Produits de biocontrôle : des conditions de pulvérisation à adapter ?
Et si les paramètres de pulvérisation des produits de biocontrôle étaient différents de ceux des produits conventionnels ? Une hypothèse de plus en plus probable à mesure que les connaissances scientifiques sur ces produits se précisent. De nombreuses zones d’ombre restent encore toutefois à éclaircir.
Depuis une dizaine d’années, les innovations en biocontrôle se font tous azimuts, encouragées par une réglementation qui leur est plutôt favorable. Pourtant, entre l’efficacité des produits annoncée et celle effectivement observée au champ, il y a souvent un monde. Un constat qui a donné naissance au projet ABA-PIC1, financé dans le cadre du plan France Relance et achevé fin 2022.
Dans le viseur des chercheurs, les conditions d’application des produits de biocontrôle pulvérisables (substances naturelles et micro-organismes), suspectées d'influencer leur efficacité.
Pour en savoir plus et identifier les aspects de la pulvérisation qui nécessitent encore de la R&D, ARVALIS a réalisé un important travail de synthèse bibliographique, doublé d’une enquête auprès de chercheurs, agro-équipementiers, fabricants de produits et conseillers agricoles. Ce travail a mis en évidence la nécessité d’investiguer les réglages spécifiques à ces produits et de proposer une offre de conseil adaptée (voir encadré).
Préparation des bouillies : un protocole encore plus fin
La nécessité de stocker au frais les produits de biocontrôle est connue depuis longtemps. Mais la température de la bouillie est un paramètre qui a peu été exploré, tout comme l’influence de la qualité de l’eau (pH, dureté) sur ces produits. De même, le mélange des produits de biocontrôle, entre eux ou avec des produits conventionnels, n’est pas un acte anodin : selon la nature des produits, il faut respecter un certain ordre d’incorporation. Sans compter que leur compatibilité n’est pas systématique.
Côté réglages du pulvérisateur, des essais menés par des instituts techniques et des coopératives agricoles ont mis en évidence que la taille minimale du filtre recommandée avec des produits de biocontrôle est de 100 mesh. Comme ces produits sédimentent plus vite, il est important d’augmenter la taille du filtre pour éviter de le boucher, en plus de remuer constamment la bouillie lors de sa préparation.
Des combinaisons buses-volume-pression à définir
Quant à la pression des buses, il semblerait qu’elle altère les micro-organismes lorsqu’elle est trop élevée. Ce constat a lui-aussi été fait lors d’observations microscopiques sur des moûts en cours de fermentation à l’Institut français de la Vigne et du Vin (IFV).
Le volume de bouillie pourrait également nécessiter des ajustements en fonction du type de buse. En 2022, ARVALIS a réalisé en Côte-d’Or et en Alsace des essais de pulvérisation de phosphonate de potassium et de soufre contre la septoriose du blé avec différents volumes de bouillie. Deux types de buses ont été utilisées : une buse à fente classique et une buse à injection d’air homologuée à 66 % de réduction de la dérive. Malheureusement, une trop faible pression maladie cette année-là n’a pas permis d’aboutir à des conclusions. Une nouvelle série d’essais est prévue en 2023.
La luminosité s’invite dans l’équation
Certains paramètres météo sont bien connus pour optimiser l’application de produits phytosanitaires, qu’ils soient conventionnels ou de biocontrôle : vent et pluie faible, hygrométrie élevée (minimum 70 %). Mais il semblerait que la température et la luminosité doivent être adaptées pour chaque substance de biocontrôle. Des tests en enceintes climatiques pourraient permettre de lever ces incertitudes.
Face à la complexité des modes d’action des produits de biocontrôle, à la fois multiples selon la substance mais spécifiques au bioagresseur visé, la création d’une offre de conseil dédiée semble presque inévitable. À termes, l’ambition des instituts techniques est de formaliser, en concertation avec l’ensemble des acteurs du biocontrôle, des fiches conseils recensant les conditions d’application (climatiques, réglages du pulvérisateur etc.) de chaque produit ou substance. L’objectif est aussi d’associer à ce travail les agro-équipementiers afin qu’ils puissent développer, si nécessaire, du matériel adapté aux spécificités de ces produits.
1 Accélération du biocontrôle et des agroéquipements pour la Protection Intégrée des Cultures
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