Ensiler un maïs en stress hydrique : se poser les bonnes questions avant de décider

Avant de prendre la décision d’ensiler ou non, il est primordial de rentrer dans les parcelles pour établir le diagnostic. Observer uniquement les maïs en bordure serait une grossière erreur.

Les conditions du mois de mai sec puis le stress hydrique de juillet ont favorisé l’hétérogénéité à l’échelle d’une parcelle. Des zones encore vertes et d’autres complètement sèches compliquent le diagnostic, il sera alors nécessaire d’établir le ratio entre les zones sèches qui ne donneront plus rien et les zones vertes ayant encore du potentiel pour augmenter le rendement.

Les observations porteront sur les grains (viabilité, quantité et état de remplissage) ainsi que l’état de sénescence des feuilles et des tiges.

Pour estimer le nombre de grains viables par m², il faut d’abord estimer le nombre moyen d’épis par m² sur au moins 3 fois 10 m² (ex. : 13,33 m x 0,75 m d’écartement), puis le nombre moyen de grains par épi sur au moins 3 fois 20 épis successifs (ne comptabiliser que les épis à plus de 70 grains).

Le seuil de 1500 gr/m² correspond environ à 170 grains par épi pour 90 000 plantes levées.

Si la floraison est atteinte ou dépassée

Si la floraison a eu lieu, il est important d’attendre le stade limite d’avortement des grains (SLAG), qui intervient 250 degrés-jours (base 6°C) après la floraison femelle, soit 15-20 jours après. C’est à ce stade que le nombre de grains est définitif.

Seule exception à cette règle : si la fécondation s’est très mal déroulée (présence de plante sans épi et très peu de grains au global), la proportion de feuilles encore vertes est inférieure à 50 % et les pointes des feuilles sont grises, voire jaunes, alors la récolte est à prévoir très rapidement, avant le SLAG, afin de préserver la qualité du fourrage.

Dans les autres situations, c’est le nombre de grains et l’état de végétation des maïs qui va définir la période d’ensilage (figure 1, tableaux 1 à 3).

Figure 1 : Grille de décision d’ensilage pour un maïs qui a dépassé le stade floraison

Tableau 1 : Grille d’aide à la décision d’ensiler pour un maïs fourrage en situation de stress hydrique au stade grain laiteux, en fonction du nombre de grains estimé et de l’état de l’appareil végétatif

Tableau 2 : Grille d’aide à la décision d’ensiler pour un maïs fourrage en situation de stress hydrique au stade lentille vitreuse au sommet des grains des couronnes, en fonction du nombre de grains estimé et de l’état de l’appareil végétatif

Tableau 3 : Grille d’aide à la décision d’ensiler pour un maïs fourrage en situation de stress hydrique au stade grain 1/3 vitreux, 1/3 pâteux, 1/3 laiteux, en fonction du nombre de grains estimé et de l’état de l’appareil végétatif

La photo 1 (à gauche) met en évidence une parcelle avec plus de 50 % des feuilles desséchées, une floraison au 16-19 juillet (SLAG attendu autour de fin juillet). La présence de plantes sans épis, d’un niveau de dessèchement avancé laisse entrevoir une parcelle mal fécondée et des grains avortés avec très peu de grains au global. Dans cette situation, l’ensilage doit se faire rapidement.

La photo 2 (au centre), prise dans une parcelle plus précoce, montre un déroulement de la fécondation dans de bonnes conditions, ce qui a amené après le SLAG a des épis bien remplis et viables (stade proche de grains laiteux) avec plus de 1500 gr/m². Malgré un dessèchement des feuilles (photos non présentées), il reste 1 à 3 feuilles vertes qui vont permettre de remplir les grains et gagner en potentiel. Dans cette situation, il est possible d’attendre la lentille vitreuse pour décider ou non d’ensiler. A l’apparition de la lentille vitreuse (25-30 jours après la floraison femelle), en présence de moins de trois feuilles vertes, un ensilage s’impose immédiatement ; si plus de trois feuilles vertes à ce moment-là, on pourra attendre la maturité du grain similaire à un ensilage classique.

Sur la photo 3 (à droite), prise dans une parcelle dans l’Ouest 35 (Plélan le grand), l’épi n’est pas encore tout à fait au SLAG pour s’assurer de la viabilité complète des grains. Aucune feuille n’est pour le moment en sénescence. Dans ce cas de figure, il faut attendre pour compter le nombre de grains. Il n’y a aucune raison d’ensiler rapidement. L’état global laisse entrevoir un nombre de grains bien supérieur à 1500 gr/m² avec un fonctionnement satisfaisant de l’appareil photosynthétique.

Si la floraison n’est pas encore atteinte

Pour les maïs semés tard ou avec des précocités tardives, l’offre climatique n’est pas encore atteinte pour voir apparaître la floraison. Pour autant, les plantes sont stressées, il est alors impératif d’observer l’état des feuilles et tiges. Trois cas de figure peuvent alors se rencontrer (figure 2) : s’il reste moins de deux feuilles vertes, la récolte est à prévoir très rapidement pour préserver la qualité du fourrage. Dans les autres cas, Si des feuilles vertes, capables de faire de la photosynthèse persistent et que le retour des pluies est prévu, les plantes peuvent repartir et produire de la biomasse. Il importera de suivre la qualité de fécondation après la floraison, si elle a lieu.

Figure 2 : Grille de décision d’ensilage pour un maïs qui n’a pas encore fleuri

Ne pas faire de mauvais compromis

Il n’est pas rare au sein des exploitations d’avoir des parcelles avec des maïs « en bon état » et une portion significative de parcelles en « état de stress prononcé ». Ceci pour différentes raisons : semis en plusieurs temps (après une dérobée ou non), pédologie de la parcelle (sol profond ou superficiel)…

Au lieu de trouver un mauvais compromis en ensilant en une seule fois, il semble plus judicieux d’organiser le chantier d’ensilage en deux temps en priorisant les parcelles nécessitant d’être rapidement ensilées.

Maïs très sec : les précautions à prendre pour confectionner le silo

Un maïs fourrage récolté à plus de 35 % MS sera plus difficile à tasser et nécessite donc des précautions :

• Viser une finesse de hachage d’environ 8-10 mm pour faciliter le tassement. Travailler avec des couteaux d’ensileuse bien affûtés, les feuilles desséchées sont plus difficiles à couper.
• Tasser méticuleusement le silo, voire le lester avec des couches de fourrage plus humide.
• Réaliser un bâchage parfaitement hermétique.

Pour limiter le développement des moisissures et les pertes, l’ajout d’additifs de conservation (bactéries lactiques homofermentaires et hétérofermentaires) peut se justifier. Mais il faut surtout prévoir une vitesse d’avancement suffisante sur le front d’attaque : au moins 10 cm par jour les mois d’hiver et au moins 20 cm pendant les périodes chaudes.