Froid courant montaison : quels risques pour les céréales à paille ?
Suite aux températures basses de cette semaine, se pose la question des impacts potentiels sur les blés et orges en fin de montaison / début épiaison.
Au global, les températures minimales de cette semaine sont proches du seuil de sensibilité des cultures en fin de montaison ou lors du stade de méiose pollinique. Les orges d’hiver ont atteint ou vont atteindre très prochainement ce stade ; par contre, en blé tendre, les secteurs concernés par le froid devraient l'atteindre fin avril ou tout début mai.
A ces stades, on peut identifier deux types d’accident :
- Un risque de gel d’épis comparable à avril 2017 : compte tenu des minimales relevées, ce type d’accident risque d’être très limité. Cependant, les gelées interviennent sur des cultures potentiellement beaucoup plus avancées qu’en 2017, donc plus sensibles. Ainsi, si les températures sous abri passent en-dessous de -2°C environ pour des céréales autour du stade Dernière Feuille Pointante, il sera nécessaire d’observer les épis pour s’assurer de l’absence de dégâts. Il faut noter qu’en présence avérée de dégâts, il y aura moins de compensation possible que lors de gels de début de montaison, où la montée tardive de talles permet de compenser partiellement la destruction des maîtres-brins.
Lire aussi : « Comment diagnostiquer au champ des dégâts de gel à montaison sur céréales à paille ? » - Un risque d’altération de la méiose pollinique : pour rappel, il s’agit de la (courte) phase pendant laquelle les grains de pollen se forment, et qui s’avère sensible à une forte altération ponctuelle du métabolisme (froid, manque important de rayonnement, stress nutritionnel très fort). Les rares références disponibles sur cet accident indiquent que :
- L’effet variété peut être fort, mais n’est pas caractérisé a priori. En blé tendre, une source génétique de sensibilité avait été identifiée dans les années 1990 et exclue des programmes de sélection.
- L’effet climatique consiste en de faibles températures (proches de 0 à 2°C) et de faibles rayonnements sur plusieurs jours (< 200 cal/cm²), avec sans doute un facteur prépondérant du rayonnement. Le scénario météorologique de l’année prévoit pour le moment des niveaux de rayonnement peu problématiques (en intensité ou en fréquence sur la majorité du territoire), alors que les températures s’approchent des seuils problématiques sur la moitié est de la France (hors pourtour méditerranéen)
- L’état nutritionnel, notamment en oligo-éléments (Cu) est impactant : une carence accroît fortement le risque d’altération du processus de méiose. Les situations d’engorgement en eau peuvent avoir un effet amplificateur en réduisant l’absorption racinaire.
Si la méiose est impactée, le pollen sera altéré et moins fertile : il sera dès lors difficile pour les fleurs de s’autoféconder. Cela pourrait donc affecter nettement la fertilité des épis, avec des impacts dépassant les -80 % dans les situations les plus extrêmes. Les défauts de fécondation peuvent également ouvrir la porte à certains pathogènes tels que l’ergot du seigle.
Lire aussi : « Stress climatiques à la méiose : comprendre les processus physiologiques en jeu »
Les conditions climatiques de cette semaine et l’état d’avancement des cultures laissent donc penser que les orges les plus tardives dans l’Est du pays sont les plus exposées (stades * faibles températures).
Ne pas rajouter des facteurs de stress
Il n’est pas possible, à l’échelle des parcelles de céréales, de protéger du froid comme cela se fait en vignes ou en vergers. Par contre, il est important de ne pas rajouter des facteurs de stress supplémentaires. Il est ainsi déconseillé d’appliquer des solutions phytosanitaires à effets phytotoxiques dans ces situations tels que herbicides et régulateurs. Concernant la protection fongicide, il est recommandé d’intervenir sur végétation sèche, en milieu de journée, pour éviter l’interaction avec les faibles températures matinales.
A l’inverse, bien qu’aucune donnée ne soit disponible à notre connaissance sur le sujet, il est très peu probable que l’application spécifique d’éléments fertilisants ou nutritionnels (type oligos, engrais foliaires, biostimulants) lors de ces épisodes de froid ait un rôle protecteur.
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