Agroforesterie : comment ARVALIS mesure l’influence des arbres sur les céréales
L’agroforesterie fait partie des stratégies régulièrement évoquées pour adapter la production agricole au changement climatique. À travers le projet CLIMAF-PACA, ARVALIS engage de nouveaux travaux pour mieux comprendre son potentiel rôle sur les céréales et leur environnement proche.
À Vinon-sur-Verdon, dans le Var, Guillaume Joubert cultive depuis 2020 une parcelle de 12,5 ha en agroforesterie. Des haies multispécifiques et multistrates de 250 m linéaires et espacées de 70 m cohabitent avec des grandes cultures irriguées. « Mon objectif est à la fois de briser le vent très chaud qui souffle ici presque quotidiennement en été, et de créer des corridors de biodiversité pour réduire la pression campagnols », explique l’agriculteur qui cultive au total environ 100 ha en grandes cultures et 3 ha en maraîchage. Cette parcelle en agroforesterie est l’une des deux plateformes sur lesquelles s’appuient ARVALIS et ses partenaires1 pour mener le projet CLIMAF-PACA (2022-2024, financé par le FEADER et la région Sud-PACA) ; dont la finalité est de caractériser l’impact des haies et des arbres sur les cultures de céréales. La seconde se trouve au Lycée agricole d’Aix-Valabre, et est composée d’amandiers espacés de 25 m, avec un objectif premier d’amélioration des revenus dans un système céréalier sans irrigation. Un système de haies de cyprès brise-vent, traditionnel de la Vallée du Rhône, et un réseau de parcelles chez différents céréaliers de la région complètent le dispositif.
Microclimat, fertilités, biodiversité et performances technico-économiques à la loupe
À l’aide de capteurs (anémomètre, hygromètre, thermomètre, sondes capacitives) placés à différentes distances de la haie afin d’en apprécier la zone d’influence, les chercheurs mesurent le rayonnement, la température, la pluviométrie, l’hygrométrie ou encore l’humidité du sol. Ces paramètres sont indispensables à évaluer car ils influencent directement les composantes de rendement des céréales. Des mesures de matière organique, de biomasse microbienne et des profils de sols permettant de quantifier les stocks de carbone et d’évaluer les enracinements des arbres et des cultures complètent la batterie d’analyses. Objectif ? Evaluer l’impact des haies sur les fertilités chimique, biologique et physique des sols. Quelques indicateurs de biodiversité fonctionnelle (auxiliaires) ou non (ravageurs des cultures) sont également référencés. Enfin, les performances technico-économiques des exploitations à court terme (surplus de temps de travail et surcoûts, impact sur le rendement des cultures compagnes) et à moyen terme via la simulation des interactions arbres-cultures, font l’objet d’un axe de travail dédié.
Un suivi spatial et temporel de l’impact de la haie grâce aux données satellitaires
D’autres outils et technologies, comme les drones ou les images satellites, sont également mobilisés pour caractériser les cultures tout au long du cycle (nombre d’épis/m², hauteur des plants, surface foliaire (LAI), quantité de végétation (NDVI) etc.) Ces données sont couplées à des mesures de rendements localisés (figure 1).
Figure 1 : Évaluation de la zone d’influence de haies brise vent de cyprès (17 m de haut et espacées de 52 m) sur une culture d’orge de printemps par des mesures de NDVI au satellite Planet - Intégration du 02/04/2023 au 10/06/2023
En rouge, les zones de plus faible croissance de la culture sont principalement au nord des haies du fait de l’ombrage subi. Au sud des haies, on constate aussi un impact qui s’explique par la compétition pour l’eau entre la culture et les arbres.
Après une première année d’acquisition de références, il semble que les données satellitaires Planet (résolution à 3 m et données journalières) soient un bon moyen de suivre spatialement et dans le temps l’évolution de l’impact de la haie. En revanche, la caractérisation de la haie (hauteur, intensité de feuillage) nécessite des mesures de terrain par drone ou perche LITERAL. En reliant les données de phénotypage à celle d’envirotypage (microclimat, teneur en eau, fertilités des sols…), il est alors possible de comprendre finement les mécanismes explicatifs du comportement des céréales en systèmes agroforestiers.
« Disposer d’éléments concrets pour obtenir davantage de financements »
Une deuxième campagne d’acquisition de références dans un réseau de parcelles du sud-est de la France est en cours, avec pour objectif de caractériser les interactions arbres-cultures. Au-delà de pouvoir conforter scientifiquement ses observations, Guillaume Joubert espère que le projet CLIMAF-PACA permettra au secteur agricole de disposer d’éléments concrets afin de débloquer davantage de financements publics ou de réorienter les aides PAC vers ces systèmes agroforestiers. « Il faut que l’agroécologie sorte du langage purement politique, et que l’on soit mieux soutenu dans cette transition », argue-t-il.
En France, la surface en agroforesterie, essentiellement des prés-vergers et des haies, est estimée à 1,6 million d’ha2, soit environ 5,5 % de la Surface Agricole Utile (SAU) totale.
1 Outre ARVALIS : INRAE, Agroof, Hiphen, Chambre d’Agriculture 13, GR CIVAM PACA, Parc Naturel Régional du Verdon, Lycée Agricole d’Aix-Valabre
2 Agroforesterie : des arbres pour une agriculture durable | INRAE