Bilan de 2 ans d’essais : les espèces de Cive d'hiver les plus adaptées aux sols superficiels de Bourgogne
Depuis deux ans, ARVALIS évalue des espèces de cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive) afin d’identifier les mieux adaptées aux argilocalcaires superficiels de Bourgogne. Parmi toutes les céréales à paille testées en pure ou en association avec des légumineuses, les seigles fourragers sont les espèces les plus productives avec 6 t MS/ha, pour un semis de mi-septembre et une récolte début mai.
Des projets de méthanisation ont vu le jour ces dernières années dans la région. Au 30 juin 2022, la Bourgogne-Franche-Comté compte 86 unités de méthanisation, dont 13 en injection et 73 en cogénération. Cette nouvelle activité redonne de la robustesse et de la résilience aux exploitations qui font face à des aléas techniques, économiques et climatiques depuis une dizaine d’années. Les agriculteurs voulant s’engager ont un besoin de références techniques sur les sols argilo-calcaires de Bourgogne.
Dans ce cadre, ARVALIS a mis en place un essai à Norges-la-Ville (21) dans une parcelle avec un sol de 30 cm de profondeur, 15 à 20 % de cailloux et une réserve utile de 70 mm. Les mêmes espèces et variétés de Cive d’hiver ont été conduites avec le même itinéraire technique (pas de désherbage et une fertilisation de 110 kg N/ha en deux apports) pendant deux campagnes : les Cive ont été semées le 22 septembre 2020 et récoltées le 12 mai 2021, puis le 17 septembre 2021 et le 10 mai 2022.
Deux années au printemps sec
Sur la période de culture d’une Cive d’hiver (du 15 septembre au 15 mai), les températures moyennes des deux campagnes d’essais sont très proches de la moyenne des 20 dernières années (+0,1°C)
A contrario, le cumul de précipitations se différencie nettement (figure 1).
La première campagne (2020/2021) est dans la moyenne pluriannuelle, avec environ 490 mm sur la période étudiée, alors qu’en 2021/2022, la région a reçu seulement 70 % des précipitations moyennes.
Cependant, même si l’année 2022 est moins arrosée en sortie d’hiver, les deux apports d’azote réalisés à la mi-février et à la mi-mars ont été à chaque fois très bien valorisés.
Figure 1 : Offre climatique entre le 15 septembre et le 15 mai des campagnes 2020 et 2021 par rapport aux températures et pluviométries moyennes enregistrées sur les vingt dernières années – Station météo de Til-Chatel (21)
Ces deux années ont été particulièrement sèches en sortie d’hiver et au printemps. L’évolution de la réserve en eau du sol est très similaire jusqu’à fin avril mais diffère par la suite (figure 2).
En 2021, la réserve de survie du sol a été atteinte très tôt fin mars et sans aucune précipitation au mois d’avril. Le retour des pluies est intervenu fin avril/début mai, laissant quelques jours aux Cive pour augmenter leur biomasse : les Cive récoltées le 12 mai ont produit en moyenne 2 t MS/ha de plus que celles récoltées le 29 avril.
En 2022, la réserve de survie a été atteinte environ deux semaines plus tard, des précipitations de 20-25 mm début avril ayant permis de recharger le sol en eau. Mais, par la suite, les cultures ont subi un stress hydrique important jusqu’à la récolte, engendrant la disparition de talles. Au final, la production de biomasse s’en est trouvée diminuée.
Au-delà de la biomasse des Cive, cette situation hydrique est également préjudiciable pour la culture suivante. En 2021, les pluies du mois de mai avaient permis une levée homogène des cultures suivantes (moutarde de printemps, caméline, tournesol, sorgho grain…). En 2022, les semis ont été réalisés fin mai dans l’attente du retour de la pluie. Les plantes ont eu beaucoup de difficultés à lever et la sécheresse estivale qui a suivi n’a pas permis d’exprimer leur plein potentiel.
Figure 2 : Etat de la réserve en eau des sols de la parcelle d’essai pendant les deux campagnes d’expérimentation
Une dynamique de développement plus rapide en 2022
Avec des températures similaires du semis jusqu’au 15 mars pour les deux campagnes d’essais, le développement hivernal des différentes espèces de Cive testées est identique. Pour un semis de mi-septembre, le stade épi 1 cm apparaît entre le 1er mars et le 15 mars selon les espèces. 2022 est légèrement plus précoce de 2-3 jours (tableau 1).
Par la suite, les mois de mars et avril 2022, plus chauds, expliquent une apparition du stade épiaison plus précoce de 7-8 jours par rapport à 2021. Au moment de la récolte (10 et 12 mai), les Cive se rapprochaient du stade fin floraison en 2022, stade de récolte idéal pour assurer la production de biomasse et limiter les repousses dans la culture suivante.
Tableau 1 : Dates d’apparition des stades épi 1 cm, épiaison et récolte des différentes espèces de Cive testées en 2021 et 2022
Des rendements plus élevés en 2022
En 2022, le rendement des Cive est en moyenne supérieur de 1,2 t MS/ha par rapport à 2021, toutes espèces confondues (figure 3).
Avec un climat sec très similaire entre les 2 années, le gain de biomasse peut être dû à des croissance plus rapides (stades plus précoces) en 2022 et donc des stades à la récolte plus tardifs.
Les seigles semblent plus productifs que les triticales dans ce contexte pédoclimatique sur les deux années (+0,6 t MS/ha). Les variétés de seigle Vitallo (5,5 t MS/ha) et Turbogreen (5,8 t MS/ha) sont plus régulières en rendement biomasse que les triticales. Il semble que les seigles fourrager soient plus adaptés au sol superficiel, plus tolérants au stress hydrique et également moins sensibles aux températures froides hivernale que les triticales.
De plus, la diminution de 20 % des densités de semis en graminées (seigle ou triticale) pour les associer aux légumineuses n’a pas d’impact sur le rendement de biomasse. Il est même supérieur de 0,2 à 0,5 t MS/ha. Cette association est intéressante pour la gestion de la fertilisation azotée à l’échelle de la culture et de la culture suivante, mais également à l’échelle du système par le retour au sol du digestat issus de ces Cive.
Ces essais confirment que l’avoine diploïde est une espèce très exposée au risque de gel dans le quart nord-est de la France ; elle est également sensible au risque JNO (Jaunisse Nanissante de l’Orge).
Figure 3 : Quantités de biomasse sèches par hectare récoltées sur des modalités communes entre 2021 et 2022 – Essai de Norges-la-Ville (21)
L’histogramme représente la biomasse moyenne des deux années et les points, la biomasse de chaque année d’essais.
Il est important de noter que le choix d’une Cive se fait en cohérence avec son système de culture, notamment de la culture principale suivante. La précocité à épiaison, la sensibilité à la verse, la faculté de repousses, la présence de légumineuses, la tolérance aux maladies et ravageurs sont autant de critères à prendre en compte dans le choix de l’espèce et de la variété de Cive.
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