Désherbage mixte - Binage du blé : un levier complémentaire à ne pas écarter
A l’heure où les problèmes de désherbage ne cessent d’augmenter dans les systèmes céréaliers, un essai ARVALIS, mis en place à l'automne 2016 à Boigneville (91), a permis d’évaluer l’intérêt du binage en sortie d’hiver, en complément des applications herbicides à l’automne.
Pour la campagne 2017/2018, les blés ont été semés le 20 octobre, à 350 grains/m², sur un sol argilocalcaire. Les applications herbicides de prélevée (25/10) et de postlevée précoce (9/11) ont été effectuées dans des conditions favorables à leur efficacité. Dans les témoins non traités, la densité de ray-grass mesurée s’élève à 175 plantes par m2.
Le blé a été semé avec un écartement de 15 cm pour permettre le passage de la bineuse (modèle Garford autoguidé par caméra) entre les rangs. Trois passages de bineuse ont été effectués (tableau 1). Seul le premier a été complété d’un passage de herse étrille (permettant de « casser » les petites mottes et de limiter les repiquages), le blé ayant déjà atteint le stade 2 nœuds lors du second passage.
Tableau 1 : Conditions des passages de bineuse sur l’essai 2018 de Boigneville (91)
Le désherbage tout mécanique moins efficace
Les très bonnes efficacités des passages à l’automne 2017 (post ou pré puis post) limitent l’apport du ou des passages de bineuse.
La modalité tout mécanique, comprenant un passage d’herse étrille en prélevée et 3 passages de bineuse en sortie d’hiver, apporte une efficacité visuelle de 47 %. Malgré une forte réduction de la biomasse du ray-grass (-65 %), sa concurrence très précoce et longue (levée tard au moment des binages) a fortement pénalisé le développement du blé tendre. Comparativement, la biomasse à floraison s’élève à 7,5 t/ha contre 9,5 t/ha pour les trois modalités avec herbicides. Cette concurrence a également impacté l’indice de nutrition azotés (INN), qui atteint 0,67 contre des valeurs comprises entre 0,81 et 0,88 pour les modalités avec herbicides. L’INN du témoin est logiquement plus faible, mesuré à 0,62.
Côté rendements
Les rendements du témoin non traité et du désherbage tout mécanique sont significativement inférieurs à l’ensemble des modalités traitées (en lien avec un nombre de grains/m² et des PMG plus faibles, signe d’une concurrence sur l’ensemble du cycle).
La modalité « tout mécanique » permet d’obtenir un niveau de 56 quintaux, soit un gain de 18 quintaux par rapport au témoin non désherbé.
Les six modalités incluant des applications herbicides sont équivalentes statistiquement. Dans tous les cas, pour les deux solutions chimiques (post ou pré+post), aucun effet négatif n’est observé suite au(x) passage(s) de bineuse. Le blé n’apparaît pas impacté, probablement du fait des bonnes conditions de passage, non limitantes pour la culture, comme les conditions de fin de cycle.
Et en raisonnant à la marge ?
Sans surprise, le ratio « coût / efficacité » le plus favorable est obtenu avec l’application du programme prélevée puis postlevée seul ou complété par un passage de bineuse. Il s’agit des deux modalités avec les plus hauts rendements bruts et dont les coûts restent proches.
A l’instar des efficacités, la modalité tout mécanique est largement en retrait au niveau de la marge : 779 €/ha, soit plus de 200 €/ha de moins que l’ensemble des modalités herbicides.
Figure 1 : Produits – coût herbicides et passages d’outils en fonction des efficacités obtenues – Prix du blé : 160 €/t – Essai 2018 à Boigneville (91)
Ce qu’il faut retenir
Des passages de bineuses adaptés à de faibles écartements sont possibles sans détériorer le rendement, lorsqu’ils sont réalisés en conditions non stressantes pour la culture.
Les gains de cette technique sur des graminées développées sont d’autant plus faibles que le désherbage d’automne a été efficace. Ces gains dépendent des populations et des conditions pédoclimatiques entourant le ou les passages de bineuse.
Enfin, un désherbage uniquement mécanique en culture a de l’intérêt en efficacité et sur le rendement. Il ne permet cependant pas d’atteindre les niveaux des modalités intégrant des herbicides et de gérer totalement les populations importantes en graminées, ce qui implique une augmentation du stock semencier des parcelles.
Le binage en bio, une technique plus efficace ?
En agriculture biologique, la diversité des rotations (incluant souvent de la luzerne notamment dans la moitié nord France), associée à des fournitures en azote du sol souvent assez faibles, limite la présence de graminées nitrophiles. La flore est plus diversifiée en dicotylédones. Certaines d’entre elles, telles que le gaillet, se développent moins, faute d’azote. Les outils de désherbage mécanique sont généralement plus efficaces sur ce type de flore. De plus, le binage n’est qu’un levier parmi tant d’autres dans la gamme des leviers disponibles en bio (travail du sol, semis tardif, broyage des zones infestées…). Des passages précoces en sortie d’hiver permettent de gérer au mieux les adventices tout en favorisant la minéralisation des sols (effet surtout visible en bio en lien avec des apports azotés absents ou très limités par rapport à ceux du conventionnel). En 2018, les conditions climatiques n’ont pas permis d’intervenir tôt, ce qui a pénalisé l’efficacité de ces techniques.
Réagissez !
Merci de vous connecter pour commenter cet article.