Résistance du mildiou aux fongicides : réduire les doses accélère-t-il le processus ?
Afin de réduire les impacts négatifs des produits phytosanitaires sur l’environnement et la biodiversité, la réduction de la dose de fongicide est recommandée lorsque cela est possible. Cette dernière est souvent désignée comme responsable de l’apparition de résistance aux fongicides dans le cas de la souche de mildiou de la pomme de terre identifiée au Danemark. Mais l’est-elle vraiment ?
La résistance à un fongicide est la capacité héritable d’un agent pathogène à survivre à un traitement appliqué correctement. La résistance préexiste (ou non) à l’application d’un fongicide au travers de la diversité génétique de la population de pathogène. « Un traitement ne « fabrique » pas la résistance mais la sélectionne », selon Anne-Sophie Walker, ingénieure de recherche à l’Inrae de Paris-Saclay.
Des individus résistants peuvent être présents dans une population sans qu’il y ait échec de traitement : c’est le cas lorsque la fréquence de ces individus résistants est faible. Cependant, après des traitements répétés, génération après génération, la fréquence des individus résistants augmente et conduit à une perte d’efficacité au champ. On parle alors de résistance en pratique.
Un traitement fongicide exerce une pression de sélection sur les populations de pathogène. C’est-à-dire qu’il favorise les génotypes les plus résistants au fongicide appliqué.
Augmenter la dose augmente la pression de sélection
A taille de population et à nombre de traitement égaux, une forte dose exerce une plus forte pression de sélection qu’une plus faible dose (van den Bosch et al., 2011). Une dose plus forte favorise les individus les plus résistants qui s’établissent plus facilement dans la population. Ces observations sont particulièrement vérifiées dans le cas d’une résistance monogénique par mutation de cible, comme pour la résistance à la mandipropamide de la souche de mildiou présente au Danemark.
Figure 1 : Evolution de la fraction d'individus résistants dans la population de pathogène après application d'un fongicide
Sources : d’après van den Bosch (2011) adapté et traduit par ARVALIS
Tcontournement est le temps écoulé depuis l’introduction du fongicide jusqu’à ce que la population résistante représente 60 % de la population totale. La population résistante s’installe plus vite dans la population lorsque la dose est élevée.
Adapter la dose sans perte d’efficacité
Diminution de dose ne veut pas nécessairement dire perte d’efficacité. En effet, la dose réduite peut rester efficace soit seule ou soit associée à un partenaire de mode d’action différent, pour constituer une stratégie de protection crédible.
La réduction de la dose doit aussi se raisonner en fonction de la pression mildiou. Bien évidemment, diminuer la dose face à une pression trop forte ou en curatif constitue un risque de manquer d’efficacité et de rencontrer des difficultés à contrôler la maladie par la suite.
La modulation de la dose peut aussi se faire en fonction de la variété pour valoriser la résistance variétale. En effet, diminuer la dose fongicide sur une variété de moindre sensibilité permet de diminuer à la fois le risque de résistance aux fongicides (la résistance variétale agissant comme un autre mode d’action) et le risque de contournement des gènes de résistances de la plante (Carolan et al., 2017). Cette stratégie a donc toute sa place dans une démarche de protection intégrée des cultures, visant en amont à réduire la taille de la population par la prophylaxie. Adaptation de la dose ou non, il faut toujours veiller à respecter les bonnes pratiques de protection des plantes.
Sources :
van den Bosch, F., Paveley, N., Shaw, M., Hobbelen, P. and Oliver, R. (2011), The dose rate debate: does the risk of fungicide resistance increase or decrease with dose ? Plant Pathology, 60: 597-606.
Carolan K, Helps J, van den Berg F, Bain R, Paveley N, van den Bosch F. 2017, Extending the durability of cultivar resistance by limiting epidemic growth rates. Proc. R. Soc. B 284: 20170828.
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