Réduire sa dépendance à l'azote - Comment valoriser au mieux les apports printaniers ?
Dans le cadre de l’initiative « Optimiser les ressources en azote », les acteurs agricoles de la région Ile-de-France récapitulent les points d’attention à avoir en tête ce printemps concernant la fertilisation.
Etape 1 : calculer la juste dose
Le calcul de la dose prévisionnelle repose sur la méthode des bilans, qui met en regard les besoins de la culture et les différentes sources de fournitures du sol (figure 1). La précision des informations culturales utilisées est essentielle. De petites erreurs peuvent rapidement aboutir à des surestimations non négligeables (30-40 U).
Figure 1 : Méthode des bilans pour calculer la dose totale d’azote à apporter sur une parcelle (ARVALIS)
Trois principaux curseurs à ajuster
- Avant tout, réaliser des mesures de reliquats azotés de sortie d’hiver permet de construire un aperçu de la teneur en azote des parcelles. Chaque combinaison de culture en place (hiver/printemps), précédent et type de sol est idéalement à considérer. Une attention particulière doit être portée aux parcelles ayant reçu des apports organiques. Il est surtout indispensable de mesurer l’ensemble des horizons exploitables par la culture ! L’enjeu atteint rapidement une vingtaine d’unités.
- Autre paramètre d’autant plus important que l’hiver est doux : la quantité d’azote absorbée par la culture en fin d’hiver.
Pour les céréales, hors imagerie satellite, cela correspond au nombre de talles mises en place. Sachant qu’une talle correspond à 5 U, un tour de plaine s’impose pour estimer précisément le tallage des parcelles.
En colza, 1 kg de biomasse en sortie d’hiver représente 65 U absorbées. L’estimation précise des biomasses à l’entrée et en sortie d’hiver est d’autant plus importante que les colzas sont développés. Pour cela, deux possibilités : des pesées ou l’imagerie satellite. - Dernier paramètre : l’objectif de rendement. Réglementairement, il est égal à la moyenne des rendements des cinq dernières années en enlevant les deux extrêmes. Sans se lancer dans de grands calculs, il est simple et cohérent de réduire l’objectif de rendement par rapport à cette moyenne sur des parcelles à plus faible potentiel.
L’outil MERCI pour approfondir l’effet piège à nitrates des cultures intermédiaires. Cette méthode permet, à partir de simples pesées au champ de chaque espèce constitutive du couvert, d’estimer la quantité d’azote disponible pour la culture suivante. Elle donne notamment accès à la dynamique de minéralisation et traite aussi le phosphore, le potassium, le magnésium et le soufre.
Choisir un outil dynamique permet une meilleure prise en compte de la minéralisation. Grâce à des modèles dynamiques prenant en compte les données climatiques, ces méthodes permettent une meilleure estimation dans le bilan de la minéralisation du sol et des apports de matières organiques. Ces paramètres sont particulièrement importants pour les cultures estivales comme la betterave. Pour ces cultures, le poids de la minéralisation dans la fertilisation est plus important.
Etape 2 : prévoir un fractionnement adapté
Elément à avoir en tête lors de la construction de son prévisionnel de fractionnement : plus le délai entre l’apport et l’absorption de l’azote par les plantes est important, moins bonne est l’efficacité du fait de la volatilisation, lixiviation ou réorganisation par les micro-organismes du sol. Il est donc indispensable d’adapter son fractionnement afin de faire coïncider la quantité d’azote apportée avec les capacités d’assimilation de la plante. Quelques éléments de décision pour le blé tendre :
- Apport tallage : prioriser l’azote du sol (= RSH) car ce sont les apports les moins bien valorisés, avec un coefficient apparent d’utilisation de l’azote (CAU) les plus faibles (≈ 40-50 %). Son raisonnement dépend de la somme des reliquats relevés dans les deux premiers horizons ainsi que de l’état de la culture. En cas de reliquats supérieurs à 50-60 U, une impasse est envisageable (hors sol superficiel) sur les cultures bien implantées et exubérantes comme cette année (diminution du risque maladies et verse).
- Apport début montaison : à cette période, les besoins de la plante deviennent importants. Le coefficient d’utilisation de l’azote (CAU) augmente pour atteindre 60-70 %. Attention à ne pas dépasser 100 unités en un apport car la plante sera incapable de les utiliser avant que les phénomènes responsables de pertes d’azote se mettent en place.
- Apport de fin de cycle : le CAU avoisine alors 80-90 %. Cet apport sera donc le mieux valorisé. C’est un passage obligé pour obtenir un taux de protéines correct. Mais il est à raisonner selon la capacité de la variété à « faire de la protéine ». Le pilotage de cet apport est plus que recommandé !
Figure 2 : Cinétique d’absorption, fractionnement de l’azote et valorisation sur un blé (ARVALIS)
(1) apport tallage
(2-3) : apport début montaison, qui pourra être fractionné en deux si la dose est supérieure à 100 U
(4) apport de fin de cycle
Etape 2 bis : le choix de la forme n’est pas anodin !
Si le prévisionnel de fractionnement détaille, comme son nom l’indique, le fractionnement de la dose totale, il précise également les formes d’azote prévues. Ce choix n’est pas neutre et implique quelques précautions sous peine d’impacter le rendement mais aussi la qualité de la récolte.
Entre l’urée, la solution azotée et l’ammonitrate, c’est ce dernier qui offre les meilleures efficacités et la meilleure régularité du fait, principalement, de moindres pertes d’azote par volatilisation ammoniacale (tableau 1).
Tableau 1 : écart de rendement et de taux de protéines observés en blé pour une fertilisation à l’urée ou à la solution azotée par rapport à l’ammonitrate - Synthèse d’essais Acolyance, ARVALIS, Chambre d’agriculture du 37, Soufflet et Vivescia conduits de 2012 à 2019
Poids statistique des écarts : NS = écart statistiquement non significatif ; *** = écart très significatif.
Les solutions azotées sont moins efficientes sur les plans du rendement et des protéines. De plus, elles présentent une grande variabilité d’efficacité, explicable, entre autres, par une réorganisation de l’azote par les micro-organismes du sol plus ou moins importante.
L’addition d’inhibiteur d’uréase est une solution éprouvée pour pallier en partie à ce manque d’efficience. Pour le blé, l’urée avec inhibiteurs s’avère même un peu plus efficace pour le rendement que l’ammonitrate en sols calcaires ; les deux formes s’équivalent pour le taux de protéines.
En revanche, les performances des solutions azotées restent très inférieures à celles de l’ammonitrate, même additionnées d’inhibiteurs d’uréase.
Plusieurs biostimulants revendiquent une amélioration de la nutrition azotée des cultures via la fixation de l’azote atmosphérique par des bactéries. Ces produits mettraient ainsi à disposition 20 à 30 kg N/ha, selon les fabricants.
Les essais conduits sur blé par ARVALIS, en conditions légèrement limitantes en azote, n’ont pas montré de gain significatif à leur utilisation (rendement & taux de protéines). Ces résultats seront étayés par d’autres essais car le contexte pédoclimatique influence beaucoup l’activité bactérienne.
Du côté des engrais foliaires, une étude d’ARVALIS montre qu’à quantité totale d’azote identique (40 kg/ha) appliquée en fin de montaison au stade « dernière feuille » du blé, ils sont aussi efficaces que l’ammonitrate sur le plan du rendement. En revanche, ils conduisent à des teneurs en protéines inférieures de 0,5 % en moyenne. Toutefois, la plupart de ces engrais sont préconisés par les fabricants à des doses inférieures, insuffisantes pour les besoins en fin de montaison. Ainsi, leur intérêt technico-économique reste fortement limité.
Etape 3 : viser de bonnes conditions d’application
S’il est essentiel de viser des apports proches des besoins du blé, il est indispensable d’en assurer une bonne mise à disposition. On considère un apport comme valorisé quand il reçoit 15 mm dans les 15 jours.
On cherchera également à limiter les risques de perte par volatilisation ammoniacale. Les conditions climatiques suivantes sont donc à éviter :
- Températures élevées ;
- Sol sec et absence de pluie dans les jours suivant l’apport ;
- Vent fort.
Dans ce contexte, il faut garder en tête que les stades d’apport ne sont que des stades-repères. Les apports peuvent être anticipés sans problème au profit de conditions favorables. Cela vaut principalement pour les apports autour du stade épi 1 cm. A partir du 8-10 mars, à l’annonce d’une pluie, le second apport peut être déclenché. D’autre part, en période à « risque sécheresse », 5 mm peuvent suffire pour une valorisation minimale.
Fiche rédigée par ARVALIS, ITB, TERRES INOVIA, Chambre d’Agriculture Région Ile-de-France, DRIAAF, La coopération agricole Ile-de-France, Fédération du négoce agricole
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