Céréales : adapter la conduite des semis tardifs
Depuis le 20 octobre, les pluies intenses et quasiment ininterrompues perturbent les chantiers de semis et les premières interventions de protection des céréales. Même si une accalmie est annoncée, il sera nécessaire de patienter encore au moins une dizaine de jours avant de pouvoir espérer intervenir dans les parcelles, notamment pour les plus sensibles à l’excès d’eau. Aussi, convient-il de se questionner sur la conduite des parcelles restant à semer.
La région Pays de la Loire enregistre des cumuls de pluies et de températures très excédentaires depuis le 1er septembre 2023 (figures 1 et 2). Dans ces conditions, certaines parcelles de céréales n’ont pas pu être semées à ce jour. Quelques points de conduite sont alors à adapter pour ces semis tardifs : la densité de semis, les variétés voire les espèces à semer.
Figure 1 : Positionnement de chaque campagne en fonction des cumuls de pluies et de températures (en % de la médiane) sur la période considérée (1er septembre – 20 novembre), site de la Jaillière (44)
Les droites bleues représentent les médianes (horizontale : médiane pluie cumulée ; verticale : médiane température cumulée).
Figure 2 : Cumul de précipitations entre le 20 octobre et le 19 novembre 2023 (en mm)
Semis tardif : quel impact sur le potentiel de rendement ?
Pour des semis retardés à fin novembre, les essais conduits dans la région Pays de la Loire montrent que l’impact sur le rendement peut varier de 0 à -25 % en fonction des conditions d’implantation et des conditions de fin de cycle de mai/juin (figure 3). Pour des semis au-delà de décembre, les pertes de potentiels seront plus conséquentes (de l’ordre de 30 à 40 %).
Ainsi, dans les situations pour lesquelles un semis est difficilement envisageable dans les 15 jours, il conviendra d’évaluer l’intérêt technico-économique de produire une céréale à paille comparativement à une culture de printemps.
Figure 3 : Potentiel de rendement du blé tendre d’hiver en fonction de la date de semis en Pays de la Loire
Source : essais ARVALIS
Adapter la densité à la date et aux conditions de semis
Retarder la date de semis expose les jeunes céréales à un risque de perte à la levée plus important (limaces, hydromorphie à des stades sensibles) du fait d’une levée plus lente. De plus, la phase d’installation hivernale sera réduite, limitant fortement le tallage par rapport à un semis à date classique. Il sera donc nécessaire d’ajuster à la hausse les densités de semis pour les semis tardifs (tableau 1).
Pour les semis réalisés au-delà du 20 novembre, il est préconisé d’augmenter la dose de 1 % par jour de retard par rapport à la date initialement prévue, avec un plafond autour de 400 grains par m².
Tableau 1 : Densités de semis recommandées (en grains/m²) en fonction de la date et des conditions de semis du blé
Blé tendre : faut-il changer de variétés ?
Pour les blés tendres semés jusqu’à la mi-décembre, il n’est pas nécessaire de se préoccuper de l’alternativité. Les variétés seront suffisamment exposées à des températures vernalisantes (entre 3 et 10°C) pour monter à épi. Néanmoins, dans le cas de semis au-delà de la plage conseillée, la parcelle perdra en potentiel car elle sera davantage exposée aux accidents de fin de cycle, notamment à l’échaudage et au déficit hydrique. Aussi, plus la variété semée est tardive à maturité, plus elle risquera d’être pénalisée en cas de semis tardif. On privilégiera donc des variétés précoces à demi-précoces.
Dans le cas de semis très tardifs, au-delà de la mi-décembre, un changement de variété sera recommandé, sans pour autant se tourner immédiatement vers des variétés alternatives ou de printemps. En effet, les variétés de type ½ hiver ou ½ alternatives, mais précoces à épiaison, restent souvent les plus productives pour des semis jusqu’en février, même si elles présentent un retard significatif (de 5 à 10 jours) à l’épiaison par rapport aux variétés de printemps.
Au-delà de février, il faut en revanche basculer sur une céréale de printemps ou une autre culture de printemps, l’orge de printemps étant la plus productive des céréales à paille en semis très tardif (figure 4).
Figure 4 : Potentiel de rendement d’une céréale semée en mars en limon hydromorphe par rapport à un semis d’automne de la même campagne – Synthèse de 3 campagnes à hivers marqués par des excès d’eau 2000, 2013 et 2020 - sites de La Jaillière (44) et de Saint-Fort (53)
Quid de l’orge et du triticale pour des semis de novembre – décembre ?
L’orge est une espèce plus sensible au froid que le blé tendre. Elle est également très sensible à l’anoxie racinaire (manque d’oxygénation des racines lié à un excès hydrique ou une structure de sol dégradée). Passé le 1er décembre, il sera donc risqué d’implanter une orge en hiver. Il sera préférable de se rabattre sur un blé tendre ou un triticale.
Concernant le triticale, les variétés se distinguent par des notes d’alternativité très étalées. Il convient donc de mettre en œuvre la même démarche que pour le blé tendre : si possible, privilégier des variétés de plus en plus précoces à mesure que les semis se tardifient. À la différence du blé tendre, beaucoup de variétés de triticale sont alternatives voire de printemps.
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