Tassements du sol : de la prévention à la correction
Il est important de distinguer deux types de tassements : les tassements superficiels, qui vont concerner les 10 premiers centimètres du sol, et les tassements plus profonds (au-delà de 20 cm). Quelles sont les pratiques favorables aux tassements ? Comment peut-on les prévenir ou les corriger ?
Le tassement, ou compaction du sol, peut apparaître à l’occasion de phénomènes naturels (pluies intenses en sols battants par exemple), et lors de passages plus ou moins nombreux des engins agricoles. Il réduit l’aération du sol et l’infiltration de l’eau. Ces altérations pénalisent globalement le fonctionnement du sol. Le système racinaire devient inefficace à cause d’une moindre exploitation du sol, à la fois en volume et en profondeur. D’autres facteurs biologiques, tels que la faune lombricienne, peuvent être perturbés, voire bloqués dans leur activité, avec une réduction des effectifs. Or, les galeries de vers de terre notamment sont importantes pour le cheminement des racines dans les horizons profonds, sources d’alimentation hydrique entre autres.
5 à 30 % de pertes de rendement en sol tassé
Un tassement se produit lorsque la résistance du sol ne permet plus de supporter le passage des engins sans dégrader profondément la qualité structurale du sol. Cette qualité dépend du maintien de la porosité du sol. Les pores sont créés par le travail du sol, la présence de micro fissures, l’activité des vers de terre ou encore le passage d’anciennes racines.
Des expérimentations ont mis en évidence l’impact de la dégradation structurale occasionnée par des passages répétés aux mêmes endroits, sur le rendement de différentes cultures. Selon la culture et le système pratiqué (irrigué ou non), les pertes de rendements peuvent aller jusqu'à 30 % (figure 1).
Figure 1 : Effet du tassement du sol sur le rendement selon les espèces et leur période d’enracinement
Les points rouges sont les moyennes, les autres points correspondent aux résultats mesurés.
On distingue deux types de tassements : les tassements superficiels, qui vont concerner les 10 premiers centimètres de sol, et les tassements plus profonds, localisés à 20-30 cm de profondeur voire au-delà. Les premiers sont surtout provoqués par la succession de nombreux passages, et sont beaucoup plus présents lorsque des pneus étroits sont utilisés ou lorsque la pression exercée sur le sol est élevée. Pour les tassements profonds, c’est l’humidité du sol qui entre d’abord en jeu, puis le poids total de la machine. Plus le poids est important, plus le tassement se propagera en profondeur.
La régénération naturelle des horizons tassés, qu’ils soient superficiels ou profonds, est lente. Elle nécessite au moins six mois dans les meilleurs cas. Mais un tassement situé en profondeur ne peut être récupéré par les opérations culturales habituelles.
Des moyens de prévention doivent ainsi être mis en œuvre. Ils vont contribuer à augmenter la résistance du sol ou à limiter la contrainte appliquée. Un des facteurs clé est d’attendre, avant d’entrer sur une parcelle, que le sol soit suffisamment ressuyé. Il doit être à l’état friable, en surface mais également dans les horizons sous-jacents.
Comment limiter la contrainte appliquée ?
La réduction de la charge des engins agricoles doit rester une priorité
La contrainte appliquée sur le sol est liée à la charge, c’est-à-dire au poids soutenu par chaque essieu, et à la surface de contact sur laquelle elle est répartie. L’équipement du tracteur devient alors prépondérant pour répartir cette charge sur la plus grande surface possible. Plusieurs études récentes ont montré que la charge à un impact déterminant sur la profondeur de tassement. Avec le poids actuel des machines (matériel de récolte et de transport notamment), des zones de compaction sont régulièrement observées sous les traces de roues jusqu’à 40, voire 50 cm de profondeur.
Le choix des pneumatiques et de leur pression va surtout influencer les tassements de surface : les équipements tels que les pneus basse-pressions, les pneus larges, les roues jumelées ou les chenilles limitent la formation d’ornière. Par contre, ils ne peuvent pas empêcher le tassement de se produire en profondeur si le matériel est trop lourd (figure 2). Or au-delà de 20 cm, il est plus compliqué d’aller récupérer les tassements.
Il faut donc rester dans une certaine limite de charge même avec des pneumatiques performants – quitte à passer plusieurs fois avec une charge plus légère - et réduire au minimum la circulation des matériels lourds dans les parcelles pour éviter, à tout prix, les tassements profonds.
Figure 2 : Représentation des bulbes de compaction sous un pneu étroit ou large en fonction de la charge
Simulation réalisée par Agro-Transfert avec l’outil Terranimo
Pneus basse pression ou roues jumelées ?
Lorsque les conditions sont assez humides (les plus problématiques), les pneus basse pression (à condition de vraiment baisser la pression) apportent de meilleurs résultats. Par contre, si le sol est un peu mieux ressuyé, en conditions plus sèches, les roues jumelées sont plus intéressantes, à condition de bien utiliser des roues et pneumatiques strictement identiques et toujours adapter correctement la pression des pneumatiques.
Utiliser le téléglonflage à bon escient
Le télégonflage offre la possibilité d’adapter la pression du pneu selon l’opération culturale et le type de pneumatique équipant le tracteur. Cette nouvelle technologie, encore très peu répandue, permet une adaptation rapide de la pression de gonflage à l’utilisation du pneumatique, sur route ou en parcelle agricole. La déformation du pneu, engendrée par une pression réduite, accentue la surface de contact au sol, grâce à une déformation dans le sens latéral et longitudinal. Cette caractéristique est spécifique aux pneumatiques adaptés à cette technologie. Au-delà d’une certaine charge, en fonction de la pression minimale que le pneu peut supporter, il n’y aura plus de déformation. La pression au sol et le tassement augmentent alors avec un risque de dégradation de la structure du pneu.
Une déviance de ces nouvelles technologies serait d’amener à faire circuler des charges toujours plus importantes. Elles accentueraient alors les phénomènes de tassement en profondeur. Afin de conserver les bénéfices du télégonflage, il convient de garder une réserve de charge que le pneumatique est capable de supporter.
Comment augmenter la résistance du sol ?
La résistance d’un sol, et donc le maintien de sa porosité, dépend principalement de la texture (proportion de sable, de limons et d’argile), de la teneur en matière organique et de l’humidité du sol. Les sols limoneux sont ainsi plus sensibles aux tassements naturels que les sols argileux.
Pour augmenter la résistance du sol, on peut chercher à l’enrichir en matière organique par l’apport d’amendements organiques, par la restitution des résidus de culture ou encore par la mise en place de couverts végétaux. Ces derniers contribuent aussi à accélérer le ressuyage du sol en consommant l’eau qu’il contient. A contrario, après destruction du couvert, les résidus peuvent limiter l’évaporation superficielle et favoriser le maintien de l’humidité, conduisant à un risque plus élevé de tassement superficiel (observé surtout en semis direct).
La portance du sol varie également en fonction du type de travail du sol : plus le sol a été récemment travaillé, plus il est sensible au tassement. A l’inverse, en semis direct, les risques de tassement sont moindres : une nouvelle organisation du sol, à travers une plus grande continuité des horizons, améliore la résistance du sol à la compaction. En revanche, lorsqu’un tassement se produit, il est plus pénalisant, les possibilités de régénérations mécaniques étant réduites.
Il apparaît également important de concevoir des systèmes de culture qui prennent mieux en compte les phénomènes de compaction en particulier lors des périodes les plus critiques (implantation, récolte, épandage organique etc…).
Comment régénérer un sol compacté ?
Lorsque le tassement du sol est trop important, c’est-à-dire lorsque des pertes de rendement sont observées ou que le sol devient asphyxiant, il est nécessaire d’entreprendre une remise en état.
Les tassements sur l’horizon 0-10 cm peuvent être corrigés rapidement avec un travail superficiel du sol.
Vers 15-20 cm, il faudra se tourner vers un labour, un décompactage ou un pseudo-labour pour restructurer ces horizons-là.
En revanche, pour des tassements entre 30-50 cm, il n’y a pas de moyens d’intervenir mécaniquement. Il faut alors compter uniquement sur l’activité biologique du sol ; cette régénération naturelle demande alors plusieurs années avant un retour à l’état initial.
Certaines cultures peuvent aussi recréer de la porosité avec leurs racines, à condition que la plante soit là pendant suffisamment longtemps, c’est-à-dire au moins un an. En semis direct, dans une situation favorable, il a fallu deux ans de présence de couverts végétaux pour retrouver une porosité équivalente au système labouré. Lorsque le sol a été tassé en profondeur, le temps nécessaire pour récupérer l’ensemble de ses fonctionnalités peut être bien plus long (jusqu’à 10 ans).
Quelques règles à suivre pour un décompactage efficace
Le décompactage doit rester une opération ponctuelle. Sa nécessité est à confirmer par une observation du sol via un profil cultural ou le « test bêche » ou le « mini-profil 3D ». Ce diagnostic déterminera la profondeur de l’intervention. Le sol devra impérativement être dans un état friable au moment de l’opération, sur toute l’épaisseur à travailler, pour que le travail puisse être efficace et sans risque.
L’extrémité des dents de l’outil devra se situer, en moyenne, 10 cm sous la zone à décompacter. Une attention particulière sera à apporter aux réglages afin de limiter le bouleversement de surface, sous peine de remettre en cause l’utilité de cette opération. Il faut préférer par exemple des outils de type « dents Michel, Agrisem, Durou ou encore Actisol » qui fissurent le sol en limitant le risque de bouleversement des différents horizons.
Dans la mesure du possible, il est recommandé d’implanter un couvert végétal afin de favoriser une colonisation racinaire de la fissuration obtenue et de maintenir la structure nouvellement créée, en évitant une reprise en masse hivernale.
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