Finition des vaches de réforme du troupeau allaitant : les clés de réussite
L’engraissement des vaches de réforme est un enjeu fort dans les élevages allaitants. Elles représentent un quart des effectifs vendus et jusqu’à un tiers du chiffre d’affaires. Or, il existe une grande hétérogénéité de vaches (race, âge, format…), de pratiques pour leur finition, mais également de débouchés (grande distribution, boucherie, steak haché…). Leur engraissement dépend donc d’un nombre important de facteurs qu’il s’agit de maîtriser.
La Ferme Expérimentale des Bordes (36) met en place des essais depuis 2018 dans l’objectif de produire des références sur la finition des vaches de réforme Charolaises.
Les vaches de plus de 10 ans ont des croissances très variables entre individus
En 2018-2019, un premier essai s’est intéressé à l’effet de l’âge et de la note d’état corporel (NEC) en début d’engraissement sur les résultats technico-économiques. La principale conclusion de cet essai est que les vaches âgées de plus de 10 ans ont des croissances significativement inférieures à celles des jeunes vaches (800 g/j contre 1200 g/j). Cette différence est due au fait que les gains moyens quotidiens (GMQ) des vaches de plus de 10 ans décrochent beaucoup plus rapidement et sont beaucoup plus variables entre individus (de 30 à 1200 g/j). Aucun effet visible de la NEC en début d’engraissement n’a été détecté.
Pas plus de 120 jours d’engraissement
Suite à cela, un deuxième essai a été initié en 2020 pour étudier l’impact de la durée d’engraissement sur les résultats technico-économiques. Des études de l’Inra, dans les années 90, s’intéressaient déjà à cette question mais avec des durées d’engraissement courtes (70 et 110 jours). Ces études avaient notamment montré que la prise de muscle se faisait au début d’engraissement et qu’ensuite l’augmentation du poids des animaux était le reflet d’une prise de gras.
Aux Bordes, l’essai a permis de comparer trois durées d’engraissement : 90, 120 et 150 jours. Trois lots de 12 vaches ont donc été mis en place et conduits de manière similaire avec une ration unique à base d’enrubannés de Ray-Grass d’Italie et de Mélanges Céréales-Protéagineux récoltés Immatures (MCPI).
Pour l’ensemble des animaux, l’ingestion journalière augmente durant les deux premiers mois puis diminue jusqu’à la fin de l’engraissement. Cela se reflète sur les croissances : on constate une diminution du GMQ de l’ordre de 200 g/j par mois supplémentaire d’engraissement, mais cette baisse n’est pas significative d’un point de vue statistique. Le seul paramètre significativement différent est la NEC avant abattage : de 2,7 pour le lot 90 j à 3,7 pour le lot 150 j. Ceci est en lien direct avec les conclusions de l’Inra. Cependant, bien que les NEC avant abattage soient différentes, aucune différence n’a été constatée dans les résultats d’abattage. Les animaux des trois lots ont en moyenne été classés R+, avec une note d’état d’engraissement de 3. Sur les poids carcasse, seule une différence de 10 kg est à noter entre le lot 90 j et les deux autres lots (431 kg pour 90 j – 443 kg pour 120 et 150 j). L’essai est reconduit pour la campagne 2023/24.
Du point de vue économique, une marge partielle de la finition des vaches par rapport à leur vente en maigre a été calculée en fonction des cours des matières premières (figure 1). L’optimum économique semble atteint entre 90 et 120 jours d’engraissement. La diminution de la marge est de l’ordre de 40 € par vache avec une durée d’engraissement de 150 j.
Figure 1 : Marge par vache charolaise (en €) en fonction de la durée d'engraissement et de la conjoncture de prix des concentrés (conjoncture min. : prix des matières premières basses 2015-2016 ; moy. : moyenne 2013-2021 ; max. : prix 2020-2021
Engraisser à l’herbe, c’est possible !
Un autre essai ayant pour objectif d’étudier l’engraissement uniquement à base d’herbe pâturée par rapport à un engraissement en bâtiment des vaches de réforme a été mis en place depuis 2021. Durant trois campagnes, un lot de 12 vaches a eu à disposition 4 hectares de prairie multi-espèces conduits en pâturage tournant (38 ares/UGB). L’autre lot, en bâtiment, a reçu du foin ou de l'enrubannage à volonté et une complémentation à base de blé et tourteau de colza (6 kg/vache/j).
La régularité de la pluviométrie en 2021 a assuré une pousse de l’herbe en quantité suffisante, y compris en été. Aucune complémentation n’a donc été nécessaire pour le lot « pâturage ». En 2022 en revanche, la sécheresse précoce a fait chuter la pousse de l’herbe dès la mi-juin. Les dernières vaches du lot pâturant ont donc reçu une complémentation à base de 3 kg de blé aplati le dernier mois d’engraissement. En 2023, la pousse a été suffisante, mais la qualité de l’herbe était en deçà par rapport aux deux autres répétitions.
Pour ces trois années, l’autonomie protéique est de 100 %, sans recours au correcteur azoté au pâturage.
Tableau 1 : Résultats d’ingestion et de composition de la ration des lots pâturant et en bâtiment sur les trois campagnes de l’essai conduit sur la Ferme Expérimentale des Bordes (36)
Sur les deux premières campagnes d’essai, les résultats d’engraissement des animaux ne montrent pas de différence significative entre les deux lots. En 2021, le GMQ moyen était de 1000 g/j, avec des poids moyens à l’abattage de 876 kg et une NEC de 4. En 2022, des animaux plus légers au départ et des fortes températures de juin-juillet donnent des résultats inférieurs : le GMQ est de 890 g/j pour 805 kg à l’abattage et une NEC de 3,3.
2023 est l’unique répétition au cours de laquelle les croissances sont différentes entre les deux lots (1200 g/j en bâtiment et 870 g/j au pâturage). Cette différence s’explique là encore en partie par les fortes températures début juin 2023 qui ont pénalisé les croissances des vaches au pâturage.
Au global sur ces trois séries d’essai, la croissance moyenne du lot en bâtiment est de 1030 g/j et celle du lot au pâturage de 960 g/j.
Pour la qualité des carcasses produites : aucune différence n’est à noter entre les lots. Le poids carcasse moyen était de 440 kg et les vaches étaient notées R+3.
Sur les séries 2022 et 2023, il a été possible de réaliser des notations visuelles sur les carcasses. La couleur de la viande, celle du gras, le marbré et le persillé sont semblables entre les deux lots de ces séries.
Figure 2 : Évolution du poids vif moyen des lots pâturant et en bâtiment sur les 3 campagnes de l’essai sur la Ferme Expérimentale des Bordes (36)
Avec une hypothèse d’un coût d’herbe pâturée moitié moins élevé à la tonne que la production de foin ou d’enrubannage, le coût alimentaire d’une vache engraissée au pâturage est inférieur de 70 % à celui d’une vache engraissée en bâtiment : 250 € en bâtiment contre 75 € au pâturage en moyenne, avec un blé aplati à 293 €/t et un tourteau de colza à 209 €/t (moyenne 2015-2023).
Le pâturage tournant : quelques règles de bonne conduite
Cet essai confirme que l’herbe jeune vaut un concentré de production. En effet, l’herbe verte au stade feuillu est un aliment de très bonne valeur alimentaire. L’herbe pâturée est également un aliment très économique.
Grâce à un pâturage bien géré, il est donc possible d’obtenir de bonnes croissances sur des animaux dont la finition s’effectue uniquement au pâturage, tout en limitant les coûts de production.
Pour offrir aux animaux une herbe toujours de qualité, il est très fortement recommandé d’avoir recourt à un pâturage tournant sur minimum 4-5 paddocks et de respecter quelques grands principes :
- 21 jours de repousse minimum entre deux pâturages,
- 7 jours de présence maximum dans un paddock,
- Hauteur d’herbe toujours supérieure à 5 cm.
Outre la gestion du pâturage, il est également conseillé de mettre à disposition des prairies avec une flore de qualité, riches en légumineuses pour l’engraissement des animaux.
Visionnez la visite d’essais organisée sur site le 8 juillet 2022 :
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