Céréales : un début de campagne sous la pluie
Les nombreux épisodes de pluies de cet automne et début d’hiver ne vous ont peut-être pas permis de suivre quotidiennement les relevés de votre pluviomètre : faisons donc le point sur la pluviométrie et ses conséquences en plaine.
Des conditions de semis complexes dès mi-octobre
La faible pluviométrie des deux premières semaines d’octobre a permis de profiter de conditions de semis optimales (figure 1). Un tiers des implantations de la région a été réalisé sur ce créneau, avant le 10 octobre, puis un second tiers jusqu’à mi-octobre, comme observé habituellement. Cependant, les pluies se sont intensifiées dès le 18 octobre et quasiment sans discontinuer tout au long de l’hiver. Le dernier tiers des semis, habituellement terminé autour du 15 novembre, a été finalement étalé entre novembre et mi-décembre, grâce à quelques créneaux possibles entre deux pluies (selon les types de sols et leur capacité de ressuyage).
Figure 1 : Pluviométrie enregistrée du 1er octobre 2023 au 10 janvier 2024 – station de Fagnières (51)
En termes de températures, les implantations ont pu bénéficier de conditions poussantes à l’automne, également profitables pour les semis tardifs en novembre.
Les températures gélives actuelles sont bénéfiques dans le cadre de la lutte contre les bioagresseurs, puisque le gel limite fortement leur activité (pucerons qui pouvaient être encore parfois présents dans les parcelles) ou empêche leur développement (inoculum maladies fortement réduit).
Les cumuls de précipitations conséquents ont également induit des phénomènes de phytotoxicité parfois importants pour les parcelles avec des programmes automne robustes. On observe quelquefois des phytotoxicités prononcées au flufénacet ou au diflufénicanil, qui s’expliquent parfois par des conditions de semis non optimales et des grains mal enterrés. Les produits racinaires ont aussi été responsables de dégâts, du fait de leur mise en solution importante dans le sol.
Des records de pluies et de températures pour cette période automne-hiver
La campagne 2023/2024 est d’ores et déjà dans les records de pluies et températures depuis le 1er octobre, avec des cumuls de pluie de +40 à 60 % par rapport aux vingt dernières années (+100 mm environ/moyenne 20 ans) et des cumuls de température de +20 % (+150°C en base 0, environ 1,5 feuilles).
Dans l’Aube, le cumul de précipitations observé ne dépasse toutefois pas l’hiver 2013-2014, lorsque certaines zones avaient subi des inondations.
Tableau 1 : Cumuls de pluie enregistrés par département
Ainsi, le début de la campagne 2023/2024 se distingue par une forte pluviométrie et des températures élevées sur la période (figures 2a à 2d).
Figures 2a à 2d : Cumuls de pluies et de températures entre le 1er octobre et le 10 janvier, sur les 20 dernières années, pour quatre stations météo
Dans le Nord-Est de la France, la répartition des cumuls de pluies permet d’observer d’importants cumuls en Champagne-Ardenne, entre 300 et 400 mm principalement (carte 1). Les Ardennes ont même enregistré des cumuls autour de 500 mm.
Carte 1 : Cumuls de pluie de cet automne-hiver à l’échelle du Nord-Est de la France
Une réserve utile remplie précocement
Tout comme les années 2001 et 2003, les pluies de cet automne ont engendré un remplissage précoce de la réserve utile (RU). La suite du scénario pour la campagne, pourra suivre deux options (figure 3) :
- Une sécheresse au printemps, engendrant une diminution rapide de la RU (scénario de 2003).
- Une poursuite des pluies, entraînant un maintien du niveau de la RU (scénario de 2001).
Figure 3 : Evolution de la réserve utile en Champagne-Ardenne
Première estimation de la date du stade épi 1 cm
D’après nos modèles de prévision de stades, les premières estimations (figure 4) indiquent un stade épi 1 cm proche de la moyenne 10 ans pour les blés en Champagne Crayeuse, à dates de semis équivalentes. Etant donné qu’il s’agit d’une première estimation, les dates de ce stade seront à estimer de nouveau suivant les conditions hivernales à venir.
Figure 4 : Estimations du stade épi 1 cm à l’échelle de la région suivant 3 dates de semis
Vigilance au risque de lessivage de l’azote et du soufre
L'azote et le soufre sont deux éléments extrêmement mobiles et lessivables. Les reliquats de sortie d’hiver, réalisés pour les plans prévisionnels de fumure, tiendront compte des pertes d’azote ayant eu lieu durant cette période humide. Pour le soufre, la grille de préconisation des apports de soufre sur céréales à paille (disponible ici) prend en considération le risque de lessivage par la pluviométrie. Il s’agira donc d’ajuster les pratiques en prenant en considération les relevés pluviométriques de son secteur.
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