Climat perturbé : quelle culture et quelle variété envisager si je n’ai pas pu encore semer ma parcelle ?
Les conditions très pluvieuses observées depuis septembre ont fortement perturbé l’avancée des semis de céréales d’hiver. Pour les surfaces encore non semées, il est nécessaire de ré-adapter le choix de ses variétés, voire de la culture envisagée sur ses parcelles. Il faut pour cela prendre en compte trois paramètres : le potentiel de l’espèce à la date de semis envisagée, la marge économique accessible et le maintien d’un équilibre dans l’assolement (incluant également la réflexion quant à la couverture des besoins en paille).
Actuellement les niveaux d’emblavement sont assez variables au sein d’un même secteur mais surtout très disparates dans la région : il y a un fort gradient Ouest-Est, la façade océanique ayant été encore plus fortement impactée par cette météo perturbée. En conséquence, une part non négligeable de parcelles n’a pas encore pu être semée, tandis que d’autres se trouvent dans des situations variables : parcelles en bon état végétatif actuellement en cours de tallage, parcelles fortement impactées par l’excès d’eau présentant de mauvaises levées, parcelles fortement enherbées car impossibilité de passage de désherbage suite au semis…
Un début de campagne 2023-2024 marqué par une pluviométrie largement excédentaire
Ce début de campagne est marqué par de hauts niveaux de précipitations, les plus importants de ces vingt dernières années (figure 1). C’est également le plus doux jamais observé en vingt ans sur la période considérée (1er septembre – 15 décembre).
Figure 1 : Positionnement de la campagne 2023-2024 en termes de cumul de pluie et de température par rapport à la médiane 20 ans sur la période 1er septembre 2023 - 15 décembre 2023 - La Jaillière (44)
Semis tardifs de céréales : les critères indispensables à prendre en considération
Il reste envisageable de semer un blé tendre d’hiver et de triticale jusqu’à la mi-février. Néanmoins, pour ces semis très tardifs, il faut désormais se tourner vers une variété adaptée et de respecter certaines recommandations (voir ci-après).
Les semis d’orge d’hiver sont désormais fortement déconseillés, l’espèce étant beaucoup plus sensible au froid ainsi qu’à l’excès d’eau.
Adapter le choix variétal
Pour des semis très tardifs de blé tendre et de triticale, il est impératif de :
- S’assurer que la variété aura la capacité de monter à épi en optant pour une variété notée a minima ½ hiver (3) en termes d’alternativité pour des semis de janvier (tableau 1) ;
- Faire le choix d’une variété précoce à maturité afin que celle-ci termine son cycle rapidement et soit le moins possible impactée par les accidents de fin de cycle, à savoir échaudage et déficit hydrique, régulièrement observés dans notre région ;
Le tableau 1 donne des indications quant aux variétés qu’il est envisageable de semer en Pays de la Loire selon la date de semis. Pour un semis postérieur au 15 février, il sera judicieux de se tourner vers des variétés de céréales de printemps (l’orge de printemps étant l’espèce qui offrira le meilleur potentiel).
Dans les contextes plus délicats (sols très sensibles à l’excès d’eau et/ou à ressuyage lent), il est peu probable de trouver une fenêtre propice au semis en sortie d’hiver et il sera plus judicieux de se rabattre vers une culture de printemps.
Tableau 1 : Variétés de blé et de triticale encore semables tardivement dans la région Pays de la Loire en fonction de leur précocité, de leur alternativité et de la date de semis visée
Majorer la densité de semis
Les capacités de tallage étant réduites en semis tardifs, il est préconisé de semer à une densité de 350 grains/m² en sols de limon si les conditions sont optimales. En conditions plus difficiles et en sols argileux, il faudra encore densifier et atteindre 380 à 400 grains/m².
Adapter la protection à la pression attendue ainsi que le niveau de fertilisation au potentiel
- Une surveillance rapprochée des limaces jusqu’au stade 3 feuilles.
- Une dose d’engrais azoté ajustée au potentiel de rendement plus réduit.
- Une stratégie de désherbage à adapter : attention notamment aux limites réglementaires d’utilisation des spécialités d’automne. Certaines sont utilisables jusqu’à un certain stade (exemple : Battle Delta utilisable jusqu’à BBCH13), alors que d’autres auront une date limite d’application (exemple : Merkur, utilisable jusqu’au 31 décembre). Enfin, les céréales semées à partir de janvier sont considérées comme des espèces de printemps sur lesquelles il n’est réglementairement possible d’appliquer que des produits homologués pour cet usage.
- Un seul traitement fongicide à dernière feuille étalée (DFE), sauf en cas d’apparition précoce de rouille jaune.
En termes de productivité, que peut-on espérer d’un semis aussi tardif ?
Dès lors que l’on sort de la plage de semis optimale régionale, il faut s’attendre à ce que le potentiel de rendement soit entamé. Aussi, pour des semis de décembre, la perte de potentiel sera de l’ordre de 30 à 40 % (références essais ARVALIS), en comparaison à un semis à une date « classique » ; et plus le semis sera réalisé tardivement, plus ce potentiel sera pénalisé.
La figure 2, synthèse de nos essais régionaux, donne une indication quant aux potentiels atteignables par différentes espèces pour des semis extrêmement tardifs (semis de mars des années considérées). L’orge de printemps offre des niveaux de productivité supérieurs aux autres céréales (perte de seulement 40 % par rapport à un semis de céréales à l’automne).
Figure 2 : Potentiel d’une céréale semée tard au printemps (mars) en limon hydromorphe en pourcentage d’un semis d’automne de la même année
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