Une céréale pérenne bientôt cultivée en France ?
Depuis 2020, ARVALIS et ses partenaires étudient le potentiel de développement en France d’une céréale pérenne cultivée en Amérique du Nord, le Kernza. Le point sur ces travaux de recherche qui composent le projet CERPET, et qui arrivera à son terme fin 2024.
Peu consommatrice d’eau grâce à ses racines capables de plonger à plus de deux mètres de profondeur, résistante à la plupart des maladies et ravageurs, productrice de graines et de biomasse… Et surtout pérenne, donc qui ne se sème qu’une fois. Les atouts affichés du kernza ont de quoi susciter l’attention. Mais cette plante, originaire d’Eurasie et aujourd’hui cultivée en Amérique du Nord, remplit-elle ces promesses, et pourrait-elle se plaire en France ? C’est la question sur laquelle ARVALIS, l’ISARA, l’INRAE et Secobra Recherches planchent dans le cadre du projet CASDAR CERPET(*).
Le kernza, un « ovni agronomique »
L’idée initiale est de cumuler la capacité du Kernza à produire des grains et/ou du fourrage avec les bénéfices agroécologiques d’une culture pérenne (installation d’une biodiversité dans la parcelle, stockage de carbone, limitation de l’érosion, moindre travail du sol, éventuellement meilleure stabilité de la production). Il s’agit donc de se confronter à une espèce mal connue, hors des cadres habituels de l’expérimentation agronomique des grandes cultures.
« Le kernza est un ovni agronomique qu’il est difficile d’étudier dans un protocole expérimental standard. L’approche écophysiologique a tout son sens », explique Jean-Charles Deswarte, spécialiste en écophysiologie chez ARVALIS. Initialement, les chercheurs envisageaient de mettre en place des microparcelles d’essais dans trois stations expérimentales françaises. Mais les difficultés à implanter puis à conduire la culture les ont conduit à davantage de recherche participative en impliquant des agriculteurs, pour multiplier les contextes d’étude, et valoriser les idées issues des producteurs.
Des freins importants au déploiement de la culture
Après trois ans d’essais, les premiers résultats tendent plutôt vers un potentiel de développement du kernza limité dans les territoires français. « Comme c’est une plante pérenne, son objectif est de survivre dans le temps. Elle est par conséquent peu productive en grains : la biomasse produite est massivement allouée aux racines et aux rhizomes, et le développement important de la végétation favorise la verse », analyse l’ingénieur. Les grains sont petits et vêtus : ils nécessitent donc des étapes de décorticage, et le taux d’extraction de la farine est faible. Mais un travail de sélection pourrait permettre d’améliorer progressivement ces paramètres.
Le double usage (graines pour l’alimentation humaine et fourrage pour l’alimentation animale) au cours d’une même année n’a pas pu être démontré. « L’espèce n’est pas assez alternative, elle ne remonte pas à épi après une fauche ou un pâturage. Dans nos essais, une année = une production », poursuit Jean-Charles Deswarte.
Une réflexion sur l’intérêt des céréales pérennes
Plutôt que de voir la benne à moitié vide, Jean-Charles Deswarte souhaite mettre l’accent sur l’intérêt de ce type de projet très innovant. « Le Kernza tel que nous l’avons étudié n’est pas adapté, mais un travail de sélection pourrait faire progresser cette espèce. Et au-delà du Kernza, le projet CERPET étend la réflexion à l’évaluation de l’intégration de toute nouvelle espèce dans nos systèmes de production : comment décrire la physiologie et la croissance d’une espèce inconnue, rapidement identifier les freins culturaux et les leviers techniques à activer, imaginer la valorisation des produits, une filière… », développe l’ingénieur. C’est pour cela que la dernière étape du projet sera de dresser un portrait-robot des caractéristiques physiologiques de ce type de nouvelle culture, pour une adoption dans des contextes ouest-européens.
Pour l’heure, aucune semence n’est actuellement disponible pour le développement ou la production agricole, le Kernza ayant été étudié dans le strict cadre d’un projet de recherche, en collaboration avec l’organisme développeur du Kernza.
(*) Cerpet pour CERéales PErennes pour une Transition agro-écologique des systèmes de culture).
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