Blé : évaluer le risque de fusarioses des épis avant de traiter
Des facteurs agronomiques et climatiques influencent le risque de fusarioses des épis sur blé. Une grille d’évaluation permet de décider si un traitement est nécessaire ou non.
Les champignons responsables des fusarioses de l’épis
Les fusarioses des épis sont dues à des contaminations par des champignons de différentes espèces. On en distingue deux principaux genres : Fusarium et Microdochium. L’observation des symptômes au champ ne permet pas de les identifier, mais l’impact sur la récolte ne sera pas le même selon les espèces de champignons présents.
Fusarium graminearum est l’espèce la plus problématique en raison de sa production de mycotoxines dans les grains, et plus particulièrement de déoxynivalénol (DON). Cette mycotoxine a principalement une toxicité de type chronique : c’est-à-dire que son ingestion à long terme aura des effets délétères, notamment cancérigènes. Des études portant à la fois sur sa toxicité et sur le degré d’exposition des populations amènent à revoir les seuils règlementaires en cours pour l’alimentation humaine. Le niveau maximum est aujourd’hui fixé à 1250 ppb et 1750 ppb respectivement pour le blé tendre et le blé dur. Il pourrait prochainement être abaissé à 1000 ppb pour le blé tendre et 1500 ppb pour le blé dur.
Les facteurs de risque agronomiques et climatiques varient selon le type de champignons.
Pour Fusarium graminearum, le risque est fortement corrélé à la présence d’inoculum présent sur les résidus de cultures du précédent (maïs, sorgho). On peut aussi observer que sa présence est moindre les années avec des sécheresses courant montaison.
Pour Microdochium spp., l’inoculum n’est pas limitant, ce sont surtout les conditions climatiques qui vont avoir un impact.
Pour les deux types de champignons, les conditions de pluviométrie sont déterminantes : pour Fusarium graminearum, la période de contamination est courte, centrée sur la floraison ; alors que pour Microdochium spp., des contaminations peuvent avoir lieu tardivement pendant la première phase de remplissage du grain. Celui-ci est plus présent les années avec un mois de mai frais et pluvieux.
Figure 1 : Facteurs de risque des principaux champignons responsables des fusarioses de l’épi
Des leviers agronomiques efficaces
Les facteurs de risque des contaminations par les mycotoxines de type DON ont été largement étudiés. Une grille d’aide à la décision issue de ces travaux permet de situer le niveau de risque à la parcelle.
Figure 2 : Grille d’évaluation du risque DON dans le grain de blé tendre et d’aide au traitement contre la fusariose sur épi (F. graminearum et F. culmorum)
Figure 3 : Grille d’évaluation du risque DON dans le grain de blé dur lié aux fusarioses sur épi
Recommandations :
Risque a : le risque est minimum et présage d’une bonne qualité sanitaire du grain vis-à-vis de la teneur en DON.
Risques b et c : le risque peut être encore minimisé en choisissant une variété moins sensible ou en améliorant la finesse de broyage des résidus du précédent.
Risques d, e et f : nous vous conseillons de modifier le système de culture pour revenir à un niveau de risque inférieur. Modifier votre rotation ou labourer sont les solutions techniques les plus efficaces et qui doivent être considérées avant toute autre. A défaut, réaliser un broyage complémentaire du broyage sous bec et une incorporation rapide des éléments fins après récolte.
En dehors du climat, les facteurs agronomiques importants à prendre en compte sont :
- les précédents à risque : maïs, sorgho ;
- la gestion des résidus : quantité de résidus présents à la surface ;
- la sensibilité de l’espèce : le blé dur est plus sensible que le blé tendre ;
- la sensibilité variétale : une note est donnée sur la présence de symptômes, l’autre sur la quantité de DON. Les deux sont relativement corrélées, mais certaines variétés peuvent présenter des écarts entre ces deux notes.
Un essai a été mené en 2021 sur le site ARVALIS de Bergerac. Il met en évidence l’impact des facteurs agronomiques pour un climat identique (à noter que l’essai a été brumisé pour favoriser l’évolution de la maladie). Huit modalités ont été testées sur blé tendre combinant un ou deux facteurs de risque (présence de résidus et/ou variété sensible). Le risque agronomique était noté de 2 à 7 selon la grille, 7 étant le niveau maximum. L’efficacité du traitement fongicide appliqué début floraison a aussi pu être évaluée.
Si on considère le plus haut niveau de risque (7), le taux de DON était de 2240 ppb dans les conditions de l’année. Avec une efficacité de 56 %, le traitement fongicide a permis d’abaisser le niveau de DON à moins de 1000 ppb. En conservant une variété sensible, la simple gestion des résidus apporte une efficacité de 61 %, voire de 92 % si elle est combinée à un traitement fongicide à floraison.
A lui seul, le choix d’une variété peu sensible (note DON >= 6) réduit le niveau de DON de 76 %. Combiner gestion des résidus et choix d’une variété peu sensible est efficace à plus de 90 % avec un niveau de DON de 150 ppb. Le traitement fongicide est inutile dans cette situation.
Attention ! En blé dur, les tolérances variétales, même dans des systèmes à risque faible, ne sont pas suffisantes pour éviter une protection phytosanitaire. Sur cette espèce, les systèmes de culture à risque sont à suivre de plus prés afin d’ajuster à la hausse la protection si les conditions climatiques sont favorables au développement des fusarioses.
Figure 4 : Efficacité des leviers agronomiques – essais Bergerac en 2021
Var S : variété sensible à l'accumulation de DON ; Var PS : variété peu sensible à l'accumulation de DON
T : traité ; NT : non traité
Si un traitement doit être envisagé, optimiser son efficacité
En cas de risque agronomique élevé et de pluviométrie à la floraison, un traitement fongicide devra être envisagé.
Choisir des produits polyvalents ciblant à la fois le complexe Fusarium et d’autres maladies foliaires (la rouille brune avant tout). Prosaro reste la référence, mais on peut aussi citer Ampera, Fanfango, Sunorg PRO ou Soleil. A noter l'érosion de l’efficacité au champ des triazoles sur F. graminearum et d’une variabilité de comportement de Microdochium spp. vis-à-vis du prothioconazole.
En solution de biocontrôle, le produit Echiquier n’a pas donné de résultats satisfaisants dans nos essais. Concernant les adjuvants, ils n’apportent pas de résultats significatifs non plus. En revanche, il est recommandé de traiter avec un volume d’eau élevé (150 l/ha minimum), dès la sortie des premières étamines.
Figure 5 : Efficacité des spécialités fongicides sur différentes maladies
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