Désherbage des pommes de terre : des solutions à adapter aux conditions météo et à la flore présente
Le désherbage de prélevée reste la référence en cultures de pomme de terre. Cependant, la période de sensibilité à la concurrence de la flore adventice s’étend de la levée à la fermeture des rangs, ce qui peut nécessiter une intervention de rattrapage en postlevée. Les conditions météorologiques vont en générale jouer sur le type d’intervention (chimique ou mécanique), mais la nature et le stade des adventices également.
Le choix de la variété et le travail du sol, des leviers intéressants en cas de forte pression d’adventices
Des variétés avec un développement foliaire important (Bintje, Magnum, Kaptah Vandel…) sont, en principe, plus compétitives que des variétés à plus faible développement foliaire, comme Agata ou Belle de Fontenay. Par ailleurs, l’utilisation d’un plant sain et bien préparé permet également d’avoir une couverture plus rapide du sol, ce qui est donc à prendre en considération. De plus, le choix de la variété va être important en cas d’utilisation de métribuzine (figure 1).
Le travail du sol est également un levier majeur dans le contrôle des adventices. Le labour, très souvent réalisé avant la culture de pomme de terre, et les nombreux passages d’outils pour préparer la plantation et former les buttes participent préventivement à la gestion des adventices. De plus, un lapse de temps entre la plantation et le buttage des pommes de terre va permettre, en conditions favorables, une levée des adventices, qui seront détruites lors du passage de la butteuse.
Appliquer les produits de prélevée sur buttes définitives et sur sol humide et/ou avant des conditions pluvieuses
Le désherbage de prélevée est à réaliser sur butte définitive ré-appuyée, émiettée et au moins une semaine avant la levée pour ne pas affecter la croissances des plantes. En effet, les herbicides de prélevée autorisés demeurent dans la couche superficielle du sol et sont absorbés par les racines des adventices, tandis que la pomme de terre, plantée plus profondément, développe son système racinaire et stolonifère dans une zone exempte d’herbicide. Des interventions trop près de la levée de la pomme de terre ou des précipitations importantes dans les jours suivant le traitement peuvent entraîner l’apparition de symptômes de phytotoxicité.
Le traitement chimique s’applique sur un sol humide et/ou avant des conditions pluvieuses dans la mesure du possible et par temps calme pour bien répartir la pulvérisation sur les deux flancs de la butte et l’entre-butte. Eviter les applications en cas de forte chaleur (25°C max).
Adapter les associations herbicides à la flore adventice
Un des facteurs clés lors du choix du traitement est la reconnaissance des adventices. Les matières actives ont chacune leur spectre d’efficacité. Il est donc nécessaire de choisir les associations appropriées en fonction de la flore présente. En outre, l'efficacité de l'intervention de désherbage sera d'autant plus élevée si elle est réalisée avant la levée des adventices ou à stade précoce, de préférence au stade 3 feuilles maximum.
Pour une situation de faible infestation avec une flore adventice simple (renouées, chénopode, morelle), privilégier un traitement avec deux molécules actives : par exemple Bastille (2,5 kg/ha), Bismark CS (2 l/ha), Toutatis Damtec (2,4 kg/ha) et Metric (1,25 l/ha) ou l’association Proman/Soleto/Inigo (2,5 l/ha) + Centium (0,25 l/ha).
Pour une situation avec une flore diversifiée ou flore simple avec une infestation moyenne, privilégier un traitement à base de trois matières actives : par exemple Challenge 600 (2 l/ha) + Bismark CS (1,8 l/ha), Toutatis Damtec (2,4 kg/ha) + Sencoral SC (0,3 l/ha) ou Proman (2,5 l/ha) + Metric (1,25 l/ha).
Pour une situation de forte infestation et/ou une flore complexe, quatre molécules actives sont recommandées : par exemple Defi/Roxy (3 l/ha) + Proman/Soleto/Inigo (2 l/ha) + Metric (1,25 l/ha) ou Bismark CS (1,8 l/ha) + Bastille (1,5 kg/ha).
Il est rappelé que Challenge 600 ne peut pas être utilisé sur Monalisa en terre crayeuse.
Des pratiques à respecter avec la métribuzine et le prosulfocarbe
La métribuzine (présente dans les spécialités commerciales Almeria 70 WG, Arcade, Bretteur, Sencoral SC, par exemple) n’est pas tolérée par toutes les variétés. Il faut donc vérifier la sensibilité variétale avant son application. De même, avant d'utiliser cette molécule, il faut suivre un arbre de décision qui aide à définir le type de parcelle et si la mise en place d’un dispositif de cloisonnement des inter-rangs est nécessaire pour éviter le ruissellement et protéger les organismes aquatiques (Figure 1). En outre, il est préconisé de réduire les doses des spécialités à base de métribuzine dans les sols sableux ou limons très battants.
Figure 1 : Arbre de décision indiquant les conditions nécessaires à l’utilisation de la métribuzine
*Cela peut être une bande cultivée (céréales), une bande enherbée intraparcellaire en travers de la pente, ou un fossé intraparcellaire de rétention…
De même, les produits à base de prosulfocarbe sont soumis à des règles d’application très strictes, Qui ont évolué depuis le 1er novembre 2023. Cette substance active est présente dans trois produits homologués sur pomme de terre : Défi, Roxy 800 EC et Arcade.
Un rattrapage en postlevée possible
En cas de printemps sec, l’efficacité de la prélevée seule peut s’avérer insuffisante. Il sera alors nécessaire de réaliser un traitement de rattrapage en postlevée. Cependant, à ce stade, la maîtrise des dicotylédones demeure très difficile en raison d’un choix restreint de spécialités et d’une efficacité limitée sur certaines adventices (renouées, morelles et matricaires par exemple).
Le rimsulfuron (Rimuron ou Olorim WG) est une molécule herbicide de postlevée utilisée dans le cadre d’un programme de traitement incluant un désherbage de prélevée. Actif sur graminées, dicotylédones et certaines vivaces, ces produits s’utilisent toujours avec un adjuvant de type HELM Surfer Plus ou Pottok à 0,2 l/ha. Comme pour la prélevée, l’efficacité maximale est obtenue sur adventices jeunes (cotylédons à 2 feuilles maximum, 3 feuilles maximum pour les graminées annuelles). Le stade de la pomme de terre n’est pas limitant mais il convient cependant de faire attention à l’effet « parapluie ».
La métribuzine peut également être utilisée en postlevée, mais sans dépasser le stade 5 cm et la dose de 0,5 kg/ha ou 0,6 l/ha de produit commercial, en veillant à intervenir sur une culture en bon état végétatif.
Des conditions pédoclimatiques séchantes seront favorables à un désherbage mécanique
Les conditions pédoclimatiques favorables au désherbage chimique (humidité de l’air, sol frais) sont antagonistes à celles appropriées à la mise en œuvre des alternatives mécaniques (temps sec). Dans le cas où les conditions météorologiques requises pour un traitement chimique ne sont pas réunies, le désherbage 100 % mécanique est un atout à ne pas négliger. Cette pratique a évolué fortement avec l’utilisation de butteuses et/ou de herses étrilles à des stades précis de la culture. Les interventions alliant, par exemple, un passage de herse étrille à la levée de la culture avec un passage de butteuse en postlevée peuvent être plus efficaces que le désherbage 100 % chimique mais seulement dans des conditions séchantes pour éviter les repiquages (Figure 2).
Comme pour le désherbage chimique, le désherbage mécanique s’applique sur des adventices jeunes, de préférence avant le stade 6 feuilles. De plus, il est recommandé d’intervenir avec la herse étrille sur une culture de moins de 10 cm de hauteur, et d’apprendre à utiliser la butteuse en postlevée pour ne pas affecter la croissance des pommes de terre.
Figure 2 : Comparaison de l’efficacité sur pommes de terre d’un désherbage 100 % mécanique (à gauche) et d’un désherbage chimique de prélevée associant trois matières actives (à droite) - essai ARVALIS réalisé à Boigneville (91) en 2023
Le désherbage mixte et/ou localisé : une alternative intéressante pour réduire la quantité d'herbicides utilisée par hectare
L’efficacité du désherbage combiné sera optimale lorsque les conditions climatiques sont favorables à une application de prélevée chimique sur un sol humide, associée à une intervention mécanique ultérieure, par exemple avec une butteuse, en conditions séchantes.
Un désherbage localisé sur le rang en prélevée complété par du mécanique en postlevée (avec un passage d’outil de type butteuse à disques ou herse étrille) est aussi une stratégie envisageable pour réduire la quantité d’herbicides. L’application localisée nécessite d’avoir une rampe spécifique et des buses adaptées (à jet uniforme). Avec une largeur de traitement de 20 cm et un écartement entre buses de 80 cm (ex : buses Teejet TP), la localisation sur le rang réduit de 75 % la surface traitée (comparé à un passage en plein). L’économie en herbicides est donc significative.
Ces programmes 100 % mécanique, mixtes ou de pulvérisation localisée sont une solution efficace pour réduire la quantité d'herbicides utilisée par hectare. Adopter ce type de programme peut limiter les charges phytosanitaires et la fréquence de traitement (IFT). Il est rappelé que l'utilisation raisonnée des molécules actives disponible en désherbage de pommes de terre permettra de prolonger leurs efficacités.
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