Blé tendre : retour sur les points marquants de la campagne 2022/2023
Une fois n’est pas coutume, une grande hétérogénéité de rendements marque la campagne blé tendre 2022/2023, en fonction de la réserve hydrique des sols. Le rendement moyen 2023 de la région pourrait se positionner légèrement au-dessus de la moyenne, soit à 66,6
En 2022-2023, le cumul des surfaces implantées en blé tendre d’hiver en Bourgogne-Franche-Comté s’établit à 362 000 ha. En comparaison à la moyenne des cinq dernières années, la sole occupée par cette espèce est en régression de 1 % .
Figure 1 : Surfaces et rendements en blé tendre d’hiver en Bourgogne / Franche-Comté
Climat : un hiver doux, une montaison humide et une fin de cycle dans la douleur
Sur une longue période s’étendant du 5 octobre au 20 mars, la campagne 2022/2023, se caractérise d’abord par une température moyenne bien supérieure à la moyenne, se rapprochant ou égalant les anciens records enregistrés en 2007 ou 2020. Au niveau de la pluviométrie enregistrée sur cette période, le climat a été plutôt sec, en particulier pendant une bonne partie de l’hiver. En particulier, on enregistre de manière inhabituelle, une longue période de sécheresse entre le 20 janvier et le 10 février.
A partir de fin mars, le climat se rafraîchit, limitant l’avance des cultures observée jusqu’alors. La pluie fait également son grand retour, sur la période du 20 mars au 30 avril : 2023 se positionne comme la plus humide des cinq dernières années, sans stress hydrique.
Figure 2 : Position de l’année 2023 en cumuls de pluies et températures moyennes – Station de Dijon (21)
Figure 3 : Position de l’année 2023 en cumuls de pluies et températures moyennes – Station de Auxerre (89)
Du côté du rayonnement, un faible rayonnement est observé à l’approche de la méïose, surtout pour les situations tardives (figure 4). Le défaut de rayonnement au stade méïose, stade de formation du pollen, peut avoir une influence négative sur la quantité de pollen produit et donc sur le nombre de grains par épi. Par ailleurs, un faible rayonnement peut provoquer l’étiolement des tiges et ainsi, augmenter le risque de verse.
Figure 4 : Evolution des températures minimales (°C) et du rayonnement (cal/cm²) sur la station de Til-Chatel (21) pour la variété Complice semée au 10 octobre 2022
Les conditions climatiques du remplissage des grains de blés ont été très stressantes. La réserve de survie du sol est entamée dès le stade début épiaison en sol superficiel et après floraison en sol plus profonds, provoquant un stress hydrique pour les plantes (figures 5 et 6). Durant la première phase de remplissage des blés, les températures sont échaudantes avec un cumul de températures supérieures à 25°C très excédentaires (figure 7). En même temps, la demande évaporative est très élevée exacerbée par de forte biomasse et du vent. Les ETP (évapotranspirations) sont régulièrement supérieurs à 5 mm par jour pendant 10-12 jours, soit largement au-dessus de la médiane (figure 8).
Figures 5a et 5b : Déficit en eau du sol ; à gauche, pour la variété Goncourt semée le 19/10/2022 - Dijon (21) - réserve utile de 120 mm ; à droite, variété Complice semée le 19/10/2022 - Noyers (89) - réserve utile de 50 mm
Figure 6 : Cumul de températures supérieures à 25°C entre floraison et maturité des blés
Figure 7 : Nombre de jours avec une ETP supérieure à 5 mm - Première phase de remplissage du blé tendre d’hiver (de floraison à grain laiteux) du 26 mai au 5 juin
Croissance : une année (encore) précoce
Sans contraintes climatiques particulières, les semis sont réalisés rapidement et majoritairement entre le 5 et le 15 octobre. En sortie d’hiver, sous l’effet d’un cumul de températures excédentaires d’environ 300 degrés de plus que la moyenne, le stade épi 1 cm est arrivé en avance d’une quinzaine de jours par rapport à la médiane. Relativement à leurs historiques, les semis réalisés après le 20 octobre sont plus en avance que les semis précoces. Cela classe l’année 2023 comme parmi la plus précoce pour l’arrivée du stade épi 1 cm.
Au regard des deux dernières décades d’avril en moyenne plus froides que la médiane des vingt dernières années, l’avance acquise au stade épi 1 cm s’est réduit au stade épiaison. Le stade maturité physiologique est atteint entre le 20 et le 29 juin, soit environ une semaine d’avance par rapport à la médiane.
Figure 8 : Date d’arrivée du stade épi 1 cm – Dijon (21)
Figure 9 : Date d’arrivée du stade épiaison – Dijon (21)
Conditions de culture : une année à maladies !
Sur des sols généralement frais, le désherbage d’automne a pu être réalisé dans des conditions d’application favorables à la sélectivité et l’efficacité des herbicides racinaires.
Pour la troisième année consécutive, les ravageurs d’automne dont les pucerons vecteurs de la JNO (jaunisse nanisante de l’orge) sont restés très discrets malgré un temps de présence long (jusqu’à décembre).
Concernant les apports d’engrais azoté, ceux réalisés début février ont été mal valorisés. Cependant, le retour des pluies dès début mars a permis une bonne valorisation des apports réalisés autour du stade épi 1 cm mais également jusqu’à fin montaison.
Du côté des maladies, la septoriose fait son grand retour après plusieurs années sans. Les averses fréquentes enregistrées au cours du printemps ont été particulièrement efficaces pour que la maladie se développe significativement, en tout cas bien plus fortement qu’au cours des derniers printemps marqués par de fortes sécheresse. De la rouille jaune est également observée surtout sur variétés sensibles. En lien avec l’excès thermique de l’année, de la rouille brune apparait également en fin de cycle.
Des orages en juin ont provoqué des phénomènes de verse. On en distingue deux types :
- la verse physiologique : il s’agit d’un défaut de résistance de la tige du fait d’entre-nœuds trop longs et/ou de parois trop peu épaisses.
- la verse parasitaire : c’est la conséquence de l’attaque de la tige par un champignon, par exemple le piéton verse, le piétin échaudage, le rhizoctone ou encore la fusariose du pieds.
A la récolte : des grains par m² mais des petits grains
Sur la base d’un jeu de données historiques d’ARVALIS-Institut du végétal sur la région Bourgogne-Franche-Comté et Alsace, les résultats obtenus à l’issue de la campagne 2022-2023 se caractérisent par :
- Un nombre d’épis/m² supérieur à la moyenne surtout en sols profonds.
- Un nombre de grains/épi dans la moyenne .
En conséquence, le nombre de grains/m² est supérieur à la moyenne d’autant plus que le nombre d’épis est élevé en fonction de la réserve hydrique du sol.
Figure 10 : Suivi physiologique pluriannuel - nombre de grains/épi / épis/ m² – toutes variétés – sols limons argileux profonds de la plaine de Dijon et argilo-calcaires superficiels des plateaux de la Bourgogne – 1991/2023
Le PMG (poids de mille grains) a été contraint par des conditions de fin de remplissage défavorables : les valeurs sont inférieures de -10 % en Plaine à -30 % sur les Plateaux par rapport aux moyennes pluriannuelles.
Figure 11 : Suivi physiologique pluriannuel – rendement / nombre de grains/m² - toutes variétés – sols limons argileux profonds de la plaine de Dijon et argilo-calcaires superficiels des plateaux de la Bourgogne – 1991/2023
Figure 12 : Suivi physiologique pluriannuel – rendement / PMG - toutes variétés – sols limons argileux profonds de la plaine de Dijon et argilo-calcaires superficiels des plateaux de la Bourgogne – 1991/2023
Figure 13 : Suivi physiologique pluriannuel – teneur en protéines / rendement - toutes variétés – sols limons argileux profonds de la plaine de Dijon et argilo-calcaires superficiels des plateaux de la Bourgogne – 1991/2023
In fine, les rendements sont légèrement supérieurs à la moyenne des cinq dernières années, surtout en sols profonds qui ont moins souffert de la fin de cycle stressante.
Les teneurs en protéines sont élevés (≈ 12 %).
Les poids spécifiques sont modestes, en lien avec le dessèchement rapide des grains en fin de cycle et les orages localisés post-maturité des blés.
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