence de résistance sur adventices graminées, mais la priorité doit être donnée aux interventions d’automne dans les parcelles suspectes.

Quelques propositions de programme contre les vulpins

Les programmes doivent être définis en prenant en compte le niveau de salissement de chaque parcelle et la suspicion de résistance aux inhibiteurs de l’ALS.

Les noms de produits cités ci-dessous ne sont pas exhaustifs, et les prix sont donnés à titre indicatif. En rattrapage de printemps, l’efficacité des produits foliaires peut être limitée : privilégier les applications précoces.

Toujours vérifier les conditions d’emploi : dose homologuée, cible, stade d’utilisation, délai avant récolte, phrase de risque conditionnant les mélanges.

Figure 4 : Proposition de programme avec une unique application d’automne, repris par une application de sortie d’hiver (uniquement si absence de suspicion de résistance aux inhibiteurs de l’ALS)

Figure 5 : Proposition de programme « double automne »