Articles et actus techniques
Champagne-Ardenne

Azote sur blé : se poser les bonnes questions pour la conduite des derniers apports

Alors que le blé tendre est majoritairement au stade dernière feuille étalée, les conditions sèches observées depuis le 8 avril devraient encore se maintenir dans les jours à venir, selon les prévisions. Il est nécessaire de bien raisonner les stratégies de fertilisation azotée, en fonction du type de sol et du niveau de stress hydrique.

Les derniers apports d’azote sur blé en 2022 en Champagne-Ardenne

Hormis de faibles averses récentes sur certains secteurs, l’ensemble du territoire n’a pas bénéficié de précipitations conséquentes depuis le 8 avril (de 30 à 65 mm début avril, avec 40 mm en moyenne au sein du territoire). Néanmoins, les apports d’azote réalisés en légère anticipation du stade épi 1 cm (autour de mi-mars) ont bénéficié d’une bonne valorisation avec des pluies suffisantes (de 10 à 20 mm entre le 10 et 15 mars), de même que les apports réalisés fin mars/début avril (dans une stratégie quatre apports avec un apport à 1 nœud par exemple).

Figure 1 : Cumul de pluie en mars 2022
Cumul de pluie en mars 2022

Figure 2 : Cumul de pluie en avril 2022
Cumul de pluie en avril 2022

La première décade de mai est exempte de pluies (entre 0 et 10 mm dans les Ardennes, la Marne et l’Aube), hormis sur certains secteurs bien spécifiques, principalement en sols superficiels : on citera les stations de Saint-Loup-sur-Aujon (52), Bourdons-sur-Rognon (52), Auberive (52), avec 20 à 50 mm de précipitations. Bien entendu, ces pluies sont locales, à la faveur des couloirs d’orages.

Tableau 1 : Pluie en mm par station météo
Pluie en mm par station météo

A ce jour, le déficit hydrique est marqué (20 et 40 mm) pour les secteurs à sols superficiels du barrois (parcelles sous la réserve de survie) ; en sols profonds, la situation est moins stressante, avec des déficits inférieurs à 20 mm.

La stade dernière feuille étalée marque le début de la période de sensibilité au déficit hydrique : à partir de 40 mm cumulé, le potentiel de rendement peut être affecté. Dès lors que ce cumul est atteint, la pénalité moyenne est de 1,5 à 2 q/ha tous les 10 mm de déficit supplémentaires.

Carte 1 : Déficit hydrique (ETM-ETR), en mm
Déficit hydrique (ETM-ETR), en mm

Sécheresse et apports d’azote : des efficacités pas si basses en solide !

Il est bien connu que les formes d’azote solides sont moins sensibles aux pertes par volatilisation et sont plus efficaces en conditions hydriques limitantes.

Les essais azote de 2020 (forte sécheresse début montaison) apportent des enseignements autour de l’efficacité des apports en conditions sèches.

Les figures 3 et 4 présentent le coefficient apparent d’utilisation (CAU), c’est-à-dire la fraction de l’azote apporté effectivement absorbée par la plante pour :

  • un essai en sol de craie à Saint-Pierre (51) - (< 5 mm de pluie après apport à épi 1 cm),
  • un essai en sol argilo-calcaire superficiel à Crenay (52) - (0 mm après apport épi 1 cm).

L’azote apporté était sous forme solide (ammonitrate).

Figure 3 : CAU essai Saint-Pierre [51-2020]

CAU essai Saint-Pierre [51-2020]

Figure 4 : CAU essai Crenay [52-2020]

CAU essai Crenay [52-2020]

  • Le CAU est compris entre 70 et 95 % en 2020 (60 à 70 % en moyenne) → le CAU n’est pas nul même en conditions sèches.
  • Une pluie tardive permet de récupérer les éventuelles pénalités, surtout en sols profonds.
  • En sols superficiels, l’intérêt d’un troisième apport conséquent est variable, d’autant plus dans un contexte de prix des intrants élevé.

Attention, la situation actuelle n’est pas tout à fait la même qu’en 2020 : le stress hydrique était plus précoce en 2020, avec un retour des pluies conséquentes courant mai.

Adapter la stratégie d’apport ?

Pour aboutir à la meilleure stratégie, il est nécessaire de considérer plusieurs éléments :

  • Le potentiel de production de la parcelle est-il érodé par un stress hydrique déjà installé ?
  • Le stock d’eau disponible dans le sol permet-il de satisfaire l’alimentation hydrique de la culture dans les 10-15 jours à venir ?
  • Le statut azoté de la parcelle est-il satisfaisant ?

Par ailleurs, choisir une forme solide permet de maintenir un certain niveau d’efficacité de l’azote en conditions limitantes.

Situations en sols profonds, sans signes de stress hydrique notables : selon la dose à apporter (plan prévisionnel de fumure avec éventuellement utilisation d’un outil de pilotage), il est judicieux de fractionner l’apport → un passage de prudence de l’ordre de 30-40 kg N/ha (cf partie sur l’efficacité des apports dans le sec), puis apport du solde de la dose à épiaison (en forme solide uniquement), pour tenter de capter d’éventuelles pluies.

NB : pour les parcelles précoces (épiaison dans les prochains jours), il semble pertinent de restreindre cet apport à 30-40 kg N/ha.

Situations en sols superficiels, sans signes de stress hydrique notables (exemple : parcelles ayant reçu récemment de la pluie) : un apport permettant de s’ajuster à la dose prévisionnelle est probablement le meilleur compromis (30-40 kg N/ha). Cet apport peut être positionné jusque gonflement/épiaison, à condition qu’il soit réalisé en solide.

Situations en sols superficiels présentant des signes de stress hydrique marqués : dans les situations très marquées à ce jour, ou qui vont le devenir du fait de l’absence de pluie d’ici fin mai, l’intérêt d’un troisième apport est plus incertain, d’autant plus dans un contexte de prix des intrants élevé. Dans un scénario de retour rapide des pluies, un apport d’une trentaine d’unités est envisageable. Si le temps se maintient réellement au sec, et de surcroît dans des parcelles au stade avancé à cause du stress hydrique, la rentabilité d’un apport n’est pas certaine.

Quelques rappels sur la cinétique de l’azote dans la plante

L’absorption d’azote par la culture au cours de la phase végétative (jusqu’au stade floraison) contribue conjointement à l’augmentation du rendement et de la concentration en protéines des grains, tandis que l’azote absorbé au cours de la phase post-floraison bénéficie très majoritairement à l’accumulation de protéines dans les grains. Ces éléments incitent à ne pas négliger le dernier apport d’azote, dès lors que le potentiel de production n’est pas trop érodé. En effet, même dans des conditions de valorisation non optimales qui retarderont la mise à disposition de l’azote pour la plante, cet élément pourra être valorisé au cours de la phase post-floraison précoce et soutenir la concentration en protéines des grains.

Les essais régionaux ARVALIS des dernières années montrent également que des gains sont fréquents même lors d’un cumul de pluie inférieur à 15 mm dans les 15 jours : la moyenne 2017-2021 se situe autour de + 2,8 q/ha (0 à 5 q/ha) et + 0,8 point de protéines (+ 0,2 à + 1,2) [cf Figure 5].

Figure 5 : Enjeu d’un apport de 40 kg N/ha à dernière feuille, essais ARVALIS 2017-2021

Enjeu d’un apport de 40 kg N/ha à dernière feuille, essais ARVALIS 2017-2021

Les engrais foliaires ne feront pas meilleur effet qu’un apport au sol !

En conditions sèches, les apports foliaires ne sont pas mieux valorisés que les formes traditionnelles. En effet, pour pouvoir être efficace, il est nécessaire d’avoir de bonnes conditions d’hygrométrie afin de permettre une pénétration de l’azote à travers la cuticule, puis une bonne alimentation hydrique de la plante pour que l’azote circule via le phloème. Or, en l’absence de pluies, aucune de ces conditions n’est réunie. Les essais réalisés ne montrent pas de gains des engrais foliaires dans ces conditions.

Réagissez !

Merci de vous connecter pour commenter cet article.

Se connecter
Ou connectez-vous avec
Pas encore inscrit ?
Créer un compte
Mot de passe oublié

Un email vous sera envoyé pour réinitialiser votre mot de passe.