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Poitou-Charentes

Céréales à paille : bilan agroclimatique pour expliquer les résultats de l’année 

La collecte 2023 est caractérisée par des rendements records en orge d’hiver et des rendements en blé tendre supérieurs de 5 % à la moyenne décennale. En retenant qu’à mi-mai, le potentiel en place des blés tendres était également celui d’une année exceptionnelle. Le facteur explicatif majoritaire est tout d’abord lié au climat (stress hydrique intense de fin mai à début juin), les dommages causés par les bioagresseurs (septoriose, jaunisse nanisante de l’orge, maladie de pieds) ont finalement eu peu d’influence sur les résultats, en dehors des accidents isolés. Les teneurs en protéines varient de moyennes à bonnes à la faveur d’une météo propice à la bonne valorisation des apports jusqu’au 15 mai. Les poids spécifiques sont très bons en début de moisson, entre 76 et 80 kg/hl, puis diminueront avec les pluies orageuses de fin juin à début juillet.

Moissonneuse-batteuse dans un champ de blé à maturité, pour la récolte 2023 en Poitou-Charentes

D’un automne à une sortie d’hiver doux favorisant une croissance rapide favorable à l’enracinement

On retiendra un automne particulièrement doux et modérément arrosé. Les conditions sont favorables à un bon enracinement. Les cumuls de pluie limités se traduisent par un très faible lessivage automnal et le redoux de fin d’année offre une bonne minéralisation dans les sols suffisamment humides.

Le début de l’hiver est marqué par une alternance de périodes légèrement plus fraîches (deux premières décades de décembre) puis très douces (fin décembre début janvier), traduisant un rythme de développement accéléré. Par ailleurs, en janvier, des lames d’eau dépassant les 20 mm/jour contribuent à la lixiviation des éléments minéraux ; on dépasse les 150 mm en janvier sur certaines stations (Saintes).

En sortie d’hiver, on observe un jaunissement des parcelles en février, expliqué par une longue période sans pluie, une faim d’azote exacerbée par des biomasses élevées, la lixiviation de l’azote en janvier et des amplitudes thermiques marquées. A l’approche du stade épi 1 cm, l’alimentation azotée des cultures est très soutenue, en lien avec la bonne valorisation des premiers apports fin février. A ce stade, le cycle est en avance de cinq jours sur la médiane : l’excès thermique automnal est atténué par des températures plus fraîches fin février et début mars.

Les figures 1 et 2 illustrent une croissance des cultures soutenue, avec les tallages observés à l’approche du stade épi 1 cm très important.

Figure 1 : Comptages réalisés au Magneraud (17) en blé tendre
Figure 1 : Comptage réalisés au Magneraud (17) en blé tendre

Figure 2 : Comptages réalisés au Magneraud (17) en orge d’hiver
Figure 2 : Comptage réalisés au Magneraud (17) en orge d’hiver

Le risque de verse, en particulier sur les variétés sensibles, est plus fort cette année en lien avec une biomasse importante et une montaison précoce.

Désherbage 

Plusieurs fenêtres de fin octobre à mi-novembre sont propices aux interventions de prélevée et postlevée précoces. Beaucoup de phytotoxicités sont observées à l’automne, entraînant dans certaines parcelles des pertes significatives de pieds. Les lames d’eau importantes localement (période de mi-novembre), les amplitudes thermiques élevées et les petites gelées ponctuelles en sont majoritairement responsables. Autre facteur explicatif, certains passages de prélevée ont pu ponctuellement être réalisés à des stades pointants, en lien avec les levées très rapides des céréales. Les semis avec des graines en surface sont d’autant plus exposés.

Ravageurs

Le début de campagne est favorable aux vols des pucerons et cicadelles : à titre illustratif, les contaminations atteignent 100 % de plantes habitées sur les essais jaunisse nanisante de l’orge (JNO) sur les orges semées précocement au Magneraud. Dans les zones de marais en Charente-Maritime et Sud Vendée, des dégâts de nématodes (Heterodera Avenae principalement) sont observés de manière significativement supérieure aux années précédentes, fin février, majoritairement sur blé dur, mais également sur blé tendre.

Maladies 

Le climat est propice au développement de l’inoculum primaire du piétin échaudage renforcé par les températures printanières qui suivront. Le développement de la septoriose débute tôt. Ponctuellement, on observe quelques symptômes de rouille brune sur blé tendre. Des symptômes de mosaïques sont observés avec une importance supérieure aux années précédentes dans les parcelles à risque.

De montaison à floraison : le potentiel mis en place à cette période est très élevé

Sur la période, les céréales sont correctement alimentées en eau et en azote avec des plages d’assimilation élargies (biomasse importante avec bonne absorption de l’azote). Les conditions de montaison ont été favorables à la mise en place du nombre d’épis et la formation des épillets totaux (nombre de grains potentiels de l’épi élevé). Le potentiel mis en place à cette période est élevé. Les figures 3 et 4 illustrent la très bonne fertilité des céréales cette année, avec certes un nombre de régression de tiges important mais nécessaire au vu du potentiel en place difficilement tenable jusqu’à la récolte.

Figure 3 : Comptage réalisés au Magneraud (17) en blé tendre
Figure 3 : Comptage réalisés au Magneraud (17) en blé tendre

Figure 4 : Comptage réalisés au Magneraud (17) en orge d’hiver
Figure 4 : Comptage réalisés au Magneraud (17) en orge d’hiver

Désherbage 

Probablement à la faveur des à-coups climatiques et de la pluviométrie, beaucoup de parcelles se salissent : graminées notamment ray-grass, vulpins et folles avoines, vivaces (chardons).

Ravageurs 

Les contextes pédoclimatiques des zones touchées par les nématodes (marais) et les conditions de l’année permettent aux parcelles atteintes de compenser le plus souvent ces attaques.

Maladies 

Concernant la JNO, des symptômes sont fréquemment signalés mais les conséquences sont plus faibles que pressenti, notamment en orge, en partie expliquées par l’emblavement de variétés tolérantes à la JNO, atténuant le risque pour les semis en période recommandée. La septoriose est fortement présente sur toute la région. Sur orges, oïdium et rouille naine laissent la place à l’helminthosporiose. Rhynchosporiose et helminthosporiose sont très présentes sur les orges de printemps semées à l’automne. La pression maladies, certes plus forte, est toutefois bien contrôlée par les interventions fongicides.

Un remplissage sous des conditions climatiques défavorables esquivé en partie par les orges

Très brutalement, le stress hydrique accentué par les très fortes évapotranspirations (ETP) (températures maximales et vent) s’installe dans les sols superficiels et s’amplifie sans discontinuer tout au long du mois de mai, pour se généraliser dans l’ensemble des contextes de la région début juin. Il accélère la sénescence des feuilles et la chaleur précipite simultanément les cycles. Les orges atteignent la maturité physiologique fin mai et esquivent en grande partie les températures échaudantes de début juin. Les blés quant à eux pâtissent des conséquences du stress hydrique associé au stress thermique, entraînant, selon le type de sol et l’avancée des céréales :

  • La sénescence accélérée des dernières feuilles.
  • Un remplissage réduit se traduisant par des grains de petite taille. Ce phénomène est accentué par le nombre de grains souvent très élevé. Les suivis de remplissage réalisés démontrent la faible évolution du poids de mille grains (PMG) entre mi et fin remplissage.
  • Des épis blanchis par des stress biotiques cachés jusque-là par la bonne alimentation des cultures (piétin-verse, rhizoctone et surtout piétin échaudage).

Figure 5 : Climat et période de remplissage pour les orges et les blés - campagne 2022-2023
Figure 5 : Climat et période de remplissage pour les orges et les blés

Figure 6 : Bilan hydrique (P-ETP) durant la période de remplissage du blé
Figure 6 : Bilan hydrique (P-ETP) durant la période de remplissage du blé

A maturité : les pluies éparsent freinent la récolte et impactent pour certains secteurs le poids spécifique

Les parcelles les plus précoces sont récoltées première semaine de juin. Mi-juin, la plupart des orges sont moissonnées.

Les récoltes de blé tendre et de blé dur débutent vers le 25 juin, toutes les espèces d’automne étant à maturité, les chantiers se compliquent. Elles s’étalent jusqu’au 20 juillet, conséquence des pluies éparses qui les freinent et impactent le poids spécifique (PS). Le grain s’imbibe, gonfle, puis reperd de l’eau sans retrouver sa forme initiale : on estime la perte à 0,5 kg/hl pour 10 mm de pluie entre la maturité physiologique et la récolte.

En orge, les rendements sont très élevés. La qualité est généralement au rendez-vous : bons PS, teneurs en protéines contenues, calibrages plutôt bons malgré des PMG plus faibles que la moyenne en raison du nombre de grains par m² élevé et des conditions de remplissage.

En blé, les rendements sont légèrement au-dessus de la moyenne décennale, entre 65 et 70 q/ha. Les teneurs en protéines sont moyennes à bonnes grâce à la bonne valorisation des apports jusqu’au 15 mai. Les PS sont très bons en début de moisson et vont se dégrader jusqu’en fin de moisson.

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