Céréales à paille : il reste encore du temps pour semer !
Les chantiers de semis des céréales sont à l’arrêt depuis quelques semaines, faute de conditions favorables. Mais des créneaux seront encore possibles, moyennant quelques ajustements de l’itinéraire. Le point sur les adaptations en cas de semis tardifs, voire très tardifs.
Depuis bientôt un mois, le temps perturbé et les cumuls de pluie très significatifs ont interrompu les chantiers de semis. Les intempéries devraient durer a minima jusqu’au 15 novembre, en sachant qu’il faudra encore attendre que les sols se ressuient pour pouvoir intervenir. Dans les terres de groies, il faudra compter au moins entre 4 et 5 jours de ressuyage et 10 à 13 jours dans les sols hydromorphes.
Des cumuls de pluie exceptionnels
Malgré quelques disparités au sein de la région, on surpasse dans toutes les situations la pluviométrie médiane. Dans certains secteurs, la pluviométrie depuis le 1er septembre dépasse même de 285 mm la médiane sur 20 ans (cartes). Ces conditions sont très proches de celles rencontrées lors des automnes 2019 ou 2000 (figure 1). L’année se caractérise également par un nombre de jours pluvieux et surtout un cumul de pluie exceptionnels depuis mi-octobre (figure 2).
Carte 1 : Cumul de pluies enregistré depuis le 1er septembre 2023
Carte 2 : Ecart à la médiane 20 ans du cumul de pluies enregistré depuis le 1er septembre 2023
Figure 1 : Cumuls de pluie entre le 1er septembre et le 20 novembre pour les automnes 2019, 2020 et 2023 – station météo de Niort-Souche (79)
Figure 2 : Nombre de jours de pluie supérieure à 0,1 mm par rapport au cumul de pluies sur la période du 15 octobre au 6 novembre sur 50 ans – Station météo de Niort-Souche (79)
Attendre le ressuyage des sols en profondeur, pas de passage en force
Afin de maximiser les chances de créer une structure favorable à la levée puis à l’enracinement des cultures, les bons réflexes sont d’attendre que le sol soit ressuyé sur toute l’épaisseur de la couche arable, ne pas travailler trop profond et utiliser le matériel le plus léger possible.
Les tassements profonds auront également des conséquences graves et durables sur les capacités des cultures à s’enraciner. Ils réduiront de ce fait les réserves en eau exploitables et exposeront davantage les cultures aux stress hydriques.
Semis retardés du blé : quels impacts sur le potentiel de rendement ?
Depuis plusieurs années, l’évolution du climat devient très perceptible au niveau du développement des cultures : les rythmes de développement s’accélèrent, la croissance hivernale, favorisée par les hivers doux, a tendance à augmenter. Ces évolutions conduisent à une réflexion sur les dates de semis.
Une étude récente d’ARVALIS démontre que les conséquences du changement climatique permettent de préserver les potentiels de rendement sur des périodes légèrement plus tardives (jusqu’au 15 novembre) que celles habituellement retenues. Pour les parcelles qui vont être semées au-delà du 15 novembre, les conséquences sur le rendement vont être perceptibles.
En effet, ARVALIS a testé durant 3 ans, en groies moyennes de l’Aunis, trois dates de semis de blé tendre : un semis à date recommandée (25-30 octobre), un semis décalé de 20 jours environ (vers le 15 novembre) et un semis retardé d’une vingtaine de jours supplémentaires (5-10 décembre).
Sur ces 3 campagnes, très différentes sur le plan climatique, dans ce type de sol, un décalage début décembre est significativement pénalisant malgré le recours à une variété très précoce pour compenser le retard (figure 3).
Figure 3 : Rendement du blé tendre en fonction du décalage de la date de semis (3 années d’essais en groies moyennes d’Aunis (17)
Des adaptations nécessaires en cas de semis plus tardifs
Densité de semis
Le décalage de la date de semis impacte directement la dose de semis, à la fois à cause du risque de perte à la levée (limaces, risque d’hydromorphie à des stades sensibles, lenteur de la levée), et du tallage fortement réduit. Il est donc nécessaire d’adapter à la hausse la quantité de grains semés au mètre-carré. Selon les contextes, la majoration sera différente.
Pour des semis réalisés avant le 1er décembre, on préconise d’augmenter la dose de 1 % par jour de retard par rapport à la date de semis prévue.
Pour des semis très tardifs, implantés à partir du 1er décembre, les densités présentées dans le tableau 1 s’appliquent. Dans ces situations, un changement de variété peut s’avérer préférable. Cependant, il n’est pas nécessaire de se ruer vers des variétés alternatives ou de printemps notamment pour le blé tendre. En effet, les variétés de type ½ hiver ou ½ alternatives restent souvent les plus productives pour des semis jusqu’en février, et cela même si elles présentent une tardiveté significative (+5 à 10 jours à épiaison) par rapport aux variétés de printemps.
Tableau 1 : Densités de semis recommandées (en nombre de grains/ha) selon le type de sol et le décalage de la date de semis
Le nombre de grains préconisé correspond à des semis dans un sol correctement préparé, avec des semences ayant une faculté germinative d’au moins 95 % : on prend en compte un taux moyen de perte de 10 %. La densité semée est indépendante de la variété choisie.
Désherbage
Les conditions actuelles auront souvent trois conséquences sur la gestion des adventices :
- Une part des adventices aura levé en octobre, permettant un effet de faux-semis pour les graines de surface et les repousses. Les implantations plus tardives cette année permettront aussi de limiter les levées de graminées automnales.
- Le recours au labour probablement accru suite à cet épisode humide pour pouvoir semer tardivement, permettra aussi de réduire la pression graminée.
- Les désherbages de postlevée seront sans doute compromis ou impossibles (peu de créneaux disponibles, levées lentes, parcelles non praticables, profondeur de semis irrégulière avec des grains en surface), obligeant à désherber en sortie d’hiver voire en prélevée si les chantiers le permettent et si les conditions climatiques sont favorables (pluies, températures mini.).
Fertilisation
La fertilisation devra être adaptée :
- Le potentiel de rendement devra être revu à la baisse,
- L’enracinement des céréales sera retardé, notamment en sortie d’hiver et au printemps,
- Le faible tallage causé par le semis tardif devra peut-être être soutenu en sortie d’hiver par des apports adaptés.
Maladies et ravageurs
Des implantations en novembre ou décembre conduisent le plus souvent à des levées très lentes, qui peuvent exposer les plantules aux limaces. Les semis plus tardifs sont moins exposés aux maladies (piétin verse, piétin échaudage, mosaïque…) car ils échappent aux premières contaminations pendant l’hiver. Les maladies foliaires prennent généralement du retard par rapport à la plante du fait du rythme accéléré des sorties de feuilles en semis tardifs.
Nous compléterons cette première messagerie par les recommandations d’adaptation des pratiques dans les prochaines éditions.
Message rédigé par ARVALIS avec l’appui des techniciens des Chambres d’Agriculture de Charente, Charente-Maritime, Vienne et Deux-Sèvres, Soufflet Agriculture, coopérative de Loulay, coopérative de Mansle, Terre Atlantique, Sèvre et Belle et Océalia.
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