Résultats d’essais

Buses à injection d’air et haie font la paire pour protéger les riverains de la dérive

Les buses à injection d’air et les haies sont deux moyens efficaces pour réduire la dérive des produits phytosanitaires. En les associant, celle-ci est même réduite de plus de 90 % par rapport à une buse classique utilisée sans haie. C’est ce dont témoignent les résultats du projet CAPRIV tout juste achevé. 

Essai matériel antidérive

Comment Concilier Application des Produits phytosanitaires et Protection des RIVerains ? C’est ce qu’ont étudié durant deux ans ARVALIS, le CTIFL, l’IFV, ainsi que l’INRAE et l’ACTA à travers le projet CAPRIV. Côté grandes cultures, les expérimentations se sont divisées en trois temps : tester l’efficacité des matériels homologués pour réduire la dérive (en 2021), tester l’efficacité de la haie (en 2022) et évaluer la combinaison des deux.

Pour le matériel, une buse à fente classique (XR-Teejet) sert de référence. Trois buses à injection d’air, correspondant aux trois classes de réduction de dérive homologuées, ont été choisies : la CVI-Albuz (pour la classe 66 %), la ID-Lechler (75 %) et la TTI-Teejet (90 %).

Des simulations à deux stades du blé

Pour mesurer l’efficacité du matériel, l’application d’un fongicide a été simulée à deux stades du blé (2 nœuds et Dernière Feuille Etalée - DFE) à l’aide d’un pulvérisateur porté de 24 m et d’une bouillie (appliquée à la dose de 80 l/ha) composée d’eau et du colorant Brillant Sulfaflavine. Dans le dispositif, le vent était perpendiculaire (+/-30°) à la zone traitée et dirigé vers la zone d’échantillonnage (figure 1).

Trois types de collecteurs ont été positionnés à différentes distances de la zone traitée :

  • des boîtes de Pétri pour mesurer la dérive sédimentaire,
  • des fils PVC horizontaux (positionnés de 0,5 m à 6 m de hauteur) pour mesurer la dérive aérienne,
  • des mannequins en 2D équipés de t-shirts en coton.

Figure 1 : Dispositif de mesure de dérive en grandes cultures en 2021
Figure 1 : Dispositif de mesure de dérive en grandes cultures en 2021

En 2022, une haie naturelle était présente entre 1,5 et 4 m, et deux distances de collecte ont été ajoutées à 15 et 25 m de la zone traitée.

Des performances antidérives de buses supérieures aux prévisions

Il en ressort que la réduction de dérive sédimentaire, par rapport à la buse de référence XR, est supérieure à celle déterminée en soufflerie pour leur homologation (figure 2). En effet, elle est de 64 % à 2 nœuds et de 79 % à DFE pour la buse CVI, de 86 % à DFE pour la buse ID (non validée à 2 nœuds) et de 97 % pour la buse TTI aux deux stades.

Un effet de la distance est également observé : plus on s’éloigne du point d’émission, plus la dérive est faible. Dès 2 m par rapport à la zone traitée, la dérive est même très faible pour les buses à injection d’air (< 0,5 % du volume appliqué) par rapport à celle de la buse à fente classique (< 3 % du volume appliqué).

Figure 2 : Dérive sédimentaire (en % du volume appliqué) à 1, 2, 3, 5, 10 et 20 mètres de la zone traitée au stade dernière feuille étalée du blé
Figure 2 : Dérive sédimentaire (en % du volume appliqué) à 1, 2, 3, 5, 10 et 20 mètres de la zone traitée au stade dernière feuille étalée du blé

Pour la dérive aérienne, la réduction enregistrée des buses à injection d’air est également proche voire supérieure à celle déterminée pour leur homologation : de 56 à 83 % pour la buse CVI, 86 % pour la buse ID (non validée à 2 nœuds) et de 90à 94 % pour la buse TTI aux deux stades végétatifs du blé (figure 3).  Un effet de la hauteur est aussi observé : plus on accroît la hauteur de prélèvement et plus la dérive aérienne est faible. Ce fait est beaucoup moins marqué pour les buses à injection d’air puisqu’elles ont une faible dérive dès le fil le plus bas (excepté la CVI à 2 nœuds).

Dès 4 m de hauteur, la dérive est très faible pour les buses à injections d’air (< 0,5 % du volume appliqué) par rapport à la buse à fente classique (< 1,5 % du volume appliqué). On observe une adéquation parfaite entre la classe de réduction de dérive de la buse en question et sa réduction de dérive aérienne en conditions extérieures.

L’exposition des riverains a été difficile à mettre en évidence car des problèmes d’extraction du traceur sur le coton sont venus perturber les mesures. Néanmoins, avec seulement 50 % de traceur extrait, on retrouve une nette différence entre la buse de référence et les buses à injection d’air.

 Figure 3 : Dérive aérienne (en % du volume appliqué) à 5 mètres de la zone traitée, au stade dernière feuille étalée du blé
dérive haie

La haie réduit la dérive d’au moins 70 %

En 2022, le même dispositif a été mis en place mais en présence d’une haie entre la zone traitée et la zone d’échantillonnage. Le traceur a été remplacé par la Sulforhodamine B. La haie naturelle utilisée dans le dispositif est majoritairement composée de troènes, pruneliers, noisetiers, cornouillers (mâles et sanguins) et de merisiers. Il s’agit d’une haie « basse taillée au carré de type buissonnante » ; sa longueur varie entre 1,90 et 3,68 m et son épaisseur, entre 1,67 et 3,20 m (photo).

Le potentiel de réduction de dérive est important post-haie, quelle que soit la buse utilisée par rapport à la même buse testée sans haie. En définitive, la haie permet de réduire la dérive de plus de 70 %, équivalent à elle seule à une buse homologuée à 66 %, voire à 75 %. 

photo

La combinaison de moyens : le duo gagnant

En 2022, les essais ont évalué l’intérêt de combiner buses à injection d’air et haies sur la réduction de la dérive. Pour cela, les données issues des essais 2022 (en présence de haie) ont été comparées à la buse de référence XR utilisée sans haie en 2021. La comparaison des expérimentations sur deux années différentes, liée au caractère naturel de la barrière physique testée (inamovible), ne constitue pas un biais méthodologique suffisant pour affecter les pourcentages de réduction de dérive obtenus. Les conditions météorologiques ne variaient pas plus entre les deux années qu’au sein d’une même expérimentation réalisée sur deux journées consécutives.

En moyenne, combiner la haie avec une buse à injection d’air revient à réduire la dérive sédimentaire ou aérienne de plus de 90 % par rapport à la buse de référence utilisée sans haie. Ce dispositif permet très largement de respecter la réglementation sur les distances de sécurité des résidents et personnes présentes (DSRPP). A noter que cette réglementation est très précautionneuse compte tenu des faibles pourcentages de dérive observés dès 2 mètres. 

Pour ce qui est de l’installation de haies, ce fait dépasse le périmètre agricole et doit être réfléchi à l’échelle du territoire, en concertation avec tous ses acteurs.

Benjamin Perriot (b.perriot@arvalis.fr) ; David Pasquier (d.pasquier@arvalis.fr) ; Damien Gaudillat (d.gaudillat@arvalis.fr), Justine Gravé (j.grave@upterra.fr)
Avec la collaboration de Yasmine Uneau

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