Réserve en eau du sol : « augmenter la matière organique, c’est bien, éviter le tassement, c’est mieux »
Après une campagne 2022 particulièrement sèche, le stress hydrique et son impact sur les cultures interrogent. Quels sont les risques et les marges de manœuvre pour optimiser la disponibilité en eau dans le sol ? Entretien avec Pascale Métais, ingénieure R&D agronomie chez ARVALIS.
Justine Gravé : Quels facteurs impactent la disponibilité en eau dans les sols agricoles ?
Pascale Métais : Dernièrement, on entend beaucoup qu’augmenter la matière organique des sols a un impact positif sur le « réservoir utile » (RU), c’est-à-dire la quantité d’eau que le sol peut absorber et restituer aux plantes. C’est vrai, mais le tassement du sol a un impact bien plus important sur le RU. Non seulement il réduit la capacité de stockage de l’eau dans le sol, mais il amoindrit la capacité d’enracinement des cultures. Sur un sol tassé, les racines ont plus de mal à explorer le sol pour aller chercher l’eau. Et si l’eau vient à manquer, en cas de sécheresse par exemple, les conséquences sur les rendements peuvent être lourdes.
À titre d’exemple, sur des limons argileux profonds, on considère qu’une hausse de 0,5 % de la matière organique sur les 30 premiers centimètres du sol améliore le RU de 4 mm. Mais une compaction anormale dans l’horizon travaillé dégrade le RU de 13 mm ! Autrement dit, augmenter la matière organique, c’est bien, mais éviter le tassement, c’est mieux. Car l’augmentation de la matière organique ne suffira jamais à compenser l’impact négatif du tassement sur le RU.
J. G. : Si les conditions humides favorisent le tassement, est-ce que des périodes de sécheresse peuvent corriger un tassement ?
P. M. : Sur certains sols argileux, la sécheresse peut avoir un effet positif, voire correctif, sur le tassement du sol : les argiles ont des propriétés de retrait et de gonflement, et un manque d’eau va provoquer des fissures qui peuvent avoir un impact bénéfique sur la porosité des sols. Ces fissures sont des voies préférentielles pour l’enracinement et l’infiltration de l’eau. Néanmoins, plus un sol est sec, plus il oppose une forte résistance à la pénétration racinaire. Et ces sols argileux n’échappent pas à ce problème.
J. G. : Les pluies des mois de mars et avril ont globalement permis de recharger le réservoir utile des sols, qui sont donc plus sensibles au risque de tassement. Comment savoir si le sol est effectivement tassé et que faire si c’est le cas ?
P. M. : Le test bêche, un profil cultural ou le recours à un pénétromètre sont des méthodes de diagnostic efficaces. S’il n’y a pas de tassement, ce n’est pas la peine d’intervenir en préventif. Le risque dépend aussi de la culture que l’on va implanter dans la parcelle. Le maïs par exemple est sensible au tassement et il supporte plutôt bien les ruptures de perméabilité. Si l’on décide d’intervenir pour décompacter, il faut s’assurer de le faire dans de bonnes conditions : ni trop humides, ni trop sèches. Pour cela, il faut prélever une motte et l’écraser dans sa main. Si elle ne s’éclate pas et reste en gros pavé ou qu’elle colle aux mains, ça ne sert à rien d’intervenir (figure 1). Mieux vaut attendre l’automne. Dans tous les cas, il faut garder à l’esprit qu’un sol sec est dur à travailler, nécessite une consommation d’énergie importante et abîme davantage le matériel. Il faut donc que ce soit vraiment justifié.
Figure 1 : Grille d’évaluation sensorielle de l’aptitude d’un sol au décompactage
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