Mélanges fourragers - Les précautions à prendre pour ensiler les méteils riches en protéagineux
En quête d’autonomie fourragère et protéique, de plus en plus d’éleveurs implantent en dérobées des mélanges de céréales et de légumineuses, communément appelés « méteils ». Focus sur la conduite à tenir dans le cas de mélanges comportant une forte proportion de légumineuses (plus de 40 % de la matière sèche récoltée).
Ces mélanges céréales – protéagineux immatures (MCPI) riches en protéagineux sont souvent privilégiés pour des récoltes précoces en ensilage. Féveroles, pois fourrager et vesces sont les légumineuses les plus couramment utilisées dans ce cadre. Les autres espèces composant les mélanges sont le plus souvent des céréales à paille. Ces mélanges présentent des caractéristiques particulières qu’il faut prendre en compte pour réussir leur récolte et leur conservation.
Au sommaire :
Un séchage au champ plus long
Par rapport aux méteils riches en céréales et récoltés tardivement (stade laiteux-pâteux de la céréale), les méteils riches en protéagineux présentent de faibles teneurs en matière sèche (MS) sur pied jusqu’à fin mai, au moment de la floraison – apparition des premières gousses (environ 14 % MS, d’après les mesures réalisées sur pied par les chambres d’Agriculture de Normandie de 2013 à 2017).
La morphologie des espèces de légumineuses à grosse graine tend également à retarder le séchage. Ces espèces présentent des tiges de gros diamètre ainsi qu’un fort ratio tige / feuille, contrairement aux graminées. L’eau contenue dans les tiges s’évacuent plus lentement que celle des feuilles (organes impliqués dans la transpiration des plantes).
Y compris lors de récolte précoce, la végétation est haute (80 cm à 1 m) et particulièrement dense. De ce fait, l’humidité des pluies ou de la rosée matinale stagne dans le couvert. Ceci est d’autant plus vrai que le mélange contient du pois fourrager et des vesces qui viennent coloniser les espaces laissés libres dans le couvert. Bien qu’il s’agisse d’eau « libre » (par opposition à l’eau des cellules de la plante), cette humidité peine à s’échapper, de sorte qu’elle accroît la quantité d’eau à évaporer lors du préfanage au champ.
Des andains plus difficiles à travailler
Par leur biomasse importante et leur faible teneur en MS sur pied, les andains de ces mélanges ont tendance à s’affaisser sur eux-mêmes. Par ailleurs, à la différence des graminées prairiales, le peuplement et la densité des chaumes sont faibles. Seules les céréales à paille tallent et ont tendance à accroître cette densité ; les autres espèces, à port érigé ou grimpant et ne tallant pas, contribuent peu à densifier le matelas de chaumes, apte à maintenir « perché » le fourrage une fois fauché. La densité des chaumes est pourtant une caractéristique importante afin de faciliter, d’une part, la circulation d’air sec sous l’andain pour en évacuer l’eau et, d’autre part, la reprise du fourrage par les outils de récolte. En effet, disposer d’un andain « surélevé » par rapport au sol facilite la reprise par un andaineur afin de regrouper des andains et/ou par le pick-up de l’ensileuse sans avoir à « gratter » le sol pour récolter la totalité du fourrage. L’incorporation de terre, voire de pierres, est préjudiciable à la conservation par ensilage.
Atteindre rapidement 30 % MS lors du préfanage, un objectif parfois difficile !
A l’instar des autres espèces fourragères, l’objectif du préfanage au champ est d’atteindre la teneur en MS adaptée au mode de conservation en un minimum de temps. En effet, après la fauche, la plante continue de respirer et d’utiliser ou transformer les sucres.
Pour éviter les pertes par écoulement de jus au silo ainsi que les pertes générées par le développement des micro-organismes nuisibles (entérobactéries, butyriques), il est important d’atteindre 30 voire préférentiellement 35 % MS à la mise en silo (figure 1). En fonction des conditions météos et du rendement, il est souvent nécessaire de laisser préfaner le fourrage durant 60 à 72 h, voire 96 h (peu d'évaporation, rendement important)
Figure 1 : Pertes en matières sèches d’un méteil riche en protéagineux en fonction de la teneur en MS du fourrage à la mise en silo
Parmi la soixantaine de mélanges suivis par les chambres d’Agriculture de Normandie, la chambre d’Agriculture de la Mayenne et ARVALIS, seul un tiers d’entre eux présentait des teneurs en MS supérieures à 30 % à la mise en silo.
Des valeurs nutritives intéressantes mais une sensibilité accrue à la protéolyse
Récoltés précocement, ces mélanges présentent des valeurs nutritives intéressantes. Leur ensilabilité, c’est-à-dire leur faculté à être conservés sous forme d’ensilage, est jugée moyenne. Elle est intermédiaire entre les ray-grass et la luzerne, du fait d’une teneur en sucres solubles correcte (9 à 11 % MS), d’une teneur en protéines moyenne à élevée (comprise entre 14 et 20 %, pour une moyenne à 16 %) et d’une teneur en minéraux élevée (9 à 11 % MS).
En raison de leur teneur en protéines moyenne à élevée et de leur faible teneur en MS, ces fourrages sont particulièrement sensibles à la protéolyse. Ce phénomène, qui conduit à rendre la protéine soluble et moins bien valorisée par les ruminants, est généré par les enzymes de la plante et certaines bactéries telles que les entérobactéries et les butyriques. La protéolyse pourra être réduite par le recours au préfanage et à un conservateur efficace.
Les règles d’utilisation des conservateurs demeurent les mêmes que celles pour un ensilage d’herbe de bonne qualité. Le choix se portera sur des acides organiques ou des bactéries lactiques homofermentaires permettant d’abaisser rapidement le pH du fourrage.
En élevage laitier, une attention particulière sera portée au développement des bactéries butyriques. Dans les suivis réalisés par les chambres d’Agriculture de Normandie de 2014 à 2017, la présence de butyriques a été détectée dans 53 des 58 ensilages, dont 21 avec des teneurs supérieures ou égales à 5 g/kg MS. Ceci est en lien direct avec un préfanage insuffisant de ces mélanges ainsi qu’à de possibles contaminations par de la terre lors de la récolte.
Quel itinéraire de récolte adopter ?
En raison de leur faible teneur en MS sur pied lors de récolte précoce, la récolte en coupe directe et le groupement des andains dès la fauche sont à proscrire. Concernant le choix de la faucheuse, il s’agit d’un compromis entre une grande surface d’exposition du fourrage (pour faciliter le séchage) et la reprise des andains avant ensilage. L’arbitrage se fait en fonction des matériels disponibles, de la biomasse à récolter, des conditions météo ainsi que des caractéristiques des parcelles (qualité et régularité de la préparation de sol, présence de pierres…).
Pour un type de faucheuse donné, l’avantage est attribué au combiné de fauche (1 module frontal et 1 ou 2 latéraux) : ce matériel permet d’adapter la taille de l’andain central pour ne pas rouler sur le fourrage tout en bénéficiant d’une surface d’exposition importante des andains latéraux en ouvrant les volets de la faucheuse.
Dès la formation des premières gousses, l’agressivité des faucheuses conditionneuses est à prendre en compte car elle peut occasionner des pertes de graines dans les gousses.
Tableau 1 : Avantages et inconvénients de différents types de faucheuses
Quelles que soient les conditions météos, la durée de préfanage ne devra pas excéder 72 h, voire 96 h par temps frais, pour éviter l’échauffement du fourrage dans les andains et le développement de flore fongique néfaste à la conservation du fourrage (levures et moisissures).
Figure 2 : Points forts et points faibles de chaque étape de quatre itinéraires techniques de récolte des méteils
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