Pommes de terre - Engrais : bien choisir la forme à apporter
Le choix de l’engrais est important pour optimiser l’itinéraire technique. L’adjonction de certains additifs aux engrais azotés traditionnels pourrait permettre de limiter les pertes lors de l’épandage, un vrai plus environnemental comme économique.
La pomme de terre a le plus souvent besoin d’apports d’engrais en complément des fournitures du sol pour satisfaire ses besoins nutritionnels, comme la plupart des grandes cultures. La détermination de la dose à apporter s’appuie sur la méthode du bilan prévisionnel pour l’azote, et sur la méthode Comifer pour le phosphore et le potassium. Au-delà de cette quantité, le choix de la forme d’engrais revêt une importance particulière pour optimiser la conduite selon les objectifs de production quantitative et qualitative retenus par l’agriculteur (tableau ci-dessous).
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• Engrais azotés : limiter les pertes
• Engrais PK : le positionnement avant tout
• Et les autres éléments?
Engrais azotés : limiter les pertes
Après un apport, l’azote de l’engrais est soumis à différents processus. L’absorption par la culture est ainsi concurrencée par différents phénomènes de pertes : lixiviation de l’azote nitrique sous l’effet du drainage, pertes gazeuses par volatilisation ammoniacale et organisation au sein de la matière organique du sol. Afin de favoriser l’absorption, il est nécessaire de privilégier les pratiques qui minimisent ces pertes : le fractionnement permettant notamment d’ajuster les apports à la dynamique de besoins de la culture, le positionnement (avant ou après buttage, juste avant un épisode pluvieux ou pas) et le choix de la forme d’engrais.
Dans les grandes régions de production de la pomme de terre de consommation du centre et du nord de la France, l’ammonitrate et la solution azotée dominent le marché des engrais azotés. C’est ce qu’a montré une enquête du CNIPT (Comité national interprofessionnel de la pomme de terre) en 1999, toujours valable aujourd’hui. D’autres formes binaires et ternaires sont également présentes, mais dans une moindre mesure. L’urée solide ou urée 46 (elle contient 46 % d’azote sous forme uréique) n’est quant à elle quasiment pas utilisée. Cette répartition du marché s’appuie sur les circuits d’approvisionnement historiques mais également sur des considérations technico-économiques : l’ammonitrate est généralement préféré en raison d’une efficacité attendue supérieure, tandis que la solution azotée est plébiscitée pour son prix et sa praticité d’utilisation sous forme liquide. Les différences d’efficacité entre l’ammonitrate, la solution azotée et l’urée reposent essentiellement sur leur sensibilité différente à la volatilisation ammoniacale ; les deux dernières étant plus sensibles que l’ammonitrate. En cas d’enfouissement via un apport juste avant buttage qui atténue voire annule la volatilisation, aucune différence notable n’apparaît entre les formes (figure 1). C’est donc dans les cas d’apports en surface sans enfouissement (après buttage ou apport plusieurs jours avant buttage) que des différences d’efficacité en faveur de l’ammonitrate peuvent apparaître, dans les cas à risques comme l’absence de pluie, ou sur un sol à pH élevé.
Des innovations technologiques commencent à apparaître sur le marché pour apporter de nouvelles réponses. Notamment, les urées modifiées grâce au NBPT (inhibiteur d’hydrolyse de l’urée) pourraient être intéressantes : cet additif est en effet connu pour atténuer le phénomène de volatilisation ammoniacale. Arvalis-Institut du Végétal travaille sur l’intérêt de ce type de produit sur les céréales depuis 2012 (produit Nexen TM). Son évaluation sur la pomme de terre démarre en 2014.
Figure 1 : Apport juste avant buttage : pas de différence entre les formes d’apports d’azote
Rendement total (t/ha) de l’urée solide (urée 46) en fonction de celui de l’ammonitrate à dose totale équivalente (essais 2010 à 2012) et à la dose optimale (essais 2010 et 2012) pour chacune des formes apportées juste avant buttage. Essais ARVALIS 2010-2012 (45-sol limoneux). ETR des essais : 2010 = 5.4 t/ha, 2011 = 5.5 t/ha et 2012 = 3.2 t/ha. Différences entre formes non significatives au seuil de 5 % (test de Student en données appariées).
Engrais PK : le positionnement avant tout
La pomme de terre est une des cultures les plus exigeantes en potassium et en phosphore, à la fois pour assurer son rendement et pour accéder à certains critères qualité (pour le potassium surtout). Sur l’ensemble du cycle, c’est le sol qui fournira la majorité des éléments à la culture. Cependant, l’apport d’engrais peut être nécessaire en tout début de cycle afin de palier la faiblesse précoce du système racinaire : il ne peut en effet pas puiser tout de suite dans les stocks d’éléments du sol. Comme les éléments PK sont de surcroit très peu mobiles dans le sol, leur localisation à la plantation présente probablement un intérêt, bien que les références expérimentales ne soient pas nombreuses en la matière.
Concernant le choix de la forme d’engrais potassique, le chlorure et le sulfate de potassium ont présenté la même efficacité sur le rendement dans les expérimentations conduites par Arvalis-Institut du végétal. Leur différence réside essentiellement dans l’effet sur le taux de matière sèche des tubercules. En règle générale, l’apport de potassium le réduit. L’apport sous forme chlorure accentue le phénomène par rapport à la forme sulfate. Les différents engrais phosphatés présentent des différences d’efficacité en fonction de leur degré de solubilité. Les formes les plus solubles (super 45, « 18-46 ») sont à privilégier pour un effet rapide sur la culture.
Et les autres éléments ?
Les apports de magnésium se raisonnent selon les mêmes principes que les apports PK. Les formes nitrates et sulfate sont les plus efficaces, grâce à leur plus grande solubilité. Les besoins de la pomme de terre en soufre sont faibles (moins de 50 kg SO3/ha) et la phase de croissance correspond aussi à la phase majoritaire de minéralisation du soufre organique, ce qui permet au sol d’assurer la fourniture nécessaire. De plus, du soufre est souvent apporté via d’autres engrais (sulphate de potassium par exemple). Enfin, les risques de carence en oligoéléments sont faibles et ne nécessitent que très rarement une intervention.
Cet article est issu l’édition de juin 2014 d’ARVALIS Infos – Innovations et performances pour la pomme de terre.
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