Céréales d'hiver : retour sur les faits marquants de la campagne 2021/22
La récolte 2022 se caractérise par de fortes hétérogénéités en Lorraine, avec notamment d’importantes variations de rendement selon la réserve utile. En moyenne, les rendements des céréales d’hiver sont corrects, tout comme le poids spécifique (PS). Quant au PMG moyen, il atteint quasiment la référence historique.
Plusieurs grands éléments marquent la campagne 2021-2022 en Lorraine :
- Un automne-hiver doux et modérément humide permettant une bonne implantation des céréales ;
- Des fournitures du sol en sortie d’hiver moyennes à élevées ;
- Des premiers apports d’azote en montaison bien valorisés grâce aux précipitations, des 3e apports compliqués ;
- Un stress hydrique qui s’installe dès le mois d’avril en sol à faible réserve utile entrainant des régressions de talles ;
- Un très bon quotient photothermique entre 2 nœuds et floraison favorable à la mise en place du nombre d’épillets, permettant de maintenir le nombre de grains/m2 ;
- Une offre climatique permettant d’atteindre l’optimum de photosynthèse en début de remplissage et le maintien du PMG.
Du semis à épi 1cm : un automne propice mais un tallage écourté
Avec des conditions plutôt favorable aux semis en début d’automne, notamment sur la seconde décade d’octobre, la bonne dynamique de levée et de croissance des céréales d’hiver permet une implantation homogène. Quelques problèmes de structures sont relevés en lien avec les conditions météorologiques de la campagne 2020-2021 et notamment l’humidité lors de la récolte.
Les applications de désherbage sont réalisées dans de bonnes conditions, gage d’une efficacité optimale. La pression des ravageurs d’automne tels que les pucerons est relativement faible. Grâce aux conditions favorables à la minéralisation cet automne et aux cumuls de pluies hivernales proches de la moyenne (carte 1), les résultats de reliquats sont proches de ceux observés en moyenne ces dernières années, voire supérieurs. Aucun épisode de gel intense n’est relevé.
La sortie d’hiver et la reprise de végétation se déroulent sous des conditions chaudes et sèches, réduisant la période de tallage. La valorisation des premiers apports d’azote est assez contrastée en fonction de la localisation et de la période d’apport. Le stade épi 1cm apparaît autour du 30 mars en blé tendre d’hiver avec quelques jours d’avance par rapport à la moyenne pluriannuelle.
Carte 1 : Cumul de pluies (en mm) du 1er octobre 2021 au 10 mars 2022 en Lorraine
D’épi 1 cm à floraison : la sécheresse perturbe la montaison
En ce qui concerne le blé, le nombre de tiges à plus de trois feuilles et la biomasse sont en retrait par rapport à la référence historique régionale. Début mars se caractérise par un climat sec avec de fortes amplitudes thermiques. La pluviométrie enregistrée du 20 mars jusqu’à début avril permet de valoriser convenablement les apports d’azote encadrant le stade épi 1 cm, assurant une bonne nutrition pour amorcer la montaison (tableau 1).
Tableau 1 : Cumul des pluies (en mm) dans les 15 jours suivant un apport d’azote, selon la station météo et la date d’apport
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Un coup de froid survient début avril avec des températures avoisinant les -5°C/-6°C sous abri, mais n’entrainant que peu de dégâts. La tempête Diego début avril est suivie par une période sèche. En particulier, le mois de mai comptabilise 22 mm sur la station Météo France de Metz-Frescaty contre 62 mm en moyenne (carte 2).
Carte 2 : Cumul de pluies (en mm) du 10 avril au 31 mai 2022 en Lorraine
Une régression du nombre de talles montant à épi est alors observable, probablement en raison des conditions météo sèches. De plus, le stress hydrique s’installe dès le mois d’avril en sols superficiels , puis au mois de mai pour les sols plus profonds (figure 1).
Figure 1 : Bilan Hydrique (en mm) Irré-LIS® pour une parcelle de blé tendre semée le 10/10/21 avec la variété Chevignon à Metz en limon argileux profond hydromorphe (100 mm de réserve utile) du 28 mars au 13 juin
Peu de maladies sont présentes en début de montaison, excepté un peu de septoriose, qui reste contenue aux feuilles du bas en raison du printemps sec.
De la floraison à la récolte : la sécheresse persiste
Avec 502°C, le cumul de températures moyennes sur le mois de mai est anormalement chaud puisqu’il est supérieur au 4e quintile. En comparaison, la médiane est de 432°C. Ces températures élevées entraînent de fortes évapotranspirations des plantes, alors que le facteur eau est déjà limitant.
Les blés débutent leur épiaison vers le 15 mai avec près d’une semaine d’avance. Ils démarrent leur remplissage autour du 21 mai sur la majorité de la région. Le remplissage des grains se déroule en grande partie grâce au phénomène de photosynthèse. L’optimum de photosynthèse se trouvant autour de 14°C, c'est à cette température que l’accumulation est maximale et que le potentiel de PMG est maintenu. L’optimum de photosynthèse est atteint cette année en Lorraine puisque les températures autour de la floraison sont en moyenne de 15°C.
Faible densité d’épi en blé tendre
Les densités d’épis sont correctes en orge d’hiver (moyenne de 600 épis/m²), en retrait en blé tendre d’hiver (moyenne 550 épis/m²), et sont très variables selon le type de sol (figure 2). Certains secteurs cumulent un tallage en retrait et une montée à épis difficile compte tenu du stress hydrique.
Figure 2 : Densités épis en orge d’hiver et blé tendre d’hiver sur le réseau régional ARVALIS
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Parfois des compensations par la fertilité épis
Un second indicateur permet de caractériser l'offre climatique : le quotient photothermique, c’est-à-dire le ratio [Rayonnement global / température]. L’effet combiné de ces facteurs influe sur la croissance et le développement des plantes, ce qui favorise le nombre d’épillets fertiles. La campagne 2022 se positionne au-dessus de la médiane, proche du décile 8 ce qui signifie que le quotient photothermique à montaison est excellent. Cela peut compenser une partie de l’impact d’un stress hydrique (figure 3). C’est le cas en sols profonds, avec des fertilités épis supérieures à la moyenne. Néanmoins, dans les situations où le stress hydrique est précoce et/ou intense, les densités épis et la fertilité épis peuvent toutes deux être impactées. Finalement, en orge d’hiver, la fertilité globale est correcte voire bonne, tandis qu’elle est davantage centrée sur la moyenne en blé tendre d’hiver. Certains sites décrochent à moins de 15 000 grains/m².
Figure 3 : Quotient photothermique à montaison pour la variété Chevignon semée le 1er octobre – St Hilaire (55)
PMG conforme à l’historique, voire inférieur
En ce qui concerne la dernière composante de rendement en orge d’hiver, les mesures de PMG réalisées à mi-remplissage montrent des valeurs centrées sur la moyenne, voire légèrement inférieures : les conditions sèches et chaudes (T°C supérieures à 25°C) de la mi-mai ont pu limiter la taille des enveloppes et donc freiner la cinétique de remplissage dès le départ. La seconde phase de remplissage se poursuit dans des conditions idéales de rayonnement et de températures, mais toujours dans un contexte de stress hydrique, malgré un retour des pluies fin mai-début juin. Finalement, les PMG sont très hétérogènes selon les sites, et s’établissent à 39 g en moyenne.
En blé tendre d’hiver, la première phase de remplissage se déroule sous des températures fraîches et favorables. La seconde phase de remplissage est marquée par cinq jours avec T°C max > 30°C. Selon la précocité des parcelles, ce coup de chaud est intervenu entre grain laiteux et grain pâteux, au moment du palier hydrique (stade très sensible). Les sites les plus précoces semblent épargnés. Les résultats des années passées rappellent que : 1 jour avec Tmax > 30°C = - 1 g PMG. Finalement, sur notre observatoire régional, les PMG sont centrés sur 41 g, proches de la moyenne historique, voire inférieurs, particulièrement en sols superficiels (figure 4).
Figure 4 : Evolution du PMG durant le remplissage des blés
Moissons précoces, rendements hétérogènes, PS corrects
Sans surprise, l’année étant très précoce, les premières récoltent débutent dans certains secteurs autour du 20 juin et se terminent un mois plus tard. L’absence de précipitation permet de réaliser les moissons dans de bonnes conditions. Les rendements sont quant à eux très hétérogènes et liés au niveau de stress hydrique cumulé durant le printemps. Les orges d’hiver plus précoces que les blés tirent plutôt bien leur épingle du jeu avec un rattrapage inhabituel en fin de cycle. Les PMG sont alors maintenus, tout comme les calibrages, qui sont plutôt corrects.
En blé, les rendements s’échelonnent également en fonction de la profondeur et du type de sol. Une forte variabilité est observable avec des rendements allant du simple au double au sein d’une même parcelle. Les semis tardifs ont davantage souffert de la sécheresse. Les PS sont proches de la moyenne supérieure, mais varient selon les sites.
Cette année, la classique courbe de dilution de la protéine au regard de la productivité est observable. Néanmoins, des couples rendement-protéines surprenants sont observés en plaine : faibles rendements et teneurs en protéines modérées, forts rendements et malgré tout teneurs en protéines qui ne s’effondrent pas. Les stratégies d’apport d’azote, l’efficience des apports et la capacité de remobilisation de l’azote et des sucres en fin de cycle (liée à l’intensité du stress hydrique) peuvent expliquer ces phénomènes surprenants.
Dans certains cas cette année, le stress hydrique a induit un défaut d’absorption azotée pendant la montaison. En effet, en plus des conditions de valorisation de l’engrais, il faut que la plante continue de transpirer pour absorber l’azote du sol. Par conséquent, les Nabs floraison sont un peu en retrait (à la fois une biomasse un peu faible, et des INN peu élevés). Ce phénomène est d’autant plus accentué lorsque la dose d’azote apportée à montaison a été réduite (absence de précipitation, contexte économique).
Les retours ponctuels de pluie (avec les orages de mai-juin) ont permis aux situations tardives et pas encore trop affectées d’absorber l’azote minéral qui s’était progressivement accumulé dans le profil par minéralisation. L’azote alors absorbé après l’épiaison n’est pas bloqué dans les structures végétales pérennes. Au contraire, il rejoint un pool d’azote et de sucres remobilisables qui migrent efficacement vers les grains.
Les reliquats des sols profonds ont potentiellement pu être complètement valorisés (pas de lessivage tardif, absorption de l’eau jusqu’au fond du profil).
En l’absence de maladies, on constate qu’il y a plus d’azote au total dans les grains (Nabs grain/ha), sans doute parce que la remobilisation de l’azote en fin de cycle est plus complète.
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