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Alsace

Excès d’eau sur blé : adapter la conduite de la fertilisation azotée

Blés semés tard, implantations difficiles, enracinements pénalisés… les conséquences des excès d’eau de ces trois derniers mois sont nombreuses. Voici quelques éléments à prendre en compte pour adapter la fertilisation azotée.

nuages

Une forte lixiviation de l’azote et du soufre est à attendre dans les parcelles concernées par les excès d’eau

Cela devrait avoir pour conséquences des valeurs de reliquats d’azote minéral très faibles en sortie d’hiver. Il est fortement recommandé de réaliser une mesure de reliquat pour ajuster la dose totale.

Attention : on peut s’attendre également à des niveaux de NH4+ plus élevés qu’à l’accoutumée (liés à la compaction ou la saturation en eau du sol qui limitent l’activité des bactéries nitrifiantes).

Dans ces situations, voici le calcul du reliquat : 
Re = [NO3-] + [NH4+] de l’horizon 1 + [NO3-] + [1/3 x NH4+] de l’horizon 2 + [NO3-] de l’horizon 3

Le soufre, tout comme l’azote, risque d’être lixiviée : piloter les apports selon la grille ARVALIS.

Tableau  1 : Grille pour évaluer la dose de soufre nécessaire sur blé tendre (en kg de SO3/ha) – ARVALIS

Tableau  1 : Grille pour évaluer la dose de soufre nécessaire sur blé tendre (en kg de SO3/ha) – ARVALIS

Les chiffres en orange correspondent au conseil pour un objectif de rendement de 70 q/ha, ceux en vert pour un objectif de 100 q/ha.
Valeurs sans parenthèses : sans apports réguliers de produits résiduaires organiques
Valeurs entre parenthèses : avec apports réguliers de fumiers et composts (> 1 an sur 3)

Les apports de phosphore en sortie d’hiver pour rattraper un mauvais enracinement ne sont pas recommandés : nos essais historiques montrent une réponse des céréales à ces apports uniquement dans les situations où les teneurs du sol sont faibles et, dans ces situations, la réponse est moindre que pour des apports réalisés au semis.

Tableau 2 : Cumul de pluies (mm) du 15 octobre 2023 au 20 janvier 2024

Tableau 2 : Cumul de pluies (mm) du 15 octobre 2023 au 20 janvier 2024

Figure 1 : Evolution du cumul de pluies (mm) du 15 octobre 2023 au 20 janvier 2024

Figure 1 : Evolution du cumul de pluies (mm) du 15 octobre 2023 au 20 janvier 2024

Perte de rendement à prévoir selon les conditions d’implantation

Certaines situations devraient voir leur rendement pénalisé (cycle de croissance plus court, exposition au stress hydrique et/ou thermique de fin de cycle…) :

  • semis réalisés dans de mauvaises conditions (préparation à la hâte, abats d’eau…),
  • semis de janvier,
  • re-semis.
Dans ces situations, tenir compte du potentiel de rendement qui pourra être amoindri dans le calcul de la dose X du bilan d’azote prévisionnel en le minorant de 10 à 20 % voire davantage selon la gravité de la situation et/ou du retard de la date de semis.

Apport au tallage : oui mais pas trop

Conséquences des excès d’eau et de l’anoxie : une croissance des cultures ralentie, qui devrait se traduire par des enracinements superficiels qui pénalisent la valorisation de l’azote des horizons profonds (au-delà de 60 cm voire moins dans les situations les plus impactées). Il ne faudra donc pas compter sur l’azote de l’horizon 60-90 cm pour satisfaire les besoins en début de cycle, voire durant la montaison. Cet azote ne devrait être disponible qu’en fin de cycle sous réserve que les racines finissent par atteindre cette profondeur et qu’entre temps il n’ait pas été entraîné au-delà par lixiviation.

Il ne faudra pas non plus compter en sortie d’hiver sur la minéralisation de l’azote des matières organiques du sol car sa reprise sera probablement retardée.

Dans ce contexte, il est recommandé :

  • d’éviter toute impasse sur le premier apport en sortie d’hiver sur des cultures dont la capacité à absorber l’azote en profondeur est réduite (sauf en cas de reliquat azoté élevé sur 0-30 cm, ce qui est assez peu probable). 
  • de se limiter à de petits apports (40-50 kg N/ha maximum et non 70-80). En effet, dans des sols probablement refermés qui risquent de garder une tendance à l’hypoxie (disponibilité en oxygène réduite), la reprise de croissance des cultures devrait démarrer lentement et leur capacité à valoriser des quantités importantes d’azote sera mauvaise.

Mais avant cela, il faudra attendre le ressuyage des parcelles et donner la priorité au désherbage et non aux apports d’azote pour éviter de « fertiliser » les adventices et d’ajouter un facteur limitant supplémentaire.

Fractionner les apports

La croissance ralentie des cultures s’accompagne généralement d’une mauvaise absorption de l’azote, et donc, d’une diminution de l’efficacité de engrais (mauvais CAU).

Ceci justifie de « biberonner » la culture en fractionnant la dose d’azote en trois voire quatre apports afin de limiter les pertes et de pouvoir ajuster la fertilisation selon l’amélioration ou la dégradation de la situation.

Piloter la dose du dernier apport

L’utilisation d’outils de pilotage pour ajuster la fertilisation azotée au potentiel de rendement très certainement impacté par les conditions de l’année est recommandée tout en restant vigilant à l’interprétation dans ce contexte particulier. En effet, ces outils peuvent diagnostiquer un état de nutrition azoté insuffisant en raison d’une faible disponibilité en azote dans le sol mais également lorsque l’azote est présent mais non valorisé par la culture du fait de mauvaises conditions d’absorption (épisode sec, excès d’eau…).

En résumé :
• Forte hétérogénéité à attendre à la fois entre parcelles et au sein d’une même parcelle.
• Enracinement sans doute limitant dans les zones ennoyées ou saturées en eau avec de mauvais CAU → adapter le fractionnement.
• Reliquats sortie hiver probablement faibles → adapter la dose X.
• Des situations où des apports de soufre seront à prévoir.
• Le pilotage de la fertilisation N en fin de cycle sera essentiel pour s’adapter à chaque situation.

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