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Céréales infestées en adventices : quelles stratégies mettre en place dès à présent ?

Les conditions humides et douces de ce printemps ont favorisé le développement des adventices. A quelques semaines de la récolte, certaines parcelles de céréales d’hiver sont fortement infestées. Dans les cas les plus extrêmes, des décisions sont à prendre dès aujourd’hui pour ne pas hypothéquer les prochaines campagnes.

orge 2 rands infeste de vulpins

Le salissement des parcelles de céréales, constaté en plaine, est encore une fois très important cette année. Au-delà de la nuisibilité sur la culture en place, ces nombreuses adventices produiront des graines qui augmenteront significativement le stock grainier du sol. Ces graines produiront à leur tour des adventices qu’il faudra gérer rapidement les prochaines années. Pour casser ce cercle vicieux, et dans un contexte de réduction des solutions herbicides, la gestion des populations actuellement présentes dans les céréales avant leur grenaison est indispensable.

Dans les cas extrêmes : détruire ou exporter avant récolte

Dans les parcelles très infestées, le broyage des bords de champ peut être un investissement payant à court et plus long terme. Ensuite, plusieurs stratégies sont envisageables dès aujourd’hui pour éviter le réensemencement  de la parcelle en graines d’adventices : l’écimage, la récolte de céréales immatures et, dans le cas le plus extrême, le broyage de la parcelle.

L’écimage demande un équipement adapté et des conditions favorables : présence des épis des adventices au-dessus de la culture couplée à des graines non viables si les épis ne sont pas récupérés. Cette opération reste toutefois délicate : si l’écimage est réalisé trop tôt, les graminées sont capables de repartir et d’épier dans la culture. S’il intervient trop tard, une partie des graines d’adventices est déjà tombée au sol, limitant l’intérêt du passage.

Lire aussi : « Folle-avoine : écimer les panicules de graines vertes pour éviter les levées en cultures d’hiver »

Eviter la production de graines viables

Pour éviter un réensemencement de la parcelle par les graines de ray-grass ou de vulpin, on peut envisager la fauche des céréales immatures fortement infestées pour une valorisation en fourrage ou en méthanisation. Cette opération doit être envisagée rapidement, les graines étant en cours de formation. Selon les résultats de la FNAMS, pour du ray-grass porte-graines, les premières graines sont viables 14 jours après floraison. Il n’y a donc pas de temps à perdre si cette opération est envisagée. Des résultats sur l’essai longue durée de Boigneville (91) et sur la station de recherche d’En Crambade (31) ont montré tout l’intérêt de cette technique pour diminuer les levées de ray-grass dans la culture suivante (figures 1 et 2).

Figure 1 : Effet de divers leviers agronomiques, seuls ou combinés, sur les levées de ray-grass comptabilisées dans un maïs suivant un blé dur - Essai ARVALIS En Crambade (31).

Figure 1 : effet de divers leviers agronomiques, seuls ou combinés, sur les levées de ray-grass comptabilisées dans un maïs suivant un blé dur - Essai ARVALIS En Crambade (31).

Figure 2 : Effet du travail du sol sur les populations de ray-grass (comptées en nombre d’épis jusqu’en 2008, puis en nombre de plantes levées) dans un pois de printemps (N-1) puis un colza (N) après un blé tendre détruit avant grenaison du ray-grass (N-2) - Essai ARVALIS Boigneville (91).

Figure 2 : effet du travail du sol sur les populations de ray-grass (comptées en nombre d’épis jusqu’en 2008, puis en nombre de plantes levées) dans un pois de printemps (N-1) puis un colza (N) après un blé tendre détruit avant grenaison du ray-grass (N-2) - Essai ARVALIS Boigneville (91).

Lire aussi : « Comment réussir le chantier d’ensilage de céréales immatures ? »

Dans les cas d’infestations extrêmes, où le rendement est largement impacté, le broyage de la parcelle est à envisager. Si cette solution prive de résultats économiques les parcelles ciblées, elle évite une augmentation nette du stock semencier : l’effet est important à moyen terme.

Malgré cette solution « radicale », il conviendra de poursuivre ses efforts en cumulant le maximum de leviers lors de l’interculture et dans les cultures suivantes. En effet, ces situations possèdent généralement des stocks grainiers très importants.

A la récolte, attention à ne pas disséminer les graines d’adventices 

Même si la récolte est une période chargée et stressante pour de nombreux agriculteurs, prendre le temps de nettoyer sa moissonneuse-batteuse après la récolte de parcelles infestées est un moyen simple et très efficace pour éviter de disséminer des graines d’adventices sur de nouvelles parcelles. Si le temps manque pour un nettoyage minutieux, il faudra récolter les parcelles les plus sales en fin de moisson pour éviter au maximum des contaminations entre parcelles. 

Autre solution possible au moment de la récolte : utiliser un récupérateur ou un broyeur de menues-pailles. Ces matériels, peu répandus en France, permettent d’éliminer les graines des adventices récoltées par la moissonneuse-batteuse pour éviter leur retour sur la parcelle. Ces solutions ne sont logiquement pas possibles sur les adventices présentes sous la barre de coupe ou ayant grainé avant récolte, c’est souvent le cas pour les vulpins notamment. En revanche, des premiers résultats intéressants ont été mis en évidence sur certaines graminées à problème telles que le ray-grass. Mais le coût d’investissement du matériel reste important et limite son développement. Si des services sont disponibles auprès de CUMA, il peut être intéressant d’y prêter attention en présence de ray-grass à la récolte.

Lire aussi : « La récolte des menues-pailles, un levier complémentaire de gestion des adventices à moyen terme »

Après la récolte : définir un plan d’actions

Une fois la récolte de la céréale effectuée, les seules options possibles sont le travail du sol (labour et/ou faux-semis), le décalage de la date de semis sur la céréale suivante et le changement de rotation (en misant sur une culture de printemps ou d’été au lieu d’une céréale d’hiver). Ces deux dernières techniques permettent d’éviter les plages préférentielles de levées des graminées automnales. Toutefois, les vulpins pourront lever en culture comme nous avons pu l’observer lors de la campagne 2024 sur les semis décalés, mais les pressions resteront moins fortes.

Dans tous les cas, il convient de mettre en place une culture pour laquelle des solutions herbicides efficaces sont disponibles, ou une culture très concurrentielle.

A l’interculture, la mise en place d’un labour est particulièrement efficace lorsqu’il est positionné à la suite d’un échec de désherbage de graminées, plus sensibles du fait de leurs Taux Annuels de Décroissance (TAD) importants. Il permettra d’enfouir les graines de l’année et éviter leur levée dans la culture suivante. Il sera d’autant plus efficace qu’il est intermittent, un labour annuel pouvant remonter en surface des graines viables enfouies la campagne précédente.

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