Ensilage des CIVE : bien concevoir son silo pour préserver le potentiel méthanogène dans la durée
Les dégradations aérobies sont la première source de perte de potentiel méthanogène lors du stockage des CIVE. Un silo mal confectionné peut générer des pertes cumulées de près de la moitié du potentiel initial. Le contact avec l’air est donc à limiter au maximum à chaque étape de la gestion de l’ensilage.
Un bon ensilage est obtenu dans de bonnes conditions d’étanchéité à l’air. Lorsque de l’oxygène entre dans le système, des conditions aérobies sont remises en place et l’équilibre est rompu. Le développement microbien est alors rapide et cause des pertes de masse sous forme de CO2 et des pertes énergétiques sous forme de chaleur.
Ces conditions d’exposition à l’air ont majoritairement lieu à la récolte, de la fauche jusqu’à la fermeture du silo, et lors de son ouverture. Si la fermeture du silo n’est pas idéale, l’air peut également pénétrer au cours du stockage et causer d’importantes dégradations. A chaque étape, des pratiques peuvent être mises en place pour les limiter : tassement optimal, couverture efficace et bonne gestion du front d’attaque sont les trois principaux leviers d’action. L’emploi d’additifs comme des inoculants de bactéries hétérolactiques peut permettre de réduire davantage les dégradations mais ne peut en aucun cas compenser des pratiques de gestion du silo inappropriées.
Un silo vite rempli et bien tassé
La durée d’exposition à l’air doit être limitée au maximum durant la récolte. Le préfanage ne doit pas excéder 48 h et les silos doivent être remplis rapidement.
Mais la rapidité de remplissage ne doit pas se faire au détriment du compactage. Celui-ci conditionne la résistance du silo à la pénétration de l’air durant toute la durée du stockage et à l’ouverture.
La valeur cible de la densité de tassement dépend du taux de matière sèche de la plante à ensiler (figure 1), car la combinaison des deux définit la porosité du silo. Si la densité cible est facilement atteinte pour les plantes humides, le tassement des récoltes plus sèches est difficile. Aux alentours de 35 % de matière sèche, la densité idéale est difficile à atteindre ; elle est inatteignable au-delà de 40 %.
Pour permettre un tassement adéquat, la finesse et la régularité de hachage sont des paramètres importants. Les morceaux de plus de 20 mm sont à éviter.
Figure 1 : Densité de tassement cible de l'ensilage en fonction du taux de MS de la récolte, adapté de Kaiser et al (2004)
Une couverture hermétique
L’herméticité de fermeture du silo a un impact crucial sur les dégradations liées au contact avec l’air durant le stockage. Une bonne couverture associée à un tassement correct permet de limiter les pertes à quelques pourcents. En revanche, si la couverture n’est pas efficace ou absente, les pertes de potentiel méthanogène peuvent être élevées. Les couches du silo les plus exposées situées sur les faces extérieures peuvent subir jusqu’à 80 % de pertes après seulement trois mois de stockage (figure 2). Les pertes totales peuvent atteindre 30 %. Ces pertes peuvent être accrues si le tassement du silo n’est pas suffisant : l’oxygène pénètre alors plus en profondeur et une importante fraction du silo peut être dégradée.
Notons qu’une bonne conservation ne peut s’opérer que si l’herméticité est garantie dès les premières heures après la fin du chantier de récolte et jusqu’à l’ouverture du silo.
Figure 2 : Pertes de MS causées par les dégradations aérobies en présence ou absence de couverture. Adapté de Kaiser et al. (2004)
La couverture du silo est traditionnellement réalisée avec des bâches en matière plastique plaquées par des boudins. Leur emploi permet de sceller efficacement les silos, mais il est remis en question par l’impact environnemental du plastique. Des alternatives aux bâches plastiques se développent : elles utilisent des céréales ou des sous-produits agro-alimentaires. Des céréales sont par exemple semées au sommet du silo pour le recouvrir. Dans le cas de Cive ensilées, cette pratique peut sembler intéressante car tout peut être mis dans le méthaniseur sans s’épuiser à débâcher. Cependant, l’herméticité est imparfaite, d’autant plus que le couvert met du temps à se développer et sa pérennité peut être affectée par le climat. Même si leur impact sur la préservation du potentiel méthanogène à l’échelle du silo est encore peu documenté, les éléments disponibles à ce jour laissent entrevoir des pertes quantitatives et énergétiques importantes, rendant ces alternatives économiquement rédhibitoires. Notons qu’une bonne conservation ne peut s’opérer que si l’herméticité est garantie dès les premières heures après la fin du chantier de récolte et jusqu’à l’ouverture du silo, ce que ne garantissent pas ces alternatives.
Bien dimensionner le silo pour une vitesse d’avancement optimale
Lorsque le silo est ouvert pour prélever l’ensilage, l’air peut facilement pénétrer par le front d’attaque, causant échauffement et pertes énergétiques. Les dégradations sont rapides. Après deux jours d’exposition, les couches superficielles peuvent avoir perdu 20 % de leur potentiel méthanogène initial, particulièrement en conditions chaudes.
Figure 3 : Cinétique de dégradation de l'ensilage mis en contact avec l'air (Zhang et al., 2018)
Afin d’éviter ce phénomène, la vitesse d’avancement du front d’attaque doit être appropriée. Elle dépend principalement de la température ambiante qui conditionne la vitesse de développement des micro-organismes. Des vitesses d’avancement d’au moins 15 cm par jour sont ainsi recommandées en hiver, et de 25-30 cm/j en été (figure 4). Ces indications sont à ajuster en fonction de la densité de tassement : si l’ensilage n’a pu être tassé de façon optimale, la pénétration de l’air est supérieure et la vitesse d’avancement doit être augmentée.
Figure 4 : Vitesse d'avance du front d'attaque recommandée en fonction de la température ambiante (Borreani et al., 2018)
Pour respecter la cible de vitesse d’avance du front d’attaque, le dimensionnement des silos doit être prévu en conséquence. Les silos « étroits et longs » permettant des vitesses d’avancement plus élevées sont préférables aux silos « larges et courts ».
Des additifs pour augmenter la stabilité aérobie de l’ensilage
La stabilité aérobie de l’ensilage - c’est-à-dire sa capacité à résister à l’échauffement et aux dégradations lors du contact avec l’air - dépend également de ses propriétés physiques et chimiques (tableau 1).
Les acides propioniques, acétiques et butyriques sont les plus efficaces pour ralentir la croissance des micro-organismes aérobies. La présence d’acide lactique permet d’obtenir un pH bas, mais ce composé est facilement consommé par les levures et moisissures. La présence d’un autre acide en plus de l’acide lactique est donc préférable.
Les plantes humides sont également plus résistantes aux dégradations aérobies et plus susceptibles de produire des acides lactique, propionique et butyrique.
Tableau 1 : Effet de plusieurs paramètres chimiques sur la stabilité aérobie
Des additifs d’ensilage peuvent permettre d’orienter la fermentation vers la production d’acides comme l’acide acétique pour augmenter la stabilité aérobie.
L’ajout de starter contenant des bactéries hétérolactiques comme L. buchneri permet d’obtenir un rapport lactique/acétique réduit et une stabilité aérobie augmentée. Au contraire, l’ajout de starter homolactiques qui produisent surtout de l’acide lactique a tendance à réduire la stabilité aérobie.
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