Céréales : faut-il apporter de l’azote au tallage ?
En céréales, les situations sont actuellement très diverses dans la plaine, ce qui nécessite d’adapter ses pratiques de fertilisation azotée. Voici les conseils pour optimiser la conduite des premiers apports selon les dates de semis.
Des reliquats sortie hiver faibles
La pluviométrie record de ce début de campagne a entraîné l’azote minéralisé en novembre-décembre dans les horizons profonds du sol. Cet azote minéral lixivié n’est plus accessible aux racines et ne sera pas valorisé par les cultures. Dans ce contexte, le niveau des reliquats d’azote minéral dans le sol en sortie d’hiver est bas, entre 20 et 40 kg N/ha sur trois horizons. Sur les sols le permettant, une analyse des reliquats azotés permettra de mesurer plus précisément la quantité d’azote disponible pour les cultures (a minima sur deux horizons), de prendre en compte la période pluvieuse de janvier et ainsi, d’optimiser ses apports.
Carte 1 : Cumuls de pluie mesurés entre le 1er octobre 2023 et le 25 janvier 2024 dépassant fréquemment les 400 mm
RGT CESARIO semé au 06/10/2024 à 220 g/m2 en groies moyenne, aucun signe de déficit azoté (photo du 29/01/2024)
Bande double densité RGT CESARIO semé au 24/11/2023 en groies moyenne, aucun signe de déficit azoté (photo du 29/01/2024)
Conduite à tenir pour le premier apport d’engrais azoté
Pour les semis précoces avant le 17 octobre : pas d’urgence
Dans ces situations, les céréales sont bien implantées avec souvent des biomasses exubérantes dont l’apport peut être retardé. Il faut éviter de trop « pousser » ces parcelles qui ont déjà une forte biomasse et d’exacerber les risques de verse et de maladies précoces. La meilleure solution est d’attendre : aucun apport n’est nécessaire avant la fin février malgré les reliquats peu élevés. Les températures douces favorisent suffisamment la minéralisation pour couvrir les besoins encore modérés des céréales à cette époque. Le déclenchement et la détermination de la dose à apporter seront ajustés selon les prévisions météorologiques de fin février.
Pour les semis tardifs après le 20 novembre : prévoir un apport au tallage
Dans ces situations, dont les semis sont échelonnés de fin novembre à début janvier, les appareils racinaires n’ont pas encore exploré les horizons profonds. De plus, les sols hydromorphes sont régulièrement asphyxiés dès le retour de la pluie et les plantes souffrent de l’excès d’eau. Dans ces conditions difficiles, l’enracinement restera déficient et l’absorption d’azote sera pénalisée tout au long du cycle de la culture. Dans ce contexte, un apport au tallage est justifié. Vu l’échelonnement des semis, il faut bien raisonner en stades des cultures et pas en dates calendaires. Pour les semis précoces, on peut envisager un apport à partir du moment où une ou deux talles sont présentes si les conditions climatiques sont réunies (températures douces, pluies annoncées dans les jours suivants) avec une dose allant de 30 à 40 kg d’azote /ha. Inutile de majorer la dose au motif que la culture est mal implantée. Avant le stade épi 1 cm, la céréale a de faibles besoins en azote. Vu le mauvais enracinement, il est préférable d’accompagner les cultures par des apports modérés (moins de 60-70 kg N/ha) réguliers (trois à quatre passages).
Passer sur des sols ressuyés
Dans tous les cas, ne pas apporter d’azote sur des sols saturés d’eau, les plantes n’auront aucune capacité à valoriser l’engrais, les racines sont asphyxiées et n’absorbent pas les nutriments. Déclencher l’intervention que si les conditions climatiques sont réunies : sol ressuyé et non gelé, pluie d’au moins 10-15 mm prévue après l’apport et températures poussantes (température moyenne supérieure à 10°C).
Et pour la suite ?
Réajuster les postes du bilan N
La dose pivot apportée autour d’épi 1 cm devra être ajustée au potentiel des cultures attendu. Dans les parcelles semées tard, et/ou en mauvaises conditions, celui-ci sera revu à la baisse. Il faut minorer toutefois les fournitures du sol du fait des reliquats faibles notamment.
Fractionner et piloter le dernier apport
Pour maximiser l’efficacité de l’engrais apporté, il est essentiel de ne pas tout solder à épi 1 cm et de réserver une partie de l’engrais pour la fin montaison. Le pilotage de la nutrition est stratégique cette année car il permettra d’accompagner au mieux la diversité des situations rencontrées et de réajuster les apports prévus au plus près des besoins des cultures. C’est dans ces situations atypiques que le recours aux outils de pilotage est le plus payant.
Vigilance sur le soufre
Cet élément est soumis au lessivage comme l’azote. Cette année, les situations exposées à une carence seront plus nombreuses.
Tableau 1 : Dose de soufre recommandée en kg SO3/ha
Concernant les apports de phosphore, ils ne seront bénéfiques que sur les sols dont la teneur en P justifie un apport (cf plan prévisionnel de fumure). Un apport n’aura pas capacité à compenser un mauvais enracinement causé par l’excès d’eau. En sol bien pourvu, il n’aura pas d’effet sur le rendement.
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