Septoriose du blé : faut-il vraiment intervenir tôt cette année ?
Avec de la septoriose actuellement bien visible dans les champs, des pluies régulières, des blés à 2 nœuds… les ingrédients sont réunis pour réfléchir sur la stratégie de protection contre les maladies.
Dans ce contexte, sur variétés sensibles et moyennement sensibles, un premier traitement entre 2 nœuds et la sortie de la dernière feuille peut être pertinent.
En revanche, sur variétés peu sensibles telles Chevignon, KWS Extase, Junior, l’impasse T1 reste recommandée cette année, à condition de bien positionner le T2 au stade « dernière feuille étalée » (DFE) avec un SDHI et en l’absence de rouille jaune.
Dans tous les cas, ne pas baisser la dose au T2 (même si un T1 a été réalisé), et viser le stade DFE : c’est le traitement le plus rentable contre la septoriose.
La septoriose : comment ça fonctionne ?
La pression septoriose évolue en deux temps :
- d’abord un inoculum s’installe en sortie d’hiver en fonction des pluies et des températures. Cet inoculum est généralement non limitant dans nos régions du Nord-Est,
- et ensuite, les pluies du printemps vont faire monter les contaminations de septoriose de feuille en feuille au fur et à mesure de leur sortie. Une feuille qui n’est pas encore sortie ne peut pas être contaminée. Par contre, les pluies importantes à partir de dernière feuille étalée vont contaminer toutes les feuilles.
Une période de pluies continues au printemps fait monter la maladie de feuille en feuille. L’objectif de la protection est de conserver les trois dernières feuilles saines le plus longtemps possible pour assurer un bon remplissage des grains.
A l’inverse, 2-3 semaines sans pluies engendrent des sorties de feuilles saines et cantonnent la maladie en bas de plantes (pression limitée).
Les sorties de symptômes interviennent, selon les températures, entre 10 et 20 jours après les contaminations. Les interventions fongicides se font principalement de manière préventive.
Ayant compris cela, le traitement ESSENTIEL est à dernière feuille étalée, lorsque l’ensemble des feuilles est sorti. Il préserve la majorité de la nuisibilité et est le plus rentable (presque 4 € gagnés pour 1 € investi !).
Tableau 1 : Retour sur investissement pour chaque traitement (synthèse 15 essais ARVALIS sur variétés sensibles à la septoriose 2013-2015-2016)
Des pluies fréquentes depuis épi 1 cm, comme en 2023
Les pluies durant cette campagne sont largement en excès, ce n’est pas un scoop... Toutefois, les cumuls de pluies depuis le début montaison (début mars pour simplifier) se situent dans des niveaux proches de l’an dernier. 2023 était également un printemps humide ! Entre début mars et début avril 2024, le cumul de pluies est supérieur de 50 mm à la moyenne des vingt dernières années.
Tableau 2 : Cumul de pluies en mm entre le 1er mars et le 10 avril sur les printemps 2023, 2024 et la moyenne des 20 dernières années
Pour mémoire, les essais réalisés en 2023 sur variétés peu sensibles dans la région ont montré que le T1 n’était pas valorisé. La pression a été gérable avec les produits de T2 robustes actuels, avec une fin de cycle chaude et sèche ayant nivelé les écarts.
Quel est le niveau de pression actuellement ?
Actuellement, nous avons deux populations de parcelles de blé :
- les semis tardifs sont autour d’épi 1 cm. Ces parcelles subiront logiquement une pression septoriose plus faible. La protection maladies n’est pas à l’ordre du jour actuellement.
- les semis d’octobre sont globalement à 2 nœuds, avec des symptômes de septoriose sur les f3 du moment (F5 définitive). Le modèle septoriose ARVALIS déclenche sur variétés sensibles et moyennement sensibles entre 2 nœuds et dernière feuille pointante. Pour plus de précision : abonnez-vous via un distributeur à l’outil sur vos parcelles.
Carte 1 : Déclenchement du traitement septoriose selon le modèle ARVALIS pour la variété Rubisko (sensible) semée le 15 octobre 2023
Sur variétés peu sensibles, le modèle ne déclenche pas encore de traitement.
Attention, tous les ans, les variétés peu sensibles peuvent présenter des symptômes de septoriose à 2N, la différence visuelle sur la résistance variétale se fait très nettement en juin sur les dernières feuilles ! KWS Extase et Chevignon tiennent bien au final en écart traité/non traité, même si une petite dérive visuelle peut être identifiée début montaison.
La situation est un peu différente pour Célébrity : nos essais ont montré une petite érosion de sa tolérance vis-à-vis de la septoriose. Dans ce cas, un T1 à DFP peut être pertinent.
Si je privilégie l’impasseT1 : comment se rassurer ?
1/ En Champagne, la pression peut être levée en 2 traitements : DFE-flo
Les essais historiques, principalement sur des variétés sensibles d’ailleurs, montrent que la protection peut être réalisée en 2 traitements à partir de DFE + floraison, et donner des résultats équivalents à une stratégie 3 traitements. C’est encore plus vrai sur variétés peu sensibles !
Figure 1 : comparaison des gains bruts entre des stratégies fongicides à base de 2 ou 3 traitements sur blé tendre de 2018 à 2022 en Champagne-crayeuse
Cette synthèse de 11 essais menés par ARVALIS en Champagne-Crayeuse montre un écart moyen de 0,7 q/ha et un écart maximum de 3,5 q/ha (sur variété sensible) entre une stratégie 2 traitements et une stratégie 3 traitements. Dans la moitié des situations, cet écart est inférieur à 1 q/ha.
N.B : pour chaque stratégie présentée, le gain fongicide représente l’écart entre la modalité traitée et le témoin non traité.
2/ Les produits en T2 sont assez robustes et peuvent lisser des écarts au T1. Pour se rassurer, il est possible de monter un peu la dose du T2 prévu pour ajuster à la pression de l’année.
Dans bien des cas, il sera plus rentable de dépenser 20 € de plus au T2 que les investir au T1.
Au final : que faut-il retenir ?
Le choix du T1 va dépendre de la sensibilité variétale :
- pour les variétés sensibles à la septoriose = suivre les OAD, 1res tendances à des déclenchements entre 2 nœuds et dernière feuille pointante. Il est possible de faire soit un passage de triazole (tébuconazole, metconazole), associé eventuellement à du biocontrole (soufre ou phosphonate de potassium), ou bien un T1 intégralement biocontrole (soufre+phosphonates de potassium).
Attention, un T1 à base de soufre sera lessivable en cas de pluies et les compteurs sont donc remis à zéro. - pour les variétés peu sensibles à la septoriose = la règle reste l’impasse. Si l’idée est de faire un T1 qui coûtera 20 € et d’alléger le T2, la stratégie est mauvaise. Pour se rassurer monter éventuellement la dose du T2. La rouille jaune pourrait faire déclencher des T1 dans les prochaines semaines, à surveiller…
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