Les Essentiels d'ARVALIS - Céréales à paille / Septoriose : quelle nuisibilité et quelle stratégie de protection
La nuisibilité pluriannuelle du blé tendre à la septoriose est estimée à 17 q/ha en moyenne et varie fortement selon l’année et les régions. Parmi les leviers agronomiques disponibles, la résistance variétale reste de loin le moyen le plus efficace pour limiter cette maladie. Des seuils d’intervention robustes basés sur l’observation de la progression de la maladie ont été définis et servent de base pour raisonner les interventions fongicides complétés récemment par l’utilisation d’outils de pilotage.
La septoriose est la principale maladie du blé tendre et est présente sur l'ensemble du territoire. Elle est fréquente et son intensité est très dépendante du climat, partiellement dépendant de l’effet région et de l’année. Si les pertes de rendements peuvent atteindre pour les variétés les plus sensibles jusqu’à 50 q/ha certaines années, il faut compter en moyenne environ 17 q/ha de nuisibilité. A l’inverse, pour une année à faible pression parasitaire ou avec l’utilisation d’une variété tolérante, la nuisibilité peut être très limitée de l’ordre de 5 q/ha. Dans ces conditions, quelles stratégies mettre en œuvre pour protéger au mieux ses cultures ?
• Les références expérimentales ARVALIS
• Les préconisations d'ARVALIS
• Pour en savoir plus
Comment ça marche ?
La septoriose est une maladie foliaire qui est causée depuis la fin des années 80 principalement par Septoria tritici. Elle se reconnaît grâce aux taches blanches et allongées ou brunes, de formes ovales ou rectangulaires. Au sein de ces taches, des pycnides noires (petits points noirs très visibles) sont présents et caractéristiques de la maladie. Les symptômes de septoriose sont décrits dans les fiches accidents.
Photo 1 : Septoriose : taches d’aspect rectangulaire à ovale, allongées dans le sens des nervures, brunes ou blanches + pycnides noires saillantes et alignées.
À la faveur des pluies, les pycnides se gorgent d’eau, gonflent et les spores sont expulsées sous forme de gelée sporifère transparente appelée « cirrhe ». Celles-ci sont alors disséminées vers les feuilles supérieures via les éclaboussures de pluie. La progression de la maladie se fait donc de la base vers le haut de la plante, la pluie en étant le principal moteur.
La septoriose perturbe la croissance de la plante via plusieurs mécanismes : la diminution de surface verte résulte des lésions et de la sénescence induite par la maladie, la perturbation de la photosynthèse, l’augmentation de la respiration et le prélèvement de matière par le champignon. Des dispositifs expérimentaux ont permis d’établir un indicateur fiable pour rendre compte des pénalités sur le rendement : l’indice vert intégré (Gate, 2006).
La forme sexuée joue également un rôle important dans l’épidémiologie. Les recherches récentes révèlent que des ascospores sont aussi produites au printemps et en été à partir des étages foliaires supérieurs du blé, et que les ascospores disséminées par le vent sont détectées toute l’année (Duvivier, 2011). Le cycle sexuel peut se faire à différents moments pendant la saison. La coexistence des deux formes de cette espèce, anamorphe (Septoria tritici) et télémorphe (Zymoseptoria tritici), tout au long de la saison, la très grande diversité des souches au sein d’une même parcelle et la dissémination à grande échelle des ascospores par le vent sont des facteurs qui participent au potentiel évolutif de cet espèce et notamment de développer des résistances aux fongicides.
Les références expérimentales ARVALIS
Un grand nombre d’expérimentations au sein d’Arvalis a lieu chaque année pour mesurer l’effet lieu/année, l’impact du choix variétal, ou encore l’influence de différentes dates de traitements sur la nuisibilité septoriose finale.
Une nuisibilité moyenne de 17 q/ha
Chaque année, des essais permettent de caractériser les dégâts occasionnés par la septoriose. La nuisibilité moyenne interannuelle est de 17 q/ha (avec des pertes de rendement jusqu’à 50 q/ha en situations les plus exposées).
Figure 1 : Pertes de rendement engendrées par la septoriose (2000 à 2012).
En moyenne à l’échelle nationale, l’effet « année » peut être estimé à 15 q/ha. Entre régions, on observe également une forte variabilité : Alsace 10 q/ha, Bretagne 25 q/ha en moyenne !
La résistance variétale est un levier de choix
Les essais « variétés » permettent de comparer les sensibilités variétales en chiffrant la nuisibilité au travers de l’écart Traité/Non Traité, rendant compte principalement de l’effet septoriose. La synthèse est diffusée annuellement.
Figure 2 : Résistance variétale du blé tendre à la septoriose (septoria tritici) – Aout 2012.
À l’échelle nationale, l’effet « variété » est de l’ordre de 8 q/ha mais il est bien plus important si on compare les notes extrêmes (variétés les plus sensibles versus les plus tolérantes). L’observation dans le temps des notes de résistance des variétés inscrites sur le catalogue français illustre aussi les progrès accomplis sur septoriose par les sélectionneurs. Ces progrès sont également perceptibles dans la réponse moyenne à l’utilisation des fongicides (écart T-NT) qui, sur la dernière décennie, a baissé en tendance de 0.4 q/ha/an, soit 8 q/ha sur une période de 20 ans.
Des facteurs agronomiques et climatiques favorables
- Les pluies contaminatrices : la pluie est le facteur moteur des contaminations. A la faveur de pluies, les contaminations se font des feuilles inférieures vers les feuilles supérieures via les éclaboussures des gouttes d'eau.
- Un certain nombre d’essais, testant plusieurs interactions, permet de mettre en évidence l’effet de différents paramètres vis-à-vis de la nuisibilité à la septoriose.
- Effet date de semis : sur un essai conduit à Vraignes (80) en 2006, retarder la date de semis a réduit de 11 q/ha la nuisibilité septoriose (écart T/NT), mais le rendement final est aussi pénalisé cette année-là de 7 q/ha. Les semis tardifs échappent aux premières contaminations pendant l’hiver, les feuilles sont émises plus rapidement, la maladie prend du retard par rapport à la plante mais les semis tardifs sont moins productifs.
- Effet densité de semis : pour la septoriose, les densités élevées peuvent être associées à une plus forte pression de la maladie sur variété sensible mais cet effet reste irrégulier. Des essais mettent en évidence que sur variété sensible, les semis plus clairs présentent moins de maladie (notations de juin) par rapport à des densités plus élevées mais cet effet ne se traduit pas ou peu sur les écarts de rendement traité/non traité. Par ailleurs, ces semis clairs sont moins productifs. Choisir une variété tolérante est plus efficace. La densité optimale reste un bon compromis.
- Effet travail du sol et précédent culturaux : dans l’essai « Travail du sol » de longue durée de Boigneville, des notations ont été réalisées sur feuilles. Elles montrent peu d’impact de la technique de travail du sol sur la septoriose. En situation non traitée, les résultats illustrent une plus forte présence de septoriose sur labour comparativement au non labour. Reste que le poids de l’année et du climat sont de loin prépondérants. La septoriose n’est pas considérée comme une maladie à caractère parcellaire pour laquelle l’inoculum initial pourrait être limitant.
- Effet fertilisation azotée : une moindre nuisibilité Septoriose s’observe avec des doses d’azote faibles (50 kg N/ha) mais la pénalité de rendement est trop élevée. À l’optimum de fertilisation azotée, on n’observe pas de modification de la pression septoriose.
Les pratiques agronomiques peuvent avoir un impact sur la pression septoriose, mais de manière limitée. Choisir une variété tolérante est plus efficace avec des densités et dates de semis optimales pour sa région.
Des seuils d’intervention définis
Les seuils d’intervention ont été établis sur la base de séries d’essais réalisés dans les années 1980 et 1990. Par ailleurs, la mise au point de modèles biologiques permettant d’anticiper l’évolution des maladies sur des bases climatiques a complété la démarche. Actuellement, une prise de décision peut aussi être faite sur la valeur simulée en s’appuyant sur des modèles comme SeptoLIS.
- À partir du stade 2 nœuds, observer la F2 du moment (soit F4 définitive) sur une vingtaine de plantes, en ne comptant que les feuilles déployées.
- À partir du stade dernière feuille pointante, observez la F3 déployée du moment (F4 définitive).
Pour les variétés sensibles (notes 4 à 6) : si plus de 20 % des F4 observées présentent des taches de septoriose, réaliser un traitement avant les prochaines pluies. Pour les variétés peu sensibles (notes >=6,5), le seuil est de 50 %.
Ce seuil de nuisibilité n’a de sens que dans le cas où la septoriose est la seule maladie foliaire présente. Si des symptômes de rouille jaune apparaissent, il est nécessaire de réaliser une intervention dès les premiers foyers à partir d’épi 1 cm et dès les premières pustules à partir d’un nœud.
Des essais « positionnement » des traitements vis-à-vis de la septoriose
Pour la mise au point de l’outil SeptoLIS®, un grand nombre d’essais a permis de valider l’outil et de quantifier l’enjeu d’un positionnement réussi, en terme de production mais aussi en terme d’optimisation des produits fongicides. 30 essais dans 21 départements en 2008 et 2009 ont permis de chiffrer à 5-6 q/ha l’enjeu du positionnement du premier traitement visant la septoriose.
Les essais matières actives
Chaque année, des essais « comparaisons de matières actives » permettent de classer les différentes matières actives fongicides en fonction des doses appliquées et de la pression parasitaire à contrôler (résultats diffusés dans dépliants annuels et brochures régionales annuelles).
Tableau 1 : Tableau d'efficacité des matières actives sur septoriose. Ce tableau est actualisé tous les ans dans les brochures Choisir 2 avec les résultats annuels d'expérimentation.
Des optimum permettant d’orienter la stratégie
Des essais annuels « courbe de réponse » aux fongicides sont réalisés pour estimer la nuisibilité finale et l’optimum d’investissement fongicide calculé a posteriori. Cet optimum d’investissement peut se calculer pour différents prix de blé et permettre d’appréhender la dépense fongicide théorique en fonction de la nuisibilité attendue (les résultats sont diffusés annuellement dans les brochures régionales Choisir 2). Par exemple, l’optimum d’investissement fongicide pour une nuisibilité de 15 q/ha et un prix du blé de 20 €/ha est de 64 €/ha.
Figure 3 : Dépense fongicide optimale théorique sur blé tendre pour une hypothèse du prix du quintal à 20 € (148 essais 2005 à 2012).
Cette courbe est actualisée tous les ans dans Choisir et Décider 2 avec une hypothèse de prix du quintal d'actualité.
Les préconisations d'ARVALIS
- Connaître la nuisibilité de la septoriose dépend avant tout de l’année climatique, du secteur géographique et de la sensibilité variétale.
- Parmi les leviers agronomiques disponibles pour limiter le besoin de protection contre la septoriose, la résistance variétale reste de loin le moyen le plus efficace, le plus polyvalent et le plus économique et sans effet négatif potentiel sur le rendement. Les résistances variétales offrent un potentiel d’adaptation des pratiques fongicides très significatif qui peut aller jusqu’à 40 à 50 €/ha d’économie.
- La date de semis, le travail du sol, (la densité ou la fertilisation), ont une influence de second niveau sur le développement et la nuisibilité de la septoriose et sont souvent plus difficilement modifiables puisque dictés par divers impératifs (type de sol, organisation de chantier …).
- Les programmes fongicides sont proposés en fonction de la nuisibilité et sensibilité variétale (une variété sensible nécessitera probablement une modulation à la hausse et inversement pour une variété tolérante).
- La date de déclenchement optimal du traitement fongicide septoriose peut être adaptée en fonction de l’année grâce à Septo-LIS®, outil de pilotage. Des seuils d’intervention robustes basés sur l’observation de la progression de la maladie ont été définis et servent base pour raisonner les interventions fongicides.
• Septoriose : quelle nuisibilité et moyens de lutte ?
• Quelle est l’incidence des facteurs agronomiques et climatiques sur la septoriose ?
• C. Maumené, G.Couleaud, JY. Maufras (2012) : les Variétales, atelier maladie.
• D. Gouache, G.Couleaud (mars 2010) : « Fongicides céréales : positionnement des traitements ciblant la septoriose : un enjeu de 5 q/ha ». Perspectives Agricoles N°365.
• P. Gate, D. Gouache, (avril 2008) : « La nuisibilité de la septoriose bientôt cernée ». Perspectives Agricoles N°344.
• Dépliants « Protection des céréales à paille - lutte contre les maladies ».
• Editions régionales annuelles « Choisir et décider 1 – Variétés et traitements d’automne des céréales ».
• Editions régionales annuelles « Choisir et décider 2 – Traitements et Interventions de Printemps ».
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